INTERVIEWPourquoi le nombre de test coronavirus diminue en France ?

Coronavirus : « Il y a assurément une baisse du nombre de tests mais elle n’est peut-être pas aussi importante qu’on le croit »

INTERVIEWEric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg et membre du collectif « Du côté de la science », justifie la diminution des tests par une décrue de l’épidémie
Jean-Loup Delmas

Propos recueillis par Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Le nombre de tests a-t-il lui aussi atteint un pic il y a une dizaine de jours ? Depuis deux semaines, la France réalise beaucoup moins de tests, PCR et antigéniques confondus, qu’en octobre et début novembre.
  • Simple effet de la décrue de l’épidémie ou problème dans nos capacités de test sur le long terme ?
  • Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg et membre du collectif « Du côté de la science », détaille cette diminution et les problèmes qu’elle pose.

Ces sept derniers jours, le nombre de tests de dépistage virologiques de coronavirus en France a baissé fortement pour la deuxième semaine consécutive. Entre le 16 et le 22 novembre, environ 1,4 million de tests virologiques ( RT-PCR) ont été effectués, contre 1,8 million la semaine précédente et 2,3 millions début novembre, indique la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

A quoi est due cette diminution et faut-il s’inquiéter que l’épidémie nous échappe à nouveau ? On a posé la question à Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg et membre du collectif « du côté de la science ».

Comment peut-on expliquer cette diminution du nombre de tests en France ?

Il y a deux explications conjointes. Vu que l’incidence du virus chute, il y a moins de patients, moins de symptomatiques et de cas contacts, et donc naturellement moins de gens qui se font tester. Les médecins de ville notamment le disent, ils font moins de prescriptions de tests. C’est donc normal d’avoir une baisse du nombre de tests, qui est cohérente avec la baisse des autres indicateurs : moins de malades, moins d’hospitalisations, moins de réanimations, etc.

L’autre explication est le déploiement massif des tests antigéniques, qui remplacent en partie les tests PCR. Or, le système de remontée des résultats est pour le moment incomplet et souffre de dysfonctionnements, si bien que tous les résultats des tests antigéniques ne remontent pas de manière efficace et transparente.

Certains pharmaciens et les laboratoires utilisent le système SI-DEP pour entrer les résultats PCR et antigéniques, un système qui assure une bonne remontée à Santé Publique France. Tous les tests PCR remontent par SI-DEP et sont donc comptabilisés, mais les tests antigéniques faits par les médecins indépendants, certains pharmaciens et infirmiers notamment, remontent par une application, ContactCovid. De fait, tous les tests antigéniques ne remontent pas. Les chiffres des tests de Santé Publique France sont l’addition des tests PCR et antigéniques qui ont réussi à remonter, c’est donc un chiffre incomplet et le nombre de tests et de cas positifs est probablement sous-estimé.

La baisse du nombre de test et de malades serait donc faussée par un problème de remontée ?

Il y a assurément une baisse mais elle n’est peut-être pas aussi importante qu’on le croit. Et les données sont incomplètes. Par exemple, la plupart du temps, le pourcentage de positivité n’est pas donné pour les tests antigéniques ni la positivité totale (test antigénique + test PCR).

On observe bien que le taux de positivité des tests PCR chute, actuellement à environ 12,5 ce qui est une nette baisse même s’il faut rappeler qu’en juin, on était à moins de 2,5 % et qu’au-dessus de 5 %, on peut considérer que le virus circule activement.

Faut-il remettre en question les tests antigéniques ?

Non, c’est une bonne chose de voir arriver massivement les tests antigéniques qui sont plus orientés sur la contagiosité : on sait directement si on est malade donc on peut dès lors adapter ses comportements au lieu d’attendre un résultat dans 24 heures, voire 72 heures ou même une semaine par PCR. Ce sont des tests plus rapides, moins chers. On espère aussi voir arriver d’autres types de tests rapides, comme ceux basés sur le prélèvement salivaire et la technologie LAMP qui sont encore moins chers et mobilisent moins de personnels pour les prélèvements. Il faut juste régler ce souci de remontée et avoir des chiffres complets.

La France a donc actuellement plus de capacité de tests qu’elle n’en réalise. Est-ce du gâchis ?

Il faudrait profiter de cette « accalmie » et d’avoir une grosse capacité de test pour améliorer notre ciblage des tests. Les tests tous azimuts ne servent à rien et ne sont pas viables dans une stratégie efficace. On pourrait donc en profiter pour commencer à tester les processus de pooling : on teste dans un même tube les prélèvements associés de 10 personnes en une fois, en cas de positivité, on refait le test pour chaque individu pour voir qui a le Covid. On le testerait dès à présent afin de pouvoir appliquer correctement cette stratégie, beaucoup plus efficace pour tester à grande échelle et rapidement une zone cluster par exemple, une fois que le virus circulera de nouveau à bas bruit, avec une positivité des tests inférieure à 5 %.