INDIGESTIONEst-ce bon de jeûner entre Noël et le Nouvel an ?

Jeûner entre Noël et le Nouvel an, une bonne idée ?

INDIGESTIONAlors que certains ont déjà prévu quelques excès pour les fêtes, « 20 Minutes » tente de savoir si le jeûne est la solution la plus optimale pour se remettre de Noël
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Le jeûne convainc de plus en plus en France.
  • En cette époque où certains vont sans doute faire quelques excès à table, on pourrait se demande si suivre un jeûne entre Noël et le Nouvel an peut être sain.
  • Si le sujet du jeûne crispe beaucoup, les experts que nous avons interrogés estiment qu'il vaut mieux manger léger et équilibré que se priver.

Le cocktail, la dinde, le fromage et la bûche vous restent sur l’estomac ? Certains Français passent un ou des réveillons de Noël un peu trop arrosés, gras et sucrés. Et ont déjà des hauts de cœur en anticipant le dîner de Nouvel An dans moins de huit jours… Pour éviter l’indigestion, l’épuisement ou juste les kilos en trop, certains pourraient céder aux sirènes du jeûne. Une pratique qui prend de multiples formes, qui compte de plus en plus d’adeptes mais qui reste critiquée par un grand nombre de médecins.

Un repas de Noël.
Un repas de Noël. - VivienvivO/Pixabay

Le jeûne, c’est quoi ?

On parle en général de jeûne complet quand on ne mange rien (mais on a le droit de boire de l’eau, ouf !) pendant plus de douze heures. Et de jeûne partiel quand on a le droit à quelques bouillons de légumes ou jus de fruits, en gros un apport calorique très modeste, autour de 300 kcal/jour contre 2.000 à 3.000 kcal/jour selon qu’on est une femme sédentaire ou un homme sportif. Le jeûne peut être réalisé de façon continue (plusieurs jours) ou intermittente (une fois par semaine).

Utile pour maigrir ?

Peu de doute, ne rien manger pendant plusieurs jours s’avère efficace si on veut perdre des kilos rapidement. Mais sur le long terme, rien ne sert de se priver du 26 au 28 décembre si c’est pour se bâfrer le 31… « C’est une pratique que je déconseille, prévient Arnaud Cocaul, médecin nutritionniste. On peut jeûner 12h une nuit pour faire une prise de sang à jeun, mais pas pour réguler son poids ou éponger des excès. J’ai vu une patiente qui pratiquait le jeûne intermittent et avait développé des troubles du comportement alimentaire : elle se jetait sur le repas au sortir de cette période. » Car de la privation peut naître l’obsession. Laurence Plumey, également nutritionniste et fondatrice d’EPM nutrition nuance : « Si on veut jeûner un jour pour "se détoxifier", ce n’est pas conseillé, mais pas méchant. Si on veut jeûner pendant une semaine pour perdre du poids parce qu’on a pris 3 kg pendant les fêtes, c’est contre-productif. Car c’est la porte ouverte au yoyo pondéral : on maigrit vite mais on regrossit très vite et davantage ! ».

Pourquoi ? « C’est comme si on coupait les vannes d’arrivée d’eau dans une usine qui fonctionne 24h sur 24h, reprend Laurence Plumey. Le corps humain se met en procédure d’urgence : il va piocher dans ses propres réserves, le gras, les muscles, les minéraux, les vitamines, pour continuer d’assurer la demande de nos cellules. On peut penser qu’on se sent bien, mais la réalité organique correspond à un gros stress. » Problème, quand la personne reprend un régime normal, le corps reste en mode restriction. « Donc il stocke davantage de gras », reprend Arnaud Cocaul, auteur de Lâcher du lest*. Avec le risque de finir en janvier beaucoup plus lourd qu’avant les fêtes malgré toutes ces privations…

Quels bienfaits ?

Pour le poids, donc mauvaise idée. Et pour le reste ? Comme sur beaucoup de sujets de santé, le débat est vif sur la question de l’intérêt du jeûne chez les personnes en bonne santé, en prévention des maladies chroniques. Si beaucoup de naturopathes et médecins jurent que les bénéfices sont clairs, un rapport de l’Inserm de 2014​ mettait en doute cette affirmation. « Jeûner induit des modifications métaboliques qui pourraient être utilisées à bon escient dans diverses situations pathologiques. Cependant, aucune donnée clinique reposant sur des essais méthodologiques rigoureux ne peut étayer aujourd’hui le bien-fondé de cette piste, qui reste donc pour l’instant essentiellement théorique », écrivent les chercheurs. « Il pourrait y avoir un intérêt pour prévenir les pathologies cardio-vasculaires, mais il n’est pas prouvé », insiste Bruno Falissard, et coauteur du rapport. Mais pour lui, l’intérêt réside ailleurs. « La majorité de ces expériences de jeûne s’accompagnent d’une démarche spirituelle. Or, faire un point sur son existence, sa santé, son rapport au contrôle de soi, à son alimentation peut être intéressant. Surtout aujourd’hui où on est perpétuellement soumis aux injonctions de la publicité, en particulier à Noël ! Et c’est d’ailleurs cet aspect qui rend les études compliquées à évaluer car les personnes qui jeûnent mettent en place d’autres stratégies : réflexion, yoga, marche… »

Quels risques ?

Le premier, c’est la fonte musculaire. « C’est d’abord les muscles qui "trinquent" et ensuite le gras », reprend Laurence Plumey. Ce qui n’est pas tellement conseillé, en particulier chez les personnes âgées qui ont parfois du mal à se déplacer. « D’autant que cette perte musculaire est irréversible chez les personnes de plus de 50 ans parce que le muscle ne se refait plus aussi bien, insiste-t-elle. Plus le nombre de jours augmente, plus les dangers pour la santé se multiplient. Les gens imaginent qu’ils empoisonnent leurs cellules et qu’en jeûnant, ils se purifient. Mais le corps humain a tout ce qu’il faut pour se détoxifier seul ! Il est capable de gérer les excédents. Quand on coupe ces apports, au contraire on affaiblit ses capacités à s’adapter. »

Autre problème : ce jeûne prolongé peut provoquer des carences en minéraux (fer, calcium, cuivre, magnésium) et vitamines. Autant de stocks qu’il faudra reconstituer pour se maintenir en bonne santé. Enfin, attention à boire beaucoup car la personne peut se déshydrater. Avec un symptôme clair : si les urines deviennent foncées, c’est qu’elles sont trop concentrées et que les reins peinent à épurer.

« Ce n’est jamais la bonne saison pour jeûner, mais l’hiver c’est un non-sens, tranche Laurence Plumey. On diminue ses défenses immunitaires alors que le corps a besoin de toutes ses ressources pour lutter contre les virus. » Et le froid…

Est-ce nécessaire ?

Et si au lieu de se limiter à l’eau plate, on se faisait une cure de poisson blanc (sans beurre), légumes (vapeur) et de fruits ? C’est ce que suggèrent nos deux experts. « On peut arriver tout aussi bien à ses fins sans pour autant jeûner, en mangeant plus léger et moins, reprend Laurence Plumey. En général, après toutes ces fêtes, parfois gourmandes et goûteuses, on ressent le besoin de s’alléger. Ce n’est pas la peine de passer du tout au rien ou même de sauter des repas. » Arnaud Cocaul rappelle que « des études scientifiques prouvent que les régime méditerranéen et d'Okinawa améliorent votre taux de cholestérol, votre risque cardiaque et votre poids. Le corps humain déteste les extrêmes, que ça soit trop ou pas assez. » Vous avez dit équilibre ?

* Lâcher du lest, Flammarion, août 2019, 18 €.

** Comment maigrir heureux quand on n'aime ni le sport ni les légumes, Eyrolles, 2016, 14,90 €.