Issu du cannabis, « le CBD aide à oublier les soucis sans prendre d’antidépresseurs »
EPIDEMIE•Le climat anxiogène induit par la pandémie de Covid-19 génère chez beaucoup du stress, que certains tentent de surmonter en prenant du CBD, une molécule extraite de la plante de cannabisAnissa Boumediene
L'essentiel
- Entre confinements, couvre-feu et vie sociale restreinte, la crise du coronavirus a bouleversé notre quotidien, le rendant pour beaucoup bien plus stressant.
- Pour surmonter le stress et l’anxiété que génère ce climat, certains se sont tournés vers le cannabidiol, ou CBD.
- Cette molécule extraite du chanvre est de plus en plus plébiscitée pour ses effets relaxants.
Déco green et soignée, mur végétal, couleurs naturelles et ambiance cosy. On pourrait se croire dans un bar à smoothie ou une herboristerie pour amateurs d’huiles essentielles. Ce n’est pas tout à fait ça. Au cœur du Marais, dans la capitale, Le Chanvrier français propose une déclinaison de produits « bien-être » made in France autour du cannabidiol, ou CBD, une molécule extraite du plant de chanvre. Une substance qui a ses adeptes depuis son arrivée discrète il y a quelques années dans l’Hexagone, et qui suscite de plus en plus de curiosité et d’attrait. Surtout dans ce quotidien bouleversé par la pandémie de coronavirus : nombreux sont celles et ceux qui éprouvent de plus en plus de difficultés à surmonter ce climat morose.
Pour réduire ce stress, beaucoup se tournent donc vers le CBD. Un public attiré par les effets relaxants et apaisants de cette molécule, qui ne produit pas l’effet de « défonce » généré par le tétrahydrocannabinol (THC), la substance psychoactive du cannabis.
« Cinq gouttes le soir et mes ruminations et mon anxiété disparaissent »
« On a beaucoup de nouveaux clients stressés qui viennent parce qu’ils ne dorment plus. Ils cherchent des méthodes naturelles pour retrouver de la sérénité et un meilleur sommeil, explique Paul Berrué, de l’équipe du Chanvrier français. En fonction de leurs attentes, on les oriente vers des infusions à base de chanvre, des huiles sublinguales avec différents taux de concentration en CBD, ou encore des e-liquides à vapoter ». Depuis le début de la crise sanitaire, « il y a un intérêt sur tous les produits et substances antistress, observe le Dr Dan Véléa, psychiatre addictologue. Mais les gens sont plus en recherche de produits relaxants "softs", moins "destroy", pour faire passer le temps et l’ennui, soulager ses angoisses. Mes patients me posent beaucoup de questions sur le CBD ».
Parmi les nouveaux adeptes du cannabidiol, Frédéric, Franco-Australien bloqué en France depuis août : « J’ai perdu mon travail et je n’ai pas vu ma famille depuis sept mois, confie le jeune homme. J’étais en pleine déprime, quand un ami m’a fait essayer le CBD. Et depuis, j’en prends deux à trois fois par semaine dans ma cigarette électronique, ça m’aide beaucoup à oublier mes soucis, sans prendre d’antidépresseurs ». Comme lui, beaucoup connaissent des pics d’anxiété et un sentiment de solitude qui perturbent leurs nuits. « Je me sentais sous pression, stressée par mes études et surexposée aux écrans, devenus ma compagnie quotidienne, raconte Lisa, 21 ans. J’avais des crises d’angoisse et des troubles du sommeil importants, jusqu’à ce qu’il y a quelques mois, je découvre l’huile de CBD. Aujourd’hui, je me sens plus détendue, plus concentrée dans mon travail et surtout, j’ai retrouvé un sommeil réparateur ». Des effets observés par Audrey, « sujette au stress et à l’anxiété depuis toujours, et souffrant d’insomnie chronique. En décembre, j’ai voulu me libérer d’un traitement antidépresseur en essayant le CBD sous forme d’huile et miracle : plus d’insomnies, je revis ! Cinq gouttes le soir et mes ruminations disparaissent ».
Les séniors séduits par le côté « naturel » et « sans accoutumance »
Le stress de la pandémie et l’attrait du CBD ne semblent pas avoir d’âge, puisque les séniors sont eux aussi séduits. Depuis deux mois, Josette, 74 ans, prend « du CBD en huile tous les jours ». Elle n’en avait jamais entendu parler avant. « C’est l’un de mes fils, consommateur de cannabis, qui m’en a parlé », alors que le stress la submergeait. « Les problèmes quotidiens sont les mêmes, mais je les aborde de façon plus détachée. Je dors mieux et je me sens apaisée, et je ne vois pas d’éléphants roses, hein ! ». Si elle s’est laissée tenter, c’est « parce que c’est un produit naturel, qui remplace très facilement ce médicament sécable très connu pour dormir ». Comme elle, « beaucoup de séniors apprécient le côté naturel du chanvre, qu’ils connaissent depuis longtemps », confirme Paul Berrué.
C’est ce qui a séduit Louis, 65 ans, qui prend du CBD en huile depuis décembre. « Rien d’autre ne m’avait apporté autant de bien-être. Désormais, je dors sans problème, je vois la vie autrement ». Idem pour Christian, 68 ans, qui se sent « en meilleur état general. J’ai plus d’allant et ma lassitude a disparu ». Comme eux, Franck, père de famille, prend régulièrement du CBD, mais « ne pense pas être accro. Je n’en prends pas tous les jours, c’est seulement quand j’en ai besoin, et je ne ressens aucun manque ni accoutumance ». Il est vrai que « pour l’heure, les données scientifiques n’ont permis de relever aucun effet d’accoutumance, confirme le Dr Véléa. Comparé aux effets physiques et psychiques du THC, le CBD n’a rien de comparable ».
Se calmer, mais « sans l’effet de défonce du THC »
Dans la boutique parisienne du Chanvrier français, d’ailleurs, aucune image de feuille de cannabis. « On n’a rien à voir avec les coffee-shops d’Amsterdam », insiste Paul. Les nombreux bocaux remplis de fleurs séchées de cannabis, dont les clients peuvent découvrir la variété sous de petites cloches, pourraient tromper les habitués du cannabis au THC. Il suffit d’ailleurs de soulever l’une des cloches pour sentir son parfum caractéristique. Pourtant, « ces fleurs, que l’on conseille de consommer en infusion, même si certains clients préfèrent les fumer, ne contiennent quasiment pas de THC, précise Paul. Il y en a 0 % dans nos huiles sublinguales, et, conformément à la législation, moins de 0,2 % dans nos fleurs séchées, issues de variétés justement choisies pour leur concentration en CBD et la quasi-absence de THC. Le CBD n’agit pas sur le cerveau, il n’a pas l’effet psychotrope du THC. Donc pas d’effet de "défonce", cela permet de rester concentré ». Un constat que fait Aymeric, 26 ans : « Je ne fumais que du THC depuis une dizaine d’années, jusqu’à ce que je découvre le CBD. Je trouve ces deux molécules très différentes, explique le jeune homme. Le THC rend anxieux, parano et a des effets très négatifs sur la concentration. Le CBD, lui, agit plus sur le corps que sur mon cerveau. Il permet d’être détendu sans être défoncé ».
Pour autant, « même s’il est légal, il y a encore une forme de flou juridique autour du CBD, qui fait que les médecins ne le conseillent pas clairement », indique le Dr Véléa. Dans son cabinet, l’addictologue est régulièrement interrogé sur le sujet. « Beaucoup se demandent s’il est bon de remplacer le cannabis THC par du CBD. Ils ont fait l’essai et se rendent compte que ça les aide à réduire leur consommation de cannabis », explique-t-il.
A l’instar de Julie, agente immobilière : « Sur certaines périodes, le CBD me permet de diminuer voire d’arrêter ma consommation d’herbe, tout en calmant mon anxiété et mon stress ». Les « patients retrouvent avec le CBD le goût du cannabis et gardent cette dimension gestuelle, ce qui représente pour eux un substitut intéressant. Ils y trouvent une forme d’autogestion de leur consommation, c'est une victoire pour eux ».