Lyon : Plus besoin d’aller voir le médecin en ville, les étudiants se font désormais soigner sur le campus
LYON•L'université Lyon 1 accueille désormais le premier centre de santé universitaire du RhôneCaroline Girardon
L'essentiel
- L’université Lyon 1 est la première du Rhône à accueillir un centre de santé universitaire.
- Les consultations sont gratuites et les services sont regroupés au même endroit.
- La première cause de consultation s’avère être la santé mentale.
Un certain retard à l’allumage. La ville de Lyon a enfin emboîté le pas à d’autres consœurs et possède désormais un Centre de santé universitaire (CSU) comme il en existe déjà 26 autres en France. Le premier du genre sur le territoire rhodanien a ouvert ses portes au mois d’avril 2018 au sein de l’université Lyon 1 et a été inauguré la semaine passée. Il est implanté sur le campus de la Doua à Villeurbanne et possède deux antennes, l’une sur le site de Rockefeller et l’autre à Lyon Sud.
Une véritable révolution dans le monde étudiant. Comme le confirme Alexane, 25 ans, venue consulter. « C’est plus pratique car je n’ai pas de médecin traitant sur Lyon. On peut avoir des rendez-vous beaucoup plus facilement car là, j’ai pris appelé au dernier moment », explique-t-elle en rigolant. Et d’ajouter : « La première fois que j’ai pris rendez-vous pour un implant contraceptif, je suis allée voir un généraliste qui m’a finalement dit qu’il n’en posait pas. Il m’a envoyé vers un gynécologue mais le délai d’attente était de quatre mois ».
Consultations gratuites
« Avant, on ne pouvait pas se faire prescrire de soin ou de médicaments. On avait un peu l’impression d’avoir perdu notre temps en venant au centre de prévention. Là, il s’agit d’une véritable avancée », juge Djibrilla, vice-président étudiant de Lyon 1. Le principe de ce nouveau dispositif est de regrouper plusieurs services en un même lieu : médecine générale, gynécologie, psychologie, psychiatrie. Ce qui évite d’avoir à se déplacer à travers toute la ville. « L’un des avantages est que l’on peut se rendre sur place entre deux cours. En tout cas, cela permet d’en manquer le moins possible », appuie Alexane.
« Avant, on faisait de la prévention. On accueillait les étudiants, on les orientait mais on sait qu’il n’y avait pas de suivi derrière, souvent en raison du manque d’argent. Quand c’est gratuit, ça change tout », note Anne-Laure Krikorian, psychologue clinicienne au sein du CSU. L’étudiant ne doit avancer que la somme prise en charge par la mutuelle avant d’être remboursé. Un plus pour Caroline Combes, médecin généraliste et directrice du centre. « Payer 25 euros par consultation, c’est parfois beaucoup pour certains », observe-t-elle ajoutant que les étudiant(e) s peuvent désormais se faire prescrire des médicaments, des contraceptifs, poser ou enlever des stérilets ou réaliser des frottis.
La santé mentale, première cause de consultations
Les consultations sont très variées : dépistage d’infections sexuellement transmissibles, peur de la grossesse, difficultés d’avoir des rapports sexuels ou même ressentir des douleurs pendant l’acte. « Ici, la parole doit être libre sans que l’on se sente jugé. On sait que ce n’est pas toujours facile d’en parler à son médecin de famille qui connaît très bien le patient et ses parents, argumente le Dr Combes. L’objectif n’est pas de capter la patientèle des médecins traitants mais de répondre à des besoins à travers un parcours de soins plus fluide ».
Le principal motif des consultations concerne malgré tout « la santé mentale », le « mal-être » des étudiants. « Ils sont à un moment de leur vie où ils sont vulnérables. La tranche 18-25 ans est celle des premiers amours, c’est le passage entre l’adolescence et la vie d’adulte, le moment de quitter ses parents et d’acquérir une autonomie. Il y a un fossé avec le lycée », relève Anne-Laure Krikorian.
« Les étudiants ont des problèmes de santé spécifiques. Ce sont des âges où l’on expérimente le stress lié aux études, à la gestion des budgets, à l’éloignement familial, à l’isolement. Cela peut faire émerger des psychoses. Le risque suicidaire est 6-7 % parmi la population étudiante et de 11 % chez les étudiants en santé », enchaîne Caroline Combes, évoquant ainsi « un problème de santé publique qui n’a pas été évalué ». « Il s’agit d’un public sur lequel il n’y a pas d’attention particulière, contrairement aux enfants ou aux seniors », insiste-t-elle.
Dépister tôt les états psychotiques
Dans les allées du campus, les épisodes psychotiques ne sont pas rares. Il y a quelques mois, un étudiant est venu en consultation, muni un couteau avec lequel il pensait mettre fin à ses jours. « Derrière un trouble du comportement alimentaire ou des tentatives de suicide, il y a peut-être eu des violences sexuelles ou d’autres traumatismes. Si on ne les dépiste pas assez tôt, si on ne soigne pas précocement ces troubles, les patients vont finir par décrocher et être évincé du système éducatif. Avec toutes les difficultés qu’ils rencontreront ensuite pour accéder à l’emploi et être inséré. C’est ce que l’on veut éviter », conclut le Dr Combes.
Le centre s’apprête d’ailleurs à mettre en place un dispositif baptisé « Priori-etu » en lien avec l’hôpital psychiatrique du Vinatier, qui permettrait aux étudiants hospitalisés d’avoir un meilleur suivi et de pouvoir reprendre plus rapidement leurs études après leur séjour en psychiatrie.