Coronavirus : Etudiée en Australie, pourquoi la vaccination obligatoire n’est-elle pas envisagée en France ?
COVID-19•Le chef du gouvernement australien souhaite que l’ensemble de la population de son pays soit vacciné contre le coronavirusAnissa Boumediene
L'essentiel
- A ce jour, aucun vaccin contre le coronavirus n’est encore disponible, mais plusieurs laboratoires y travaillent.
- L’Union européenne a ainsi commandé des centaines de millions de doses de vaccin.
- La France réfléchit donc à la stratégie vaccinale qu’elle mettra en œuvre, et semble d’ores et déjà écarter la piste d’une vaccination obligatoire.
Masque obligatoire dans les commerces. Masque obligatoire dans la rue. Et masque obligatoire dans les entreprises à compter du 1er septembre. Alors que la France connaît un rebond de l’épidémie de coronavirus, les pouvoirs publics misent sur le port du masque pour tenter d’endiguer sa propagation, faute pour l’heure de traitement efficace ou de vaccin.
Aujourd’hui, le monde entier est ainsi suspendu aux avancées de la recherche scientifique, et à l’arrivée d’un vaccin efficace qui assurerait une immunité face au Covid-19. Si aucune date de mise sur le marché d’un vaccin n’est connue à ce jour, chaque pays élabore déjà sa stratégie vaccinale. En Australie, qui connaît une importante flambée épidémique en ce moment, le chef du gouvernement souhaite rendre la vaccination obligatoire pour assurer l’immunité de groupe à ses concitoyens. Un choix politique qui a peu de chance d’être imité en France. « Rendre un vaccin obligatoire passe par une loi, cela résulte donc d’une décision politique qui s’appuierait sur une expertise, explique à 20 Minutes le Pr Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, rattachée à la Haute Autorité de santé (HAS). La question se posera le jour où un vaccin sera disponible pour le grand public ».
Organiser la vaccination selon « un ciblage des populations prioritaires »
Pour l’heure, la stratégie vaccinale française semble plutôt écarter la piste de la vaccination obligatoire. Le Conseil scientifique, qui conseille le gouvernement dans sa gestion de la crise du coronavirus, a ainsi opté dans son avis du 27 juillet pour « un ciblage des populations prioritaires », qu’il considère comme « une composante cruciale de la stratégie vaccinale ».
« Tous les pays qui élaborent leur stratégie vaccinale face au Covid-19 s’accordent à dire que l’on s’oriente vers une priorisation de la vaccination ». Le Conseil scientifique préconise ainsi « une priorisation d’accès en fonction des risques sanitaires, des populations à risques professionnels, des emplois stratégiques ainsi que de caractéristiques socio-éco-démographiques ». En clair, « le vaccin serait administré en priorité aux personnes exposées au virus dans le cadre de leur activité professionnelle : les personnels soignants, ceux qui travaillent au contact du public ou dans un environnement exposé, mais aussi toutes celles et ceux qui sont vulnérables en raison de leur âge ou de leur état de santé », avance le Pr Daniel Floret.
Protéger les personnes les plus exposées et les plus vulnérables face au virus, une mesure de bon sens, mais cela suffit-il à assurer une immunité de groupe qui protégerait l’ensemble de la population ? Pas sûr. En Australie, où le gouvernement réfléchit à rendre obligatoire le vaccin contre le coronavirus, les autorités sanitaires estiment qu’il faudrait que 95 % de la population soit immunisée pour éradiquer le virus.
Gérer les stocks de vaccins
Alors, pourquoi ne pas vacciner tout le monde ? Parce qu’il n’est pas sûr que cela soit possible. Aucun vaccin n’étant à ce jour validé scientifiquement et commercialisé, l’hypothèse de son utilisation doit être envisagée avec pragmatisme. « Pour l’heure, beaucoup d’inconnues subsistent : Quand aurons-nous un vaccin ? Sera-t-il efficace ? Y en aura-t-il pour tout le monde ? Et quel sera l’état de la pandémie quand il sera disponible ? Serons-nous en phase de pic ? Ou l’épidémie sera-t-elle quasiment déjà éteinte ? », s’interroge le Pr Floret, qui ne pense pas qu’un vaccin sera disponible « avant de longs mois ». « Dans ce contexte, prioriser la vaccination relève du bon sens, mais aussi de la nécessité : les vaccins n’arriveront pas par millions de doses d’un claquement de doigt, ils seront probablement distribués de manière progressive », ajoute-t-il.
Alors que les recherches s’accélèrent pour trouver un vaccin, la Commission européenne a annoncé ce jeudi avoir réservé 225 millions de doses du potentiel vaccin contre le Covid-19 de l’Allemand CureVac. C’est le quatrième accord de ce type trouvé par l’UE avec des laboratoires. Bruxelles a déjà réservé 300 millions du vaccin en préparation du Français Sanofi, et 400 millions de celui de l’Américain Johnson & Johnson.
La Commission a par ailleurs signé le 14 août un contrat d’achat anticipé avec le groupe pharmaceutique suédo-britannique AstraZeneca pour 300 millions de doses, avec une option pour 100 millions de doses supplémentaires. « La Commission européenne tient sa promesse d’assurer aux Européens et au monde un accès rapide à un vaccin sûr qui nous protège contre le coronavirus. Chaque cycle de négociations que nous concluons avec l’industrie pharmaceutique nous rapproche de la victoire contre ce virus », s’est félicitée ce jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Une stratégie pour gérer le mouvement anti-vaccin
De son côté, si la France s’oriente vers une vaccination ciblée, c’est aussi parce que « rendre obligatoire la vaccination contre le coronavirus pourrait alimenter la défiance ambiante contre les vaccins, or on sait que les anti-vaccins sont assez nombreux en France », souffle le Pr Floret. Une crainte prise en compte par le Conseil scientifique, qui réfléchit à « l’acceptabilité du vaccin par les populations, condition essentielle de la réussite d’une campagne vaccinale, indique-t-il dans son avis. La réticence à la vaccination en France est un phénomène connu, largement étudié dans le cas de la vaccination grippale. Une campagne de vaccination contre la COVID-19 pourrait se heurter aux réticences d’une partie de nos concitoyens, comme le suggèrent certaines enquêtes ».
Ainsi, selon une enquête menée par Santé publique France pour son bulletin épidémiologique du 30 juillet, « si un vaccin était disponible maintenant contre le coronavirus, 28,9 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles se feraient certainement vacciner, 33,3 % probablement », apprend-on. Et plus de 22,1 % des personnes sondées ont déclaré qu’elles « ne se feraient probablement pas vacciner et 15,6 % certainement pas ». Pour le Conseil scientifique, qui planche sur « un ensemble de propositions axées sur la communication », il est important de « ne pas renouveler l’échec de la vaccination anti-grippale de 2009-2010 ».