Coronavirus : Quelles sont les préconisations pour la vaccination en France ?
EPIDEMIE•Le plan de vaccination devrait se dérouler en cinq phases et débuter d'ici quelques semainesManon Aublanc
L'essentiel
- La Haute Autorité de santé (HAS) a dévoilé, ce lundi matin, ses recommandations pour le futur plan de vaccination contre le coronavirus.
- Selon le calendrier préconisé par la HAS, la campagne de vaccination devrait être découpée en cinq phases. Les résidents des Ehpad, et ceux qui y travaillent, seront les premiers vaccinés.
- Jeudi dernier, le Premier ministre, Jean Castex, a promis que « la stratégie et l’organisation que nous mettons en place pour le vaccin » seraient présentées cette semaine.
Poser le calendrier, établir une stratégie, organiser la logistique et convaincre les plus réticents… La Haute Autorité de santé (HAS) a dévoilé, ce lundi matin, ses recommandations pour le plan de vaccination contre le coronavirus.
Une vaccination en cinq phases, c’est ce que préconisent les autorités sanitaires pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Qui seront les personnes prioritaires ? Quand pourra-t-on se faire vacciner ? Quand pourra-t-on reprendre « une vie normale » ? 20 Minutes répond à toutes les questions que vous vous posez.
Comment se découpent les cinq phases ?
« Protéger en priorité les plus vulnérables et ceux qui s’en occupent », c’est la ligne directrice de la Haute Autorité de santé (HAS), qui a dévoilé un plan de vaccination en « cinq phases progressives », ce lundi matin. Sans grande surprise, pour la première étape, la HAS préconise de vacciner les personnes âgées vivant dans les Ehpad, ou dans un autre type d’hébergement collectif, et les salariés du secteur médico-social et du transport sanitaire présentant « un risque de forme grave » en raison de leur âge ou de leur santé. « Dans les Ehpad, le virus arrive soit par les visites extérieures, soit par le personnel. Protéger les personnes âgées, ça passe par l’immunisation des personnes qui sont en contact avec elles », explique à 20 Minutes Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie à l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP).
Pour la seconde étape, l’autorité de santé recommande de vacciner d’abord les plus de 75 ans, puis les personnes de 65 à 74 ans présentant un risque, et enfin celle du même âge sans risques. Les professionnels du secteur médico-social et du transport sanitaire de plus de 50 ans et à risque sont aussi concernés par cette deuxième phase. « Le bénéfice du vaccin n’étant pas le même pour chaque individu, cela a du sens de prioriser les personnes. On vaccine en premier ceux pour qui les bénéfices du vaccin seront les plus grands », ajoute le spécialiste.
Pour la troisième étape, c’est l’ensemble du personnel du secteur médico-social et des Français de moins de 64 ans présentant une comorbidité qui seront concernés. L’avant-dernière phase concernera les professionnels en contact régulier avec du public, ceux qui travaillent en milieu clos et les personnes vulnérables et/ou précaires. Enfin, pour la cinquième étape, la vaccination sera élargie aux personnes de plus de 18 ans, ne présentant pas de comorbidités. Martin Blachier, médecin épidémiologiste et spécialiste en santé publique, estime que « ce séquençage complexe pourrait ralentir le rythme des vaccinations » : « Globalement, avant la cinquième étape, on ne peut pas considérer qu’on atteindra une immunité collective. Donc on ne pourra pas relâcher les mesures barrières au risque d’avoir une troisième vague. »
Pourquoi ne pas vacciner toute la population en même temps ?
Si la HAS a déterminé un public prioritaire, c’est parce qu’il y aura un « nombre limité de doses qui seront disponibles au démarrage de la campagne de vaccination ». Pascal Crépey estime que vacciner la totalité de la population ne servirait à rien. « On ne connaît pas encore l’efficacité du vaccin contre la transmission du virus. Ne pas être malade, ça ne veut pas dire qu’on n’est pas porteurs du virus et qu’on ne peut pas le transmettre. Si on n’a pas d’impact sur la transmission, ça ne sert à rien de vacciner les publics jeunes, ceux qui sont les plus vecteurs ».
Quand la campagne de vaccination débutera-t-elle ?
Lors de son allocution, Emmanuel Macron avait assuré que la première étape commencerait « vraisemblablement dès fin décembre, début janvier, sous réserve de validation par les autorités sanitaires ». L’Agence européenne du médicament (EMA) devrait prochainement lancer le processus de validation des trois candidats vaccins (Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca/Université d’Oxford). « La fabrication a déjà commencé, il y a déjà plusieurs millions de doses disponibles, mais il faut d’abord que chaque vaccin finalise sa phase 3. Ces résultats seront ensuite soumis aux autorités françaises et européennes. Ça peut aller très vite, comme ça peut prendre beaucoup de temps », détaille Pascal Crépey.
Une telle campagne de vaccination représente un défi logistique énorme, pour l’approvisionnement et le stockage des vaccins – ceux de Pfizer et Moderna nécessitent d’être conservés à très basse température. Mais pour Martin Blachier, il n’y a aucune raison pour que le vaccin arrive plus tard : « Le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Etats-Unis ont prévu de débuter la vaccination fin 2020 – début 2021. Il n’y a aucune raison pour que la France n’y arrive pas », pronostique-t-il. Le gouvernement doit détailler, cette semaine, l’organisation du plan de vaccination, notamment sur le rôle confié aux médecins généralistes et aux collectivités territoriales.
Le vaccin sera-t-il obligatoire ?
Pas de changement de ce côté-là. La semaine dernière, le chef de l’Etat avait assuré que la vaccination ne serait pas obligatoire. Une position réitérée, lundi matin, par les autorités de santé : « La HAS rappelle qu’elle ne préconise pas, à ce stade, de rendre obligatoire la vaccination contre la Covid-19. »
Comment le gouvernement va-t-il convaincre les plus réticents ?
L’autre défi du gouvernement, ce sera de convaincre de l’utilité et de l’efficacité d’un vaccin, alors que les enquêtes d’opinion font état d’une population réticente. « Je pense que les choses vont évoluer à partir du moment où les vaccins seront disponibles, administrés », a espéré Dominique Le Guludec, président de la HAS. « Probablement que là, il va y avoir autre chose qui se passera, il va y avoir une information concrète. Là on est dans du spéculatif, avec beaucoup de fausses informations qui circulent », a-t-elle ajouté.
« Quand on regarde les sondages, on voit que les personnes les plus à risques sont les moins hésitantes. Elles savent ce qu’elles risquent à ne pas se faire vacciner. Et ça tombe bien, ce sont ces personnes-là que l’on va vacciner en premier », commente Pascal Crépey. « Il faut dire aux gens "on va lancer une campagne de vaccination, si vous ne vous faites pas vacciner, vous serez seul face au virus, c’est à vos risques et périls". Forcer les gens à se protéger, c’est une dynamique qui a ses limites. Que les jeunes ne se vaccinent pas, ce n’est pas très grave, mais les personnes à risque, elles, doivent faire le bon choix », espère Martin Blachier.
La vaccination permettra-t-elle d’atteindre une immunité collective ?
Dans tous les cas, le retour à une vie normale prendra plusieurs mois. Pas avant « l’automne » 2021 et à condition que « 80 à 90 % » de la population se fassent vacciner, avait estimé la semaine dernière l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique. « Normalement, l’immunité collective, c’est 66 % de la population. Mais pour le coronavirus, ce n’est pas tout à fait vrai. On sait qu’il y a des super-contaminateurs, qui sont le plus susceptibles de transmettre le virus. Si on arrive à vacciner ces super-contamineurs, l’immunité collective serait probablement deux fois plus basse », décrypte Martin Blachier.
« Le problème, c’est qu’on ne sait pas si les vaccins protégeront contre la transmission du virus. L’immunité de groupe, c’est 66 % de la population seulement si le vaccin protège contre la transmission du virus. C’est difficile de savoir quelle serait la proportion idéale de la population à vacciner », estime, de son côté Pascal Crépey.