Moral, santé, séduction: «Nous sommes tous météo sensibles», assure Louis Bodin
HUMEUR ET METEO•Le célèbre M. Météo publie ce lundi son ouvrage « Nous sommes tous météo sensibles » (éd. Albin Michel)Anissa Boumediene
L'essentiel
- Louis Bodin, météorologue qui fait la pluie et le beau temps sur TF1, signe l’ouvrage « Nous sommes tous météo sensibles », dans lequel on apprend que chacun d’entre nous est affecté par le temps qu’il fait.
- Déprime sous la pluie ou pêche d’enfer sous le soleil, la météo a une influence sur notre humeur, sur notre organisation au quotidien et aussi sur notre corps.
- Et notre météo sensibilité devrait être exacerbée avec le changement climatique.
Se sentir le cœur léger quand le soleil brille, et l’humeur plombée quand il tombe des cordes. Nous sommes nombreux à indexer notre humeur sur la météo. C’est ce qu’explore le météorologue Louis Bodin dans son ouvrage Nous sommes tous météosensibles * (éd. Albin Michel), publié ce lundi. Pour le M. Météo de TF1, pas un jour ne passe sans que des téléspectateurs qui le croisent dans la rue ne lui posent de questions sur le temps qu’il va faire. « Parce que la météo est la préoccupation de tous », observe-t-il. Mais jusqu’où la météo a-t-elle une influence sur nous ?
La météo, baromètre du moral
En pratique, quelle est la première chose que vous faites le matin (ou la deuxième, si vous faites pipi d’abord) ? Vous collez le nez à la fenêtre pour regarder le temps qu’il fait dehors. Pourquoi ? « On vit au cœur de l’atmosphère en permanence, notre corps réagit à l’exposition à la lumière naturelle, et on respire 10.000 à 15.000 litres d’air par jour. Cela a forcément un impact : nous sommes tous météo sensibles », explique à 20 Minutes Louis Bodin.
« Dès que le ciel devient morose, que les journées raccourcissent, j’ai le moral dans les chaussettes, raconte Manon. Je veux rester au chaud sous mon plaid, dans des vêtements en pilou, en attendant le printemps. Sans parler du changement d’heure : le coup de grâce final ! » Idem pour Lolo, qui « déprime quand il pleut et qu’il fait froid. Je ne sors que par obligation, préférant me blottir sous la couette en pyjama, au coin de la cheminée ». Comme les animaux en hibernation, Lolo sort de sa torpeur hivernale au retour des beaux jours. « Le soleil me donne une forme olympique, je revis, je sors et je m’émerveille de tout. C’est comme si vivaient en moi deux personnalités opposées que la météo module à sa guise ».
Evidemment, « il est naturel de se sentir mieux lorsqu’il fait beau, que l’on peut profiter de la lumière du soleil, confirme Louis Bodin. Et cette tendance à indexer son humeur sur la météo porte un nom : la "baropathie" », à laquelle est sujette Aurélie. « Quand il fait beau, j’ai envie de sortir, de rire, de profiter du soleil avec mes amies, de faire plaisir aux autres. J’ai envie de contaminer tout le monde avec ma bonne humeur ! » Un bonheur déclenché par le soleil et qui s’explique simplement. « Plus il fait beau, plus les gens sortent et rencontrent d’autres personnes. Et on sait que les interactions sociales sont bonnes pour le moral », explique le psychologue américain David Watson, spécialiste de l’étude des revirements d’humeur et de comportement, cité par Louis Bodin dans son ouvrage.
Coup de chaud sur la libido et le corps
Et certaines interactions sociales sont particulièrement favorisées par la météo estivale, lors de la saison des amours. Car c’est lorsque le soleil nous réchauffe la peau et le cœur que l’envie de séduire se réveille chez les célibataires. Un réflexe quasi animal. La nature se réveille, notre besoin de nous reproduire aussi. Et ce n’est pas Pauline qui dira le contraire : « L’été, la vie semble plus légère : on profite du beau temps en terrasse, on a la peau bronzée, on retrouve l’envie de bien s’habiller et de plaire », confie la jeune femme. « Notre corps réagit aux signes extérieurs : la luminosité et le thermomètre qui grimpe aux beaux jours, cela met les sens en éveil, les corps se découvrent et on est davantage dans la séduction », analyse Louis Bodin.
Mais il ne faut pas qu’il fasse trop chaud non plus, sous peine de se sentir raplapla. « Physiologiquement, l’être humain se sent dans les meilleures dispositions physiques et morales lorsque la température se situe entre 15 et 25 degrés », indique Louis Bodin. Alors, en cas de fortes chaleurs, le corps s’affole, il est moins performant et plus vulnérable. « On peut facilement se protéger d’un froid raisonnable, grâce au chauffage et aux vêtements adaptés, poursuit l’ingénieur prévisionniste. En revanche, surtout pour les personnes les plus fragiles, il est difficile de se protéger de la canicule, dont nous avons assez peu l’habitude sous nos latitudes tempérées ». Sommeil perturbé, perte d’énergie, déshydratation et augmentation du risque cardiaque sont au rang des effets délétères de températures trop élevées. D’ailleurs, les fortes chaleurs, « ça me fatigue », se plaint Ludivine.
La météo, élément de reconnexion à la nature
Au contraire, « quand l’automne est là, j’adore me balader, la pluie me fait me sentir bien », assure la jeune femme. Un sentiment de plénitude partagé par Alex : « La pluie m’apaise depuis toujours, je me réjouis de me réveiller sous la pluie ! A tel point que j’ai un jour songé à consulter un psy pour savoir si c’était normal ou pas ». A priori pas de quoi alerter les médecins. En revanche, un temps humide qui n’aurait pas d’effets sur les articulations du corps. Ainsi, prédire une météo humide et pluvieuse sur la base de ses rhumatismes qui se réveillent semble n’être qu’une légende urbaine, jamais prouvée par la science.
« Chez nous en Tunisie, on a une expression : "cela me rafraîchit le cœur", là où, en France, vous dites : "cela me réchauffe le cœur". Cette expression illustre l’effet du climat sur notre comportement et jusque dans notre langage, expose Mohamed. Nous, c’est la pluie qui nous manque le plus. Alors quand il pleut, on est heureux ». Car il ne faudrait pas oublier « la chance que nous avons d’avoir ce climat diversifié, avec de vraies saisons, rappelle Louis Bodin. Ces jours-ci, le temps est maussade et pluvieux, mais il faut s’en réjouir, c’est le signe que les nappes phréatiques se rechargent, que la nature se remet à niveau. Nous faisons partie de cette nature et nous avons notre propre nature animale, souligne le météorologue. Respecter la nature, c’est nous rappeler à elle, nous accorder la possibilité de vivre mieux, de respirer ».
Une météo-sensibilité exacerbée par le dérèglement climatique
Et au milieu de cette nature, notre météo-sensibilité devrait être exacerbée par le dérèglement climatique. Alors que les climatologues prédisent des étés à 55 degrés en 2050, notre sensibilité morale et physique aux phénomènes météorologiques sera forcément exacerbée. « Si on veut survivre, il va falloir s’adapter aux changements climatiques que l’on a causés », prescrit Louis Bodin. Transports, habitat, aménagement urbain : l’évolution du climat nous forcera à adapter l’environnement qui nous entoure. Peut-être en incorporant plus de végétation dans nos cœurs de ville bétonnés, pour offrir des ilôts de fraîcheur aux riverains.
« Nous faisons face à de nouveaux enjeux en termes d’écologie, de démographie et de biodiversité, insiste Louis Bodin. Notre agriculture et nos modes de consommation devront être repensés ». Comment, en pratique, chacun peut-il trouver sa place dans cet environnement à la météo changeante ? « Les actions individuelles et locales comptent, mais il faut s’attacher à devenir un citoyen du monde, plaide le météorologue. Que chacun – individu et Etats — se demande comment s’investir au niveau de la préservation de la planète. Il nous faut faire preuve de solidarité face aux changements climatiques auxquels nous allons de plus en plus devoir face. Les frontières n’ont plus trop de sens, même si cela va à rebours du discours politique ambiant. Agir dans la conscience que chacune de nos actions peut préserver l’environnement, c’est le rendre plus beau ».
* Nous sommes tous météo sensibles, éditions Albin Michel, en librairie le 4 novembre, 18,90 euros.