CROTTES SECRETES (2/5)C'est jaune, ça fait sale, mais à quoi sert la crotte dans les oreilles ?

C'est un peu cracra : C'est jaune et ça fait les oreilles sales, mais à quoi sert le cérumen ?

CROTTES SECRETES (2/5)Petite usine sur pattes, le corps humain produit toute une variété de crottes
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Perçues comme sales, toutes les crottes (ou presque) ont pourtant leur utilité. Élimination, filtration ou encore hydratation : chacune joue son rôle pour assurer la bonne marche de l’organisme.
  • Connaissez-vous les vertus des crottes de nez, ou encore la quantité d’excréments qu’on élimine dans une vie ?
  • Cet été, 20 Minutes vous dévoile tous les secrets des crottes. Aujourd’hui, cap sur l’oreille.

Parfois, elles grattent et chatouillent. Alors certains ne résistent pas à l’envie d’y mettre le doigt. Organe de l’ouïe et élément primordial de notre équilibre, l’oreille est aussi une petite usine à crottes. Elle produit au quotidien le cérumen, qui recouvre la peau fine de nos conduits auditifs.

Mais à quoi ça sert, le cérumen ? Est-ce sale ? Le retirer avec des cotons-tiges est-il recommandé ? C’est l’été, alors 20 Minutes prend le temps de répondre aux questions scientifico-inavouables que l’on n’ose pas toujours poser.

De quoi le cérumen est-il composé ?

Le cérumen est composé de plusieurs éléments. « C’est un mélange de corps gras et d’acides synthétisés par les glandes cérumineuses, situées sous la peau du conduit auditif de l’oreille, et de desquamations de la peau, explique le Dr Nicolas Boulanger, médecin ORL. La desquamation permet d’ailleurs l’élimination du cérumen vers l’extérieur de l’oreille ».

Et nous ne sommes pas tous égaux face au cérumen : « Il y en a qui en produisent trop, et d’autres trop peu. Et certains ont un cérumen plus ou moins visqueux, plus ou moins noir, et plus ou moins liquide », décrit l’ORL.

A quoi sert-il ?

Avec sa texture grasse, qui fait que l’on parle parfois de « cire d’oreille », « le cérumen a une fonction de protection de la peau qui, à cet endroit de l’oreille, est mal aérée, et qui est très fine et donc très fragile, décrit le Dr Boulanger. Il y a la peau, et juste en dessous, il y a directement l’os de l’oreille. Le cérumen protège ainsi contre les infections bactériennes comme l’otite externe. C’est une infection de la peau du conduit auditif qui survient quand on a une érosion de la peau : des bactéries viennent s’y loger et proliférer. D’ailleurs, les personnes qui produisent trop peu de cérumen ont la peau de leurs oreilles plus fragile que les autres, et sont plus susceptibles de faire des otites ».

Eléments hétérogènes, le gras du cérumen et l’eau ne font pas bon ménage. « Les corps gras du cérumen protègent l’oreille là où l’eau est son ennemi, prévient l’ORL. C’est pourquoi il ne faut surtout pas de macération d’eau, au risque de faire une otite externe, celle qui est typiquement de saison l’été quand on se baigne dans une eau pas toujours propre, qui stagne dans l’oreille et donne une forte douleur sans fièvre ».

Comment le nettoyer ?

Comme c’est gras et jaune, le cérumen est associé à de la saleté, « mais ce n’est pas sale, c’est un produit qui a une fonction, donc on n’a pas besoin de se nettoyer les oreilles. Si certains aiment passer un coton-tige pour la sensation agréable que cela procure, cela ne sert toutefois à rien », insiste le Dr Boulanger. Mais si on sait désormais que ce n’est pas sale, ce n’est pas pour autant qu’en bons accros aux cotons-tiges, on va rester avec les oreilles toutes jaunes ! « Le principe, c’est qu’avec le coton-tige, on ne va pas plus loin que le petit doigt de l’oreille, prescrit l’ORL. Le mieux est de prendre un gant ou une lingette et de nettoyer au doigt seulement la partie externe de l’oreille, ça suffit. Il ne faut pas nettoyer les conduits auditifs, c’est inutile et potentiellement dangereux ».

D’autant qu’un excès de cotons-tiges peut faire du mal à vos oreilles. « La première complication est le bouchon de cérumen [à force d’être tassé], qui entraîne une surdité tout simplement parce que le son passe moins bien », décrit l’ORL. Le retrait du bouchon permet de retrouver une ouïe fine. « L’autre complication, c’est l’otite externe. Si vous lésez la peau en la frottant trop fort avec le coton-tige, les germes s’engouffrent dans la brèche », prévient-il. Troisième complication, qui vous fera mal rien que d’y penser, « c’est la perforation du tympan. Heureusement, c’est assez rare, mais lorsque vous nettoyez l’oreille avec un coton-tige, si vous tombez, que l’on vous bouscule, et qu’il s’enfonce trop, il y a un vrai risque, rappelle l’ORL. Or, le tympan est une zone extrêmement douloureuse ».

Le cérumen en chiffre

Cela fait un paquet d’années que les ORL alertent sur les risques du coton-tige. Pourtant, l’humanité reste accro à ces petits bâtons aux extrémités ouatées. A tel point que chaque jour, 1,5 milliard de cotons-tiges sont produits sur la planète. Un coton-tige petit par sa taille, mais costaud en termes de pollution. Rien qu’en France, ce sont 1,2 million de tonnes de cotons-tiges qui sont repêchés dans les égouts tous les ans ! Alors, pour réduire la pollution générée par les plastiques à usage unique, depuis le 1er janvier 2020, les cotons-tiges en plastiques sont interdits en France. Ils ont été remplacés par des cotons-tiges au bâtonnet en papier biodégradable.

Le cérumen et vous

« Je suis un peu une excitée de l’hygiène, confie Samia. Alors, voir quelqu’un avec les oreilles jaunes, je trouve ça vraiment sale. Je sais qu’il ne faut pas trop abuser des cotons-tiges, donc j’essaie de me limiter au nettoyage de la partie externe de l’oreille et de ne pas trop l’enfoncer. Une fois, ma sœur, je ne sais pas trop comment, a poussé le coton-tige trop loin dans l’oreille et elle s’est fait très mal au tympan. Ça m’a calmée par procuration ».

L’info insolite

Si le cérumen a vocation à protéger la peau du conduit auditif, une Américaine a découvert qu’il pouvait – malheureusement pour elle – attirer un hôte indésirable. La jeune femme de 21 ans a ainsi vécu neuf jours avec un cafard coincé dans son oreille. « Les cafards cherchent de la nourriture partout, a déclaré à National Geographic l’entomologiste Coby Schal, de l’Université de la Caroline du Nord. Le cérumen pourrait être attrayant pour eux ».

De quoi doper l’indulgence de celles et ceux qui dorment avec des bouchons d’oreilles à cause des ronflements de leur moitié.