Coronavirus : « Ne parler que de vaccin est une erreur », estime Xenothera, sur la voie d’un traitement
INTERVIEW•Odile Duvaux, présidente de la start-up nantaise Xenothera, espère que son médicament Xav-19 sera disponible au printemps 2021Propos recueillis par Julie Urbach
L'essentiel
- La start-up nantaise Xenothera a lancé son essai clinique pour son traitement à base d’anticorps.
- Selon sa présidente, « les vaccins et les traitements sont les deux bras pour lutter contre les virus ».
Loin des projecteurs, la start-up nantaise Xenothera travaille depuis plusieurs mois à l’élaboration d’un médicament afin d’éviter que les patients hospitalisés en raison du coronavirus ne voient leur état s’aggraver. Sa présidente, Odile Duvaux, explique à 20 Minutes l’importance d’un traitement à ses yeux, à l’heure où le gouvernement déploie sa stratégie basée sur la vaccination. Celui qu’elle supervise, appelé Xav-19, est attendu pour le printemps 2021.
Alors que la course au vaccin est lancée, un traitement contre le Covid est-il toujours nécessaire ?
Les vaccins et les traitements sont les deux bras pour lutter contre les virus. Faire abstraction de l’un d’entre eux, en ne parlant que de vaccin comme le fait le gouvernement dans sa communication, est une erreur. Il faut empêcher que les gens soient malades mais savoir guérir ceux qui le sont, c’est absolument prioritaire : on a toujours aujourd’hui 30.000 personnes à l’hôpital ! Soyons clairs, moi je suis pour les vaccins, mais plusieurs questions se posent : quelle sera sa protection dans la durée ? Quelle sera son efficacité ? Quel sera la part de vaccination de la population ? Sur ce dernier point, les taux d’acceptation en France ne sont pas très élevés… Individuellement, on se décide à se vacciner lorsqu’on est convaincu que ça nous assure contre un risque pire, donc il faut du recul et c’est bien normal.
Comment fonctionne Xav-19, le traitement à base d’anticorps sur lequel travaille Xenothera ?
Il s’adresse aux patients qui, au bout de cinq ou six jours, voient leur état s’aggraver, avec des difficultés respiratoires notamment, ce qui conduit à une hospitalisation. Ce que l’on souhaite éviter, c’est que se crée une réaction inflammatoire parfois très importante, avant une phase de thrombose, qui peut conduire à un décès après que les vaisseaux se bouchent. Xav-19 utilise des anticorps qui empêchent le virus d’entrer dans les cellules et de s’y multiplier. Il s’agit d’anticorps polyclonaux qui ont été fabriqués pour reconnaître spécifiquement le virus, même s’il mute, et s’y attaquer par tous les côtés. Le traitement s’administre au patient par voie intraveineuse, au moment où il arrive à l’hôpital, afin qu’il évite d’entrer en réa et qu’il récupère vite.
Comment se déroule l’essai clinique ?
Il a commencé début septembre, avec trois mois de retard. Aujourd’hui, nous sommes en fin de phase 2a, qui concerne une quinzaine de patients des CHU de Nantes, Angers, et de Saint Antoine (Paris). D’ici à mi-décembre, espérons, nous passerons en phase 2b avec cette fois plusieurs centaines de patients de 40 hôpitaux. Maintenant que nous avons vérifié l’absence d’effet secondaire, nous pourrons nous intéresser statistiquement à l’évolution des patients sur des critères définis : vont-ils mieux, sortent-ils plus tôt de l’hôpital, etc. Notre souhait est d’obtenir une autorisation temporaire d’utilisation au printemps 2021 (plus rapide qu’une autorisation de mise sur le marché) qui permet de mettre à disposition le traitement pour les patients qui en ont besoin.
D’autres traitements à base d’anticorps, comme le Regeneron aux Etats-Unis [reçu par Donald Trump], l’ont déjà reçue. Sont-ils vos concurrents ?
Le Regeneron et Eli Lilly proposent d’intervenir un peu plus tôt que nous dans la maladie. Il s’agit d’anticorps monoclonaux, avec des doses à administrer beaucoup plus importantes. Mais il ne faut pas imaginer qu’il va y avoir un seul traitement, qui produira des millions de doses. La compétition n’est pas de savoir qui va avoir le meilleur, mais plutôt qui va avoir accès à quoi. Nous sommes fiers qu’une petite entreprise nantaise d’une quinzaine de collaborateurs soit le seul traitement européen par anticorps, même s’il est parfois difficile de se faire entendre !