Coronavirus : Le Covid-19 peut-il être transmis post-mortem ?
FAKE OFF•Un article rédigé par deux scientifiques dans le Journal of Forensic and Legal Medicine laisse entendre qu’un médecin légiste aurait été contaminé au contact d’un corps infecté par le Covid-19Aymeric Le Gall
L'essentiel
- Une publication sur Facebook concernant la contamination d’un médecin légiste thaïlandais interroge les internautes au sujet de la possible transmission du Covid-19 post-mortem.
- A l’heure actuelle, les connaissances scientifiques sur la question sont trop limitées pour permettre de conclure quoi que ce soit.
- Ce qui n’a pas empêché l’OMS, le gouvernement français et le Haut Conseil de la santé publique de publier de nombreuses recommandations à l’attention des personnels de santé et des agents funéraires.
Une publication sur la page Facebook du site « Oh my mag » intitulée « Selon une étude, une personne décédée du coronavirus pourrait encore être contagieuse » et visionnée près de 650.000 fois, sème le trouble dans l’esprit des internautes.
Ce papier fait référence à un texte publié dans le Journal of Forensic and Legal Medicine par Won Sriwijitalai, du RVT Medical Center de Bangkok (Thaïlande), et Viroj Wiwanitkit, de l’Université Dr DY Patil à Pune (Inde), selon lequel un médecin légiste serait décédé après avoir été en contact avec des défunts infectés par le Covid-19.
Il s’agirait du premier cas « d’infection et de décès parmi le personnel médical d’une unité de médecine légale » dans le monde. Surtout, les auteurs laissent penser qu’il pourrait s’agir du premier cas de transmission du Covid-19 post-mortem.
FAKE OFF
Avant d’entrer dans le vif du sujet et de s’intéresser à la question de la possible transmission du virus par les cadavres des personnes infectées, il convient tout d’abord de préciser qu’il ne s’agit pas d’une étude scientifique, comme le laisse penser le post devenu viral sur Facebook, mais simplement d’un texte rédigé par les deux personnes citées plus haut.
Par ailleurs, celles-ci ont apporté une correction à leur article. Une correction de taille serait-on tenté de dire puisque le « Journal of Forensic and Legal Medicine » écrit, quatre jours après la parution du premier texte, que les auteurs en question « n’ont pas voulu suggérer que la victime était morte (sic) et qu’ils ne peuvent pas confirmer scientifiquement que le virus a été transmis via le cadavre ». « Les auteurs regrettent que l’article ne soit pas assez clair et qu’il ait pu prêter à une mauvaise interprétation », conclut-il.
Des doutes mais pas de preuves
Quoi qu’il en soit, la question de la transmission post-mortem du Covid-19 n’en reste pas moins prégnante. Or, à l’heure actuelle, l’état des connaissances scientifiques ne permet pas de dire si oui ou non le virus peut se transmettre après le décès d’un patient contaminé. Dans un document daté du 20 mars intitulé « Conduite à tenir en matière de lutte anti-infectieuse pour la prise en charge sécurisée du corps d’une personne décédée dans le contexte de la COVID-19 », l' OMS apporte cependant quelques précisions.
« Sauf dans le cas des fièvres hémorragiques (comme celles dues au virus Ebola ou au virus de Marburg) et du choléra, les cadavres ne sont généralement pas contagieux, écrit-elle. Chez les patients décédés de grippe pandémique, seuls les poumons peuvent être contagieux s’ils ne sont pas manipulés correctement au cours d’une autopsie. Sinon, les cadavres ne transmettent pas la maladie. »
Ce qui ne l’empêche pas de rappeler que « les agents de santé ou le personnel mortuaire chargés de préparer le corps doivent porter un EPI (équipements de protection individuelle) approprié conformément aux précautions standards (gants, blouse jetable imperméable [ou blouse jetable avec tablier imperméable], masque médical, protection oculaire) ».
Le Haut Conseil de la santé publique joue la prudence
Malgré nos innombrables demandes d’informations, aucun membre de la communauté scientifique ne nous a pour l’heure répondu. La Direction générale de la santé nous a quant à elle renvoyés à l’avis du Haut Conseil de la santé publique au sujet de la « prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé COVID-19 ».
Celui-ci a choisi de jouer la carte de l’extrême prudence. « La survie de la plupart des agents infectieux est très allongée dans les produits biologiques et il faut considérer par principe que le risque de contamination est le même chez un patient décédé que chez le malade vivant. Les risques les plus importants sont les risques d’exposition au sang (piqûre ou coupure) et aux liquides organiques ainsi que les risques d’aérosolisation. Tout corps de défunt est potentiellement contaminant et les précautions standard doivent être appliquées lors de la manipulation de tout corps ».
Selon nos confrères du Parisien, l’autopsie d’une personne décédée du Covid-19 a permis de constater la présence du virus dans le corps cinq jours après sa mort. « La détection du virus en post mortem ne signifie pas forcément que le virus est encore actif », précisait cependant le Pr Lorin de la Grandmaison, chef du service d’anatomie pathologique et de médecine légale à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches où a été pratiquée l’autopsie.
Les pompes funèbres sont dans le flou
Pour éviter toute transmission du virus, le HCSP préconise donc de ne réaliser aucun acte de thanatopraxie (soins de conservation) sur les corps de patients décédés du Covid-19 et invite les personnels de santé et de la chaîne funéraire à placer le corps dans une housse imperméable dès le constat du décès. Ainsi, dans un décret paru le 1er avril dernier, le gouvernement a interdit la toilette mortuaire et exigé la mise en bière immédiate des corps.
Problème, nous dit Florence Fresse, la déléguée générale de la Fédération des pompes funèbres, « ce décret était valable jusqu’au 30 avril… Ça veut dire qu'à partir de maintenant [l'entretien a été réalisé le 30 avril], on ne sait même plus ce qu’on doit faire et je ne parviens pas à obtenir de réponse. J’ai des centaines d’entreprises de pompes funèbres qui m’appellent depuis ce matin et je ne sais plus quoi leur répondre… ».
« On a été auditionné par la DGS lundi soir (le 27 avril) et suite à cela j’ai fait entendre le point de vue de la profession en disant qu’on n’était pas d’accord de reprendre les soins et qu’on souhaitait continuer à mettre immédiatement les corps en bière, poursuit-elle. On ne veut pas faire prendre des risques à nos personnels ni à la population. »