STRATEGIELe gouvernement a-t-il fait volte-face sur les centres de vaccination ?

Coronavirus : Le gouvernement a-t-il fait volte-face sur les centres de vaccination ?

STRATEGIEAlors que l’exécutif refusait la création de grands vaccinodromes pour administrer massivement le vaccin anti-Covid, il a finalement annoncé le déploiement de 500 à 600 centres dans l’Hexagone d’ici à la fin janvier
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Critiqué pour la lenteur de la campagne vaccinale, le gouvernement a annoncé l’ouverture de centaines de centres de vaccinations dès ce mois de janvier.
  • L’exécutif avait pourtant refusé d’intégrer des vaccinodromes à sa stratégie vaccinale.
  • Pourquoi ce revirement ? Y a-t-il une différence entre vaccinodromes et centres de vaccination ?

Le gouvernement a-t-il fait volte-face ? Pressé par l’opposition, les élus locaux et les professionnels de santé, l’exécutif a revu sa stratégie vaccinale. Alors que la création de grands vaccinodromes était exclue, le gouvernement, critiqué pour la lenteur de la campagne contre le Covid-19, a finalement annoncé l’ouverture de 500 à 600 centres de vaccination dans tout l’Hexagone d’ici à la fin du mois de janvier.

Faut-il y voir un revirement total ? Et en pratique, comment le déploiement de ces centres peut-il s’organiser pour assurer une campagne efficace sans gâcher la moindre dose de vaccin ?

Eviter le fiasco des vaccinodromes H1N1

Pourquoi le gouvernement a-t-il répété et martelé qu’il n’était pas question d’ouvrir de grands vaccinodromes ? Au départ, la phase 1 de sa stratégie vaccinale concernait seulement les résidents d’Ehpad et leurs soignants de plus de 50 ans. Un public dont la vaccination était prévue directement au sein des établissements concernés.

Une décision qui a peut-être aussi été motivée par un précédent que le gouvernement ne souhaitait surtout pas revivre : le fiasco des vaccinodromes anti-H1N1. Petit flash-back : en 2009, une autre pandémie occupe les esprits. La grippe A, ou H1N1, arrive dans l’Hexagone et entraîne des décès, notamment via une souche mutante plus virulente. La ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, lance une grande campagne vaccinale à l’automne, pour laquelle 94 millions de doses de vaccin sont commandées, et de grands vaccinodromes voient le jour. Mais la pandémie touche déjà à sa fin et les Français boudent largement le vaccin. A peine 5,35 millions d’entre eux se feront vacciner. La ministre fait annuler plus de la moitié de ses commandes. « Ces vaccinodromes H1N1 étaient des lieux où l’on voyait des files d’attente s’allonger avec des gens sous la pluie, et dont on avait complètement écarté les professionnels de santé – tant les médecins généralistes que les infirmiers et infirmières en libéral –, se souvient le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président du syndicat Les généralistes – Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Résultat : des millions de doses ont fini à la poubelle. Forcément, aucun gouvernement ne voudrait revivre le même fiasco ».

Un changement d’échelle

Mais alors que le lancement de la vaccination anti-Covid est annoncé pour la fin décembre dans les Ehpad, début janvier, quelques centaines de résidents seulement ont reçu leur première dose. Professionnels de santé et élus locaux dénoncent la lenteur inacceptable de la campagne, appelant à accélérer le rythme tandis que nombre de voisins européens ont alors déjà vacciné des dizaines de milliers de personnes. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, parle de « naufrage bureaucratique », et Xavier Bertrand, ex-ministre de la Santé à la tête des Hauts-de-France, propose que les régions prennent le relais. Sous le feu des critiques et pressé par l’arrivée du variant anglais, qui rend le coronavirus plus contagieux et fait craindre un rebond épidémique exponentiel, le gouvernement passe la deuxième. Le Premier ministre, Jean Castex, et son ministre de la Santé, Olivier Véran, annoncent l’extension imminente de la vaccination à tous les soignants de plus de 50 ans et à l’ensemble des personnes de plus de 75 ans avant la fin janvier (dès le 18 pour ces derniers). Soit 5 millions de personnes à vacciner beaucoup plus vite que prévu. Et en février, ce sera au tour des personnes à risque de plus de 65 ans.

Un nouveau calendrier qui oblige à réviser la logistique. Farouchement opposé aux vaccinodromes, Olivier Véran annonce le 5 janvier l’ouverture, d’ici à la fin janvier, de 500 à 600 centres de vaccination, « qui seront accessibles pour la ville ». En visite à Tours le même jour, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, confirme la mise en place de ce dispositif. Mais pas de gymnases gigantesques comme en 2009 : le gouvernement change d’échelle et mise sur de plus petites structures savamment disséminées.

Mais vaccinodromes ou centres de vaccination, est-ce vraiment différent, ou ne s’agit-il que de sémantique ? « Ce qui se met en place aujourd’hui est totalement différent, répond le Dr Duquesnel. Nous avons eu vendredi une réunion avec le cabinet d’Olivier Véran, puis avec le département et la région. En Mayenne comme sur le reste du territoire, une petite dizaine de centres de vaccination vont être montés dans chaque département ». Et l’organisation s’annonce plutôt bien rodée. « C’est similaire à l’organisation prévue il y a un an pour les centres de dépistage Covid, et tout se fait en lien avec les établissements de soin qui hébergent les congélateurs dans lesquels sont stockés les vaccins et qui sont d’autant plus concernés qu’ils doivent vacciner leurs personnels éligibles et volontaires ». L’objectif de ces structures : « favoriser un maillage territorial le plus fin et efficace possible », souligne le médecin.

Ne gâcher aucune dose de vaccin

« Je pense qu’on a été un peu trop défensif dans la façon d’aborder le vaccin, un peu trop prudent », a avoué Olivier Véran le 7 janvier, reconnaissant à demi-mot un retard à l’allumage. Alors aujourd’hui, tandis que de nouvelles contaminations au variant britannique ont été identifiées ce lundi à Lille et d’autres à Marseille, côté logistique, rien ne doit être laissé au hasard. « Très rapidement, il y a eu un grand élan et une coordination entre l’hôpital, les professionnels de santé de l’ambulatoire (médecins généralistes et infirmiers) pour mettre en place ces centres de vaccination », se réjouit le Dr Duquesnel.

Et pour atteindre l’efficacité optimale, l’objectif « est de ne gâcher aucune dose, insiste le médecin. On a créé un pool de généralistes qui va à la fois superviser les vaccinations dans les Ehpad et dans les centres de vaccination. Et nous travaillons sur le lancement imminent d’un outil qui facilite la prise de rendez-vous et qui donnera un rappel par SMS la veille de la vaccination ». Pour être sûr de gérer au mieux les stocks de vaccins, autorités sanitaires et professionnels de santé veillent à ce que l’étape de la consultation prévaccinale soit scrupuleusement respectée. « C’est fondamental, souligne le Dr Duquesnel. Les doses qui seront commandées à la pharmacie centrale du département seront évaluées en fonction du carnet de rendez-vous. Il faut donc s’assurer que chaque personne qui se présente dans un centre peut effectivement recevoir le vaccin, et pour cela, un médecin doit au préalable vérifier qu’il n’y avait aucune contre-indication ou risque d’allergie. Les doses sont trop précieuses et les approvisionnements trop tendus pour que l’on prenne le risque d’avoir des personnes qui se présentent pour le vaccin et qui ne peuvent finalement pas le recevoir. Il est hors de question de jeter des doses alors que l’on craint déjà aujourd’hui d’en manquer ».