Pour 7 Français sur 10, nous sommes inégaux face au cancer

Cancer : Pour 7 Français sur 10, nous sommes inégaux face à la maladie

ACCES AUX SOINSLe manque d’information et les inégalités sociales et territoriales seraient préjudiciables pour les plus vulnérables
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Selon l’Observatoire Cancer 2019 de l’Institut Curie, les Français perçoivent de fortes inégalités face au cancer.
  • Des inégalités qui touchent surtout les populations les plus défavorisées.
  • Ce sont elles qui sont généralement les moins bien informées sur les facteurs de risques de cancer, sur les modalités de dépistage mais aussi sur les conditions d’accès aux soins.

Sommes-nous tous égaux face au cancer ? Entre l’exposition aux facteurs de risques, l’information de chacun sur la prévention de la maladie ou encore l’accès aux soins, la réponse à cette question serait plutôt non. Selon l’Observatoire Cancer* de l'Institut Curie – Viavoice 2019 dévoilé ce mercredi, sept Français sur 10 (69 %) estiment ainsi qu’il existe aujourd’hui des inégalités face au cancer, notamment dans l’accès au dépistage ou dans la prise en charge médicale. Une source d’inquiétude d’autant plus importante que 382.000 nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués en 2018 et qu’à ce jour, plus de 3 millions de personnes ont eu ou vivent avec un cancer en France.

Inégalités sociales et carences d’information face à la maladie

Comment expliquer que plus de deux tiers des Français aient ce sentiment d’inégalité ? Pour les personnes interrogées, les inégalités les plus discriminantes face à la maladie sont liées au niveau de revenu (49 %), au lieu de résidence (45 %), au niveau d’information sur le cancer (sa prévention et sa prise en charge) et au fait d’être seul ou isolé (39 %). A travers ces quatre facteurs, les populations les plus vulnérables sont les plus affectées en cas de cancer, et ce phénomène, lié à la situation sociale et territoriale des patients, est perçu comme un « effet double peine ».

A-t-on les mêmes risques de développer un cancer selon que l’on connaît ou non les facteurs environnementaux qui le favorisent et les conditions d’accès à des centres de dépistage ? Dispose-t-on des mêmes soins lorsque l’on vit à Paris ou à plusieurs centaines de kilomètres des centres de soins spécialisés, en zone rurale ou en Outre-mer ? Une personne sur deux résidant dans une commune rurale pense qu’il n’y a pas d’accès équitable aux traitements innovants. Et pour près de la moitié des Français interrogés (47 %), les freins au dépistage du cancer tiennent à la difficulté d’obtenir un rendez-vous (21 %), à l’éloignement géographique des centres de dépistage (17 %) et au manque de moyens financiers (12 %). Des éléments d’autant plus importants que le dépistage précoce augmente considérablement les chances de guérison. Or, 52 % des sondés déclarent ne pas disposer d’information suffisante sur le dépistage, la prévention et la prise en charge des cancers.

« Le cancer touche les plus défavorisés économiquement »

Alors, les inégalités ressenties sont-elles fondées ? En partie, oui. « Dès l’entrée dans la maladie, le poids des inégalités se ressent, observe Emmanuel Jamme, délégué société et politiques de santé à La Ligue contre le cancer. Les populations les plus modestes connaissent moins les facteurs de risques de la maladie. Elles fument plus, par exemple ». Or, « 80 % des cancers du poumon sont causés par le tabagisme », souligne Béatrice Fervers, responsable du département Cancer et environnement au Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard. Alors que l’on sait que quatre cancers sur dix sont liés au mode de vie et pourraient être évités grâce à une hygiène de vie plus saine.

« Et quand on a des revenus moins élevés, il est plus difficile d’arrêter de travailler et de vivre des seules indemnités journalières le temps des traitements, souligne Emmanuel Jamme. Surtout pour les femmes à la tête de familles monoparentales : la situation est extrêmement compliquée ». Dans ce contexte, on ne vit pas les répercussions de la maladie cancéreuse de la même manière quand on a des revenus plus modestes. Surcoût, restes à charges et dépenses dites « de confort » (soins cosmétiques adaptés, perruques, accompagnement psychologique), sont difficilement supportables pour les personnes les plus fragiles. « Le cancer touche plus durement les plus défavorisés économiquement et des progrès sont à faire notamment pour les soins de supports et les prothèses, reconnaît le Pr Thierry Phillip, président du directoire de l’Institut Curie. ».

Une maladie qui se soigne de mieux en mieux

Mais certains points permettent toutefois de faire preuve d’optimisme. Selon l’Observatoire, les Français surestimeraient le reste à charge des traitements pour les patients. Un tiers des Français pensent ainsi que les traitements « classiques » liés au cancer ne sont pas intégralement remboursés par l’Assurance maladie « alors qu’ils le sont », rappelle le Pr Phillip, de l’Institut Curie. Et plus de trois quarts des personnes interrogées (76 %) croient que les traitements innovants – comme les immunothérapies ou les nanomédicaments – ne sont pas intégralement pris en charge alors que, là aussi, ils le sont**. « Personne n’a – pour des raisons économiques – pas accès à des traitements innovants », insiste le Pr Phillip.

Aujourd’hui, la France est l’un des pays où le cancer se soigne le mieux, où les chances de survie sont parmi les plus élevées au monde et où le reste à charge pour les patients est parmi les plus faibles. D’ailleurs, 6 Français sur 10 pensent que le cancer est une maladie dont on guérit de mieux en mieux. Un optimisme encore plus élevé chez les plus de 65 ans, qui en sont 75 % à en être convaincus.

* Sondage réalisé en ligne du 13 au 17 mai 2019, auprès d’un échantillon de 1.002 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus.

* S’ils sont prescrits dans le cadre d’un essai clinique et qu’ils ont obtenu une autorisation de mise sur le marché.