VIDEO. Déremboursement de l’homéopathie: Cinq questions pour tout comprendre au débat
SOINS•Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu son avis mercredi, retour en cinq questions sur la polémique autour du déremboursement de l’homéopathieOihana Gabriel
L'essentiel
- Mercredi, la Haute Autorité de Santé devait rendre son avis sur le bien-fondé (ou non) du remboursement de l’homéopathie. «Libération» dévoile que l'avis définitif est bien en faveur du déremboursement.
- Après des mois de débats enflammés entre pro-homéopathie et anti, cet avis devrait être suivi par la ministre de la Santé.
- Quels sont les principes de l’homéopathie ? Son efficacité ? Les enjeux du déremboursement ? 20 Minutes fait le point.
Edit: Libération révèle ce jeudi que la HAS a bien confirmé dans un avis définitif qu'elle était favorable au déremboursement. La « commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a voté ce mercredi à la très grande majorité (une seule voix contre) le déremboursement des produits homéopathiques », selon nos confrères de Libé.
Dernière ligne droite avant le verdict sur un éventuel déremboursement de l'homéopathie. La Haute Autorité de Santé (HAS) a adopté un avis définitif ce mercredi 26 juin, avant de le rendre public vendredi. Ce sera ensuite au gouvernement de trancher sur cette question très polémique, sachant qu' Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, s'est engagée à suivre l'avis de la HAS. Retour en cinq questions sur un débat qui crispe depuis plusieurs mois.
C’est quoi l’homéopathie ?
L'homéopathie, médecine alternative la plus populaire en France, est née à la fin du XVIIIe siècle des expérimentations du médecin allemand Samuel Hahnemann. Cette méthode thérapeutique repose sur trois principes. D’abord, la similitude. Elle consiste à soigner avec des substances végétales, minérales ou animales qui provoquent des symptômes semblables à la maladie. Ensuite, les doses infinitésimales : les substances sont diluées à l'extrême. Des dilutions à 1 % sont répétées plusieurs fois. Ainsi, la mention « 9 CH » signifie que des dilutions à 1 % ont été pratiquées neuf fois, ce qui équivaut à diluer un mètre cube d’eau dans le volume total des océans du globe. Enfin, l’individualisation : l’homéopathie considère le patient dans son ensemble et ne se focalise pas sur un problème en particulier.
Les autorisations de mises sur le marché pour l’homéopathie ne répondent pas aux mêmes exigences que pour les médicaments classiques. En clair, pas besoin de fournir de données sur l’efficacité du produit. Aujourd'hui, 1.163 de ces tubes et préparations sont remboursés à hauteur de 30 % par la Sécurité sociale depuis mai 2011, à condition d’avoir une ordonnance. C'est le cas l'Arnica Montana pour les chocs ou Gelsemium pour l'anxiété, deux produits phares du laboratoire français Boiron, leader mondial du secteur. En revanche, les spécialités comme la Cucculine pour le mal des transports, Camilia pour les poussées de dents, Oscillococcinum pour lutter contre la grippe ne sont en revanche délivrés qu'en automédication, donc jamais remboursés.
Est-ce vraiment efficace ?
C’est tout le problème. « Des centaines d’études prouvent que l’homéopathie n’est pas plus efficace qu’un placebo. Or, la médecine n’est pas une croyance, juge Céline Berthié, généraliste en Gironde et membre de No Fakemed, collectif qui a publié en mars 2018 une tribune véhémente contre l'homéopathie et d'autres «médecines alternatives» dans Le Figaro. Et ainsi relancé le débat sur le remboursement de l’homéopathie. Bruno Falissard, pédopsychiatre et biostatisticien, apporte une réponse plus nuancée. « Cela dépend de ce qu’on entend par efficace. Car on peut lister trois types d’efficacité : statistique, biologique et clinique. Si on prend l’homéopathie, l’efficacité biologique est nulle, et c’est le problème numéro 1. La physique atomique nous dit qu’à force de diluer, il n’y a plus rien dans ces granules. Sur l’efficacité statistique, des études ont été faites sur le modèle "homéopathie vs placebo", et aucune différence n'a été observée. Mais sur l’efficacité clinique, plein de gens disent qu’ils sont guéris grâce à ces granules et des médecins confirment. Scientifiquement ce n’est pas raisonnable, mais cliniquement, on ne peut pas dire que ça ne rende pas service. » « Beaucoup de symptômes guérissent spontanément », renchérit Céline Berthié.
Combien de Français en consomment ?
Les Français sont nombreux à consommer par exemple de l'Arnica Montana pour les bleus, ou encore de la Cocculine contre le mal des transports. Selon le Conseil national de l’ordre des médecins, 56 % des Français ont consommé de l’homéopathie au moins une fois dans leur vie. Et cette médecine alternative semble très appréciée dans le pays : en effet, 72 % des Français « croient en ses bienfaits », selon un sondage Odoxa publié en janvier.
Vers quelle décision s’oriente-t-on ?
Dans son avis provisoire, adopté mi-mai, la HAS prônait l'arrêt du remboursement de ces produits, en l’absence d’efficacité prouvée. Mais le débat est particulièrement crispé entre pro-homéopathie et anti. Une possible porte de sortie politique serait de couper la poire en deux, en baissant le taux de remboursement, de 30 à 15 %.
Cette éventualité a été évoquée par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, mais ne satisfait aucun des deux camps. Le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) désire que le remboursement reste tel quel, quant à Boiron, le labo plaide pour une augmentation à 70%... De son côté, No Fakemed estime qu’un médicament qui a zéro efficacité doit engendrer... zéro remboursement.
Bruno Falissard suggère, lui, un compromis différent. « J’entends des collègues cancérologues qui expliquent que l’homéopathie soulage des effets secondaires certains de leurs patients. Je suis favorable à ce que ces gélules soient remboursées dans le cas de maladies graves comme le cancer, même si ce n’est qu’un effet placebo. On explique que ces médicaments peuvent rendre service, mais uniquement quand ça rend service pour des maladies graves. »
Qu’est-ce que ce déremboursement peut changer ?
Si le déremboursement était décidé, ce qui est probable, la première des conséquences serait que l’Assurance maladie ferait des économies. L’an dernier, le remboursement de l’homéopathie a représenté 126,8 millions d’euros, sur un total d’environ 20 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés. Ce coût modéré s’explique notamment par le prix des produits homéopathiques, en général peu élevé (en moyenne de 2,70 euros pour Boiron), un remboursement plafonné à 30 %, mais surtout par le fait que la majorité des produits homéopathiques sont vendus sans ordonnance, donc non remboursés.
« La partie la plus populaire de nos patients qui prennent de l’homéopathie va être pénalisée, regrette Hélène Renoux, médecin généraliste homéopathe en banlieue parisienne et du Comité européen d’homéopathie. En homéopathie, on a des solutions efficaces pour des pathologies infectieuses, ce qui évite le recours aux antibiotiques. J’ai prescrit trois fois moins d’antibiotiques que mes collègues de la région. Si certains de ces patients se reportent sur des médicaments allopathiques, l’économie réalisée risque d’être effacée. Voire les caisses de l’Assurance maladie pourraient perdre de l’argent. »
Autre argument du chez les pro-homéopathie, côté emplois cette fois : «le déremboursement menacerait 1.000 emplois sur nos 2.500 en France et jusqu'à 1.500 en tout si on prend en compte les deux autres groupes français, Weleda et Lehning», nous précise-t-on chez Boiron. Mais pour certains médecins, qui critiquent cette passion française pour l’homéopathie, le déremboursement serait un retour à la raison. « Aujourd’hui, on insiste sur la pertinence des soins, rappelle Vincent Renard, médecin généraliste et président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). En France, on doit délivrer des soins en rapport avec les données de la science. Le fait que l’homéopathie soit remboursée par la collectivité est un anachronisme. »
Scandale ou évidence, ce possible déremboursement de 30 % du prix des granules homéopathiques divise la société française. Faut-il, selon vous, que la collectivité continue à prendre en charge une partie de ces traitements ? Pensez-vous continuer à acheter de l’homéopathie même si le prix augmente ? Quelles sont les risques ou les bénéfices selon vous ? N'hésitez pas à nous laisser votre commentaire.