Coronavirus : Ce que change l’élargissement de la distanciation sociale à 2 mètres
EPIDEMIE•Le Haut conseil pour la Santé publique prescrit que la règle de distanciation sociale soit étendue de 1 à 2 mètres pour ralentir la propagation du coronavirusAnissa Boumediene
L'essentiel
- La circulation dans l’Hexagone du variant anglais, qui rend le coronavirus plus contagieux, contraint le gouvernement à prendre des mesures supplémentaires pour éviter une flambée épidémique.
- Suivant les recommandations du Haut Conseil pour la santé publique, les autorités viennent d’élargir la distanciation sociale, qui passe de 1 à 2 mètres.
- Un changement qui devrait avoir des conséquences, notamment sur le contact tracing.
Eviter le scénario anglais. Alors que le Royaume-Uni subit une flambée épidémique de Covid-19 liée à la circulation plus élevée du variant britannique, l’arrivée dans l’Hexagone de cette nouvelle souche inquiète les autorités. Avec des clusters de ce variant identifiés un peu partout sur le territoire, elles redoutent qu’il n’entraîne une nouvelle vague hors de contrôle.
Alors, plus que jamais, pas question de se relâcher sur les gestes barrières. Avec un variant anglais qui rend le virus 50 à 74 % plus contagieux, et qui serait « associé à une plus forte mortalité », selon le Premier ministre britannique Boris Johnson, le gouvernement déconseille désormais le port de masques maison en tissu et compte modifier les règles de distanciation sociale, suivant les recommandations du Haut conseil de la santé publique (HCSP). Ainsi, la distance de sécurité en deçà de laquelle on est considéré comme un cas contact quand on ne porte pas de masque, jusqu’ici établie à un mètre, passera à deux mètres. Le décret où figurent ces dispositions, ainsi que l’avis du HCSP sur lequel il s’appuie, devait être publié ce vendredi, précise le ministère de la Santé. « C’est une course contre la montre », a déclaré jeudi soir sur TF1 le ministre de la Santé, Olivier Véran. Mais quelles conséquences cette modification aura-t-elle ?
Cette distance de deux mètres risque-t-elle de compliquer le contact tracing ?
Aujourd’hui, est considérée comme cas contact toute personne s’étant retrouvée sans masque à moins d’un mètre d’un malade du Covid-19, ou à moins de deux mètres de lui pendant plus de quinze minutes. Cette nouvelle distanciation élargie à deux mètres devrait donc augmenter le nombre de personnes considérées comme cas contact. « Ça va avoir des conséquences dans la manière dont l’Assurance maladie fait le contact tracing », avec des mesures d’isolement à la clé, a-t-on commenté au ministère de la Santé.
Or, davantage de cas contacts, cela signifie potentiellement plus de personnes à contacter, ce qui prendrait plus de temps. Et plus de personnes à dépister, avec un risque d’engorgement des laboratoires. Au final, l’efficacité du système de contact tracing pourrait être affectée.
Quelles conséquences dans les lieux publics ?
Davantage d’espace entre les individus, cela pose la question de la jauge d’accueil dans les lieux publics. Ainsi, dans les commerces, le nombre maximum de personnes accueillies est calculé sur la base d’un client pour 8 m2. Avec une distanciation portée à deux mètres, cette jauge pourrait être revue à la baisse. « La jauge est un point qui a été discuté ces derniers jours avec le ministère délégué aux PME. Mais pour l’heure, rien n’est arrêté, donc on en reste à la jauge actuelle », répond à 20 Minutes l’Alliance du commerce, qui réunit de grands magasins et des enseignes de l’habillement. Quelques jours à peine après le lancement des soldes, une jauge abaissée signifierait encore moins de clients, donc moins de chiffre d’affaires. « On poursuit l’activité et on essaie de réaliser au mieux les soldes, dans cette période particulière de couvre-feu, tout en craignant un peu un nouveau tour de vis », nous indique l’Alliance du commerce. Et une telle mesure serait perçue comme un nouveau coup dur. « Mais les commerçants sont prêts à tout faire pour maintenir un minimum d’activité et de chiffre d’affaires. On continuera à s’adapter à ce qui nous est demandé, mais on restera très actif sur le dialogue mené avec le ministère ».
Autre lieu, autre problématique. Dans les transports en commun, au lendemain du premier déconfinement, la reprise du trafic s’est accompagnée de mesures destinées à assurer le respect de la distanciation sociale, avec marquage au sol et sièges condamnés. Mais dès août, la RATP faisait machine arrière. « Désormais, seul le port du masque est obligatoire même si la distanciation physique est recommandée dès lors qu’elle est applicable », communiquait la régie des transports parisiens, assurant que toutes les rames seraient désinfectées quotidiennement. Alors, si la distanciation physique d’un mètre était déjà difficile à respecter, sa révision à deux mètres ne devrait pas être suivie de plus d’effets.
En attendant un tour de vis plus fort ?
Pour l’heure, le gouvernement s’en tient au couvre-feu généralisé à 18h. Et s’il met en place cette distanciation à 2 mètres, il se refuse toujours à décréter un troisième confinement. Mais si le pays subissait une flambée épidémique incontrôlable, il n’aurait d’autres choix que d’instaurer des restrictions supplémentaires. « Toutes les données que l’on a sur la circulation du variant anglais au Royaume-Uni et en Irlande, et alors que ce variant représente aujourd’hui 1,4 % des contaminations au Covid-19 en France, montrent qu’il va devenir dominant assez rapidement dans l’Hexagone en raison de sa contagiosité plus élevée, a indiqué ce jeudi Vittoria Colizza, spécialiste de la modélisation des épidémies et directrice de recherche à l’Inserm. On peut s’attendre à une troisième vague dans les semaines à venir », affirme-t-elle.
D’où l’importance « d’agir vite », selon la spécialiste de la modélisation. Vite et fort. « On sait que plus les mesures sont décisives et mises en place rapidement, plus on gagne du temps sur l’épidémie ». Alors, face à la menace du variant anglais, si les contaminations et hospitalisations quotidiennes augmentent encore, Olivier Véran n’exclut pas de recourir au confinement, pour la troisième fois, comme il l’a indiqué ce jeudi soir. Ainsi, « si on voit [que le variant anglais] continue de progresser il faudra rapidement malheureusement faire ce que les Anglais et les Irlandais ont fait », à savoir un confinement strict, a prévenu Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du Conseil scientifique. En respectant en plus, lors des sorties « essentielles », deux mètres de distance.