Coronavirus : « Le sang de ver marin ne guérit pas du virus, il doit aider à oxygéner le patient », assure Franck Zal, PDG d’Hémarina
INTERVIEW•Un essai clinique démarre sur dix patients gravement malades avec une solution développée par la société bretonne Hémarina à partir de l’hémoglobine de l’arénicolePropos recueillis par Jérôme Gicquel
L'essentiel
- Un essai clinique va démarrer sur dix patients hospitalisés à Paris qui se verront injecter une solution à base de sang de ver marin.
- Déjà utilisée pour des greffes d’organes, l’hémoglobine de l’arénicole doit permettre d’aider à oxygéner les patients gravement atteints par le Covid-19.
- Le PDG et fondateur d’Hémarina, la société bretonne à l’origine de cette solution, explique à 20 Minutes en quoi elle peut être un motif d’espoir pour les patients.
EDIT: L'essai clinique a été suspendu le 9 avril par l'Agence du médicament « après avoir pris connaissance de résultats négatifs d’une étude précédente sur des porcs ».
Partout sur la planète, les essais cliniques se multiplient pour tenter de trouver un traitement contre le coronavirus. Dans cette course contre la montre qui est engagée, un ver marin vient apporter une perspective d’espoir aux patients gravement atteints par le Covid-19. Il s’agit de l’arénicole, un animal dont le sang a des pouvoirs d’oxygénation très importants.
Dans les prochains jours, dix patients hospitalisés à la Pitié-Salpêtrière et à Georges-Pompidou vont se voir administrer une molécule développée à partir de l’hémoglobine de ce ver marin. Fondateur et PDG de la société Hémarina, basée à Morlaix, Franck Zal explique à 20 Minutes en quoi cette solution pourrait venir en aide aux malades.
Quel est donc cet animal porteur d’espoir appelé l’arénicole ?
C’est un ver marin qui est présent en grand nombre sur les plages. C’est à lui que l’on doit les petits tortillons que l’on voit sur le sable. Quand on voit ces vers sur la plage, ils ne respirent plus, ils ne le font que quand ils sont sous l’eau. Pendant six heures, à marée basse, ils vont donc arrêter de respirer. Ils vont vivre sur leur réserve d’oxygène qui est fixée sur leurs molécules d’hémoglobine. C’est cela qui rend ce ver marin si intéressant car il dispose d’une très forte concentration d’hémoglobine avec des capacités oxygénantes 40 fois supérieur à l’hémoglobine humaine.
Ce sang de ver marin a-t-il déjà été utilisé dans le domaine de la santé ?
Oui, la molécule que nous produisons, baptisée Hemo2Life, est déjà utilisée pour des applications thérapeutiques. C’est notamment le cas pour des greffes d’organes. L’hémoglobine de ces vers marins permet de préserver le greffon et d’en augmenter considérablement la survie en attendant la transplantation. Le professeur Lantieri a d’ailleurs utilisé cette solution quand il a réalisé la première greffe totale du visage.
Comment ce sang de ver marin pourrait-il venir en aide aux patients atteints du coronavirus ?
Alors il faut être clair. Cette solution ne guérit pas du Covid-19, elle n’a aucun effet sur le virus en tant que tel. Mais elle doit permettre d’aider à oxygéner les patients, notamment ceux qui sont en réanimation et sont en détresse respiratoire. En apportant aux malades l’oxygène contenu dans l’hémoglobine de ce ver marin, cela va ralentir leur métabolisme. Cela va agir comme une sorte de respirateur moléculaire. On va ainsi pouvoir éviter qu’un patient tombe en réanimation lourde et tenter d’empêcher au maximum l’embouteillage des services de réanimation.
Quel est l’enjeu de cet essai clinique ? Et quand seront connus les résultats ?
L’enjeu est double. On va d’abord vérifier la sécurité et la fiabilité de cette solution sur ces patients. Et il va ensuite falloir voir à quelle dose on arrive à diminuer l’asphyxie des personnes et si une simple dose suffit. Je laisse maintenant les réanimateurs inclure les patients dans l’essai selon les critères définis dans le protocole. Mais les résultats seront connus très rapidement, peut-être même dans la semaine.
Si les essais sont concluants, quelle est votre capacité de production ?
Nous ne ramassons pas les vers sur la plage, nous les élevons dans une ferme aquacole à Noirmoutier. Nous avons aujourd’hui 5.000 doses disponibles. Et nous sommes prêts, si l’essai fonctionne, à nous mettre en ordre de bataille pour produire jusqu’à 15.000 doses supplémentaires.