Coronavirus à Marseille : « On ne va plus tenir », complètement débordés, les soignants de l'AP-HM lancent un SOS au privé
SANTE•Faute de personnel suffisant, et face à un marché du travail totalement vidé, les hôpitaux marseillais demandent à leurs collègues du privé de les aider à faire face à la crise du Covid-19Mathilde Ceilles
L'essentiel
- Face à une épidémie qui ne faiblit pas, le personnel de l’AP-HM demeure insuffisant pour gérer la crise sanitaire.
- Les soignants des hôpitaux de Marseille ont lancé un appel à l’aide, à destination de leurs collègues des cliniques et hôpitaux privés de la région.
- Pour l’instant, quasiment aucun candidat ne s’est manifesté et les hôpitaux envisagent de déprogrammer toujours plus d’opérations.
«On tient, depuis un an on tient, mais à un moment, on ne va plus pouvoir tenir. » Le tableau dressé par le professeur Dominique Rossi fait froid dans le dos. Les soignants de l’Assistance publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) ne parviennent plus à faire face, tant la masse de travail provoquée par la crise sanitaire du coronavirus est importante.
« Les chiffres de patients Covid en réanimation sont en train de monter nettement, explique le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HM. On était sur un plateau déjà très haut, qui grimpait petite marche par petite marche toutes les semaines. Et depuis un à deux jours, ça s’accélère. En temps normal, l’AP-HM dispose de 110 lits de réanimation adulte. Aujourd’hui, on a 175 lits ouverts, mais avec le même personnel médical. Alors, le nombre de garde a pratiquement doublé. Les gens sont épuisés, physiquement et psychologiquement, et l’absentéisme s’est légèrement aggravé. »
Plus d’une centaine de soignants manque à l’appel
En septembre dernier, l’AP-HM avait déjà lancé une vaste campagne de recrutement, face à un manque criant de bras en pleine crise sanitaire. Pas moins de 200 infirmières manquaient alors à l’appel. « On a recruté 230 personnes depuis le 10 décembre », affirme Karen Inthavong, coordinatrice générale des soins à l’AP-HM.
Mais deux mois après, les malades continuent d’affluer, et l’AP-HM manque toujours de bras. Selon les estimations de l’AP-HM, 80 infirmières, 30 aides-soignants et dix anesthésistes réanimateurs sont nécessaires pour prendre en charge l’ensemble des patients qui se présentent en ce moment dans les hôpitaux publics de la deuxième ville de France.
« Le souci, c’est qu’il n’y a plus personne sur le marché », regrette Karen Inthavong. « Au premier confinement, on avait des aides des autres services, avec les déprogrammations, précise le professeur Rossi. Les urgences étaient vides par exemple. Aujourd’hui, on est confronté à la gestion de deux flux. Et il n’y a pas de renfort ministériel. La réserve sanitaire a déjà été toute utilisée. »
Appel à l’aide au privé
Alors, ce jeudi, les soignants de l’AP-HM ont lancé dans La Provence un appel à l’aide, à destination de leurs collègues des cliniques et hôpitaux privés de la région. « Si certains ont du temps libre et souhaitent nous donner un coup de main pendant quelques semaines, quelques mois, ils sont les bienvenus », lance le professeur Rossi. « Nous pouvons leur proposer des missions sur leur temps de repos, détaille Karen Inthavong. Certains travaillent dans des hôpitaux. L’idée est d’aider, pas de les débaucher ! »
Depuis la publication de cet appel, un seul aide-soignant et deux médecins ont envoyé leurs candidatures à l’heure où ces lignes sont écrites. « C’est sûr qu’on n’est pas submergé par les demandes, ironise avec une certaine inquiétude le professeur Rossi. Mais qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il faut bien qu’on gère ! On a déjà déprogrammé 40 % de notre activité. Si on doit monter au-delà, ça devient extrêmement problématique pour les malades que l’on assure habituellement et que l’on va devoir déprogrammer. On est dans l’urgence ! » Ce vendredi, 287 patients atteints du Covid-19 étaient hospitalisés à l’AP-HM, dont 77 en réanimation.