Coronavirus : Comment la stratégie vaccinale peut-elle évoluer face aux variants ?
VACCINATION•La stratégie vaccinale française reste pour l’heure la même malgré l’apparition des nouveaux variants, mais elle pourrait évoluer si les vaccins disponibles n’étaient plus assez efficacesAnissa Boumediene
L'essentiel
- L’apparition ces dernières semaines de nouveaux variants du coronavirus, susceptibles de rendre les vaccins moins efficaces, suscite de vives inquiétudes et pourrait contraindre le gouvernement à réviser sa stratégie vaccinale.
- Les vaccins à ARN messagers resteraient suffisamment efficaces pour l’heure, mais celui d’AstraZeneca s’avère insuffisamment protecteur contre le variant sud-africain.
- Les laboratoires, eux, travaillent déjà sur de nouvelles formules pour proposer des vaccins ciblant ces nouveaux variants.
Dès l’apparition du Covid-19, la solution pour mettre un terme à la pandémie a résidé dans le développement de vaccins. Mais quelques semaines seulement après leur arrivée, l’émergence de variants susceptibles de rendre la vaccination moins efficace met à mal l’espoir d’enfin retrouver la vie d’avant.
Une étude publiée récemment a montré que le variant sud-africain pourrait résister au vaccin AstraZeneca-Oxford, poussant l’Afrique du Sud, pourtant confrontée à une deuxième vague d’une ampleur sans précédent, à cesser la vaccination de ses citoyens. En France, les autorités ont décidé de resserrer les mesures sanitaires pour éviter la propagation des variants sud-africain et brésilien, « qui présentent un risque d’échappement immunitaire et vaccinal ». Le ministre de la Santé a notamment fait état jeudi soir de « plus de 300 cas de mutations évocatrices de (ces) ces quatre derniers jours en Moselle ». Face à ce risque, les laboratoires planchent déjà à de nouvelles formules. Mais comment adapter la stratégie vaccinale pour assurer l’immunité des populations face à ces variants ? Faudra-t-il recommencer toute la campagne ou un rappel de vaccin spécifique pourrait-il suffire ? 20 Minutes fait le point.
Une efficacité variable des vaccins actuels sur les variants
« On a arrêté la vaccination avec AstraZeneca [en Afrique du Sud] parce que ce vaccin présente seulement 22 % d’efficacité contre le variant sud-africain », a rappelé ce jeudi sur franceinfo le Pr Alan Peter, pneumologue à Johannesburg, en Afrique du Sud.
S’agissant du vaccin Pfizer-BioNTech, des tests in vitro menés à l’université du Texas laissent supposer qu’il reste globalement efficace face aux variants anglais et sud-africain. Pour le duo américano-allemand, ces tests « n’ont pas montré la nécessité d’un nouveau vaccin », même s’il se tient prêt à réagir si tel n’était plus le cas. Moderna, l’autre vaccin à ARN messager, a annoncé fin janvier que son vaccin restait lui aussi efficace face aux variants anglais et sud-africain. Toutefois, « une réduction par six » des taux d’anticorps a été observée face au variant sud-africain. Mais « malgré cette réduction », les niveaux « restent au-dessus de ce qui est attendu comme nécessaire pour procurer une protection », rassure la firme américaine.
Toujours face aux variants, « AstraZeneca est moins efficace que les vaccins à ARN ou que le vaccin de Johnson & Johnson, a commenté jeudi le Pr Axel Khan, généticien et président de la Ligue contre le cancer, sur franceinfo. Quand le vaccin est peu efficace [face à la souche principale], il devient peu efficace [face aux variants]. Et quand le vaccin est très efficace sur les souches antérieures, comme c’est le cas des vaccins à ARN, il sera moins efficace sur ces nouveaux variants, mais tout de même assez efficace ».
« Pour l’instant, pas de changement dans la stratégie vaccinale »
Face à ces résultats, le gouvernement maintient le cap. « Pour l’instant, il n’y a pas de changement de stratégie vaccinale au regard des variants », indique le ministère de la Santé, qui se fonde sur « les données fournies par les laboratoires [fabriquant les vaccins à ARN messager]. Donc à ce stade, et comme l’a rappelé Olivier Véran, on continue à promouvoir la vaccination avec les trois vaccins » à ce jour disponibles en France.
« On est en mode "groupe de travail" avec les laboratoires, qui sont eux-mêmes en train d’élaborer leur propre stratégie pour voir comment répondre au mieux aux variants, ajoute-t-on du côté du ministère de l’Economie et des Finances. Evidemment, si les vaccins actuels fonctionnent sur les variants, ce doit être la solution par défaut ». Seul ajustement opéré, « à Mayotte et à la Réunion, décision a été prise de pas mettre l’accent sur AstraZeneca en raison de la circulation du variant sud-africain », précise le ministère de la Santé qui, dans ces territoires, mise « sur les vaccins de Pfizer et Moderna, avec une augmentation des livraisons à Mayotte ».
De nouvelles formules en développement
Mais face à ces variants en circulation par ailleurs susceptibles de provoquer des réinfections, pas question d’attendre sans rien faire. D’autant que l’agence anglaise de santé publique Public Health England a révélé le 1er février avoir observé la fameuse mutation E484K sur le variant anglais, le rendant, comme le sud-africain et le brésilien, potentiellement plus résistant à certains vaccins. Et que de nouveaux variants pourraient émerger. C’est pourquoi, pour la taskforce interministérielle consacrée à la vaccination anti-Covid, « la priorité est de travailler avec les industriels, sur la capacité à se préparer et adapter si besoin les vaccins actuels. Il faut que l’on prévoit la situation où un vaccin actuel ne fonctionne pas suffisamment bien sur l’un ou plusieurs des variants », assure-t-on à Bercy.
De leur côté, la plupart des laboratoires planchent déjà au développement de nouvelles formules. Quitte à nouer des alliances. La firme britannique GSK et l’Allemand CureVac ont annoncé le 3 février travailler ensemble au développement d’un vaccin à ARN messager ciblant les nouveaux variants qui circulent actuellement et ceux qui pourraient être mis au jour prochainement.
Rappel, dose « boost » ou vaccin universel
En pratique, « plusieurs options sont possibles : développer entièrement un nouveau vaccin répondant exclusivement aux nouveaux variants. Dans ce cas, il faudrait combiner l’ancien vaccin et le nouveau qui, lui, interviendrait en "boost" [comme une dose rappel], expose Bercy, qui gère les approvisionnements en vaccins au sein de la taskforce. L’autre option, c’est de développer un nouveau vaccin qui intègre la première souche – la "souche Wuhan" – et les nouvelles dans un même vaccin, qui serait bivalent ou polyvalent ».
Des pistes explorées par Moderna, qui travaille notamment au développement d’une troisième dose pour son vaccin à ARN messager. Et du côté de Pfizer-BioNTech, on assure être en capacité de produire une nouvelle formule du vaccin, lui aussi à ARN messager, en six semaines, en ciblant la protéine spécifique du variant sud-africain. Reste à savoir s’il faudra se faire vacciner chaque année contre le coronavirus et ses différents variants, comme c’est le cas pour la grippe saisonnière. C’est la question à laquelle, pour l’heure, les scientifiques ne peuvent pas encore répondre, même si cette hypothèse est jugée très probable.
Mais l’espoir pourrait venir d’une biotech française. Basée à Lyon, la société Osivax, qui dispose déjà d’un savoir-faire sur la grippe saisonnière, travaille à l’élaboration d’un vaccin universel contre le Covid-19. Un vaccin qui cible « la partie interne du virus [plus stable et moins sujette aux mutations], indique Alexandre Le Vert, cofondateur d’Osivax, à La Croix. Cela permet d’anticiper l’arrivée de nouveaux variants, voire d’être efficace sur d’autres virus. L’enjeu, c’est de préparer l’avenir pour les futures pandémies ».