VIDEO. Robot, lunettes VR, échanges… A l’hôpital Foch, on mise sur l'«expérience patient»
REPORTAGE•Alors que la stratégie gouvernementale «Ma santé 2022» souhaite que les praticiens s’emparent de l'«expérience patient», «20 Minutes» a poussé les portes de l’hôpital Foch où, depuis septembre 2018, un service teste plusieurs dispositifsOihana Gabriel
L'essentiel
- «Ma santé 2022 » souhaite que les hôpitaux développent l'« expérience patient », démarche qui vise à donner la parole aux patients pour améliorer les soins et le quotidien.
- Un sondage BVA pour l’institut français de l’expérience patient révélait, en janvier 2019, que ce concept restait très méconnu : près de 45 % des sondés, qui travaillent dans le milieu de la santé, n’en avaient jamais entendu parler.
- Pourtant, certains établissements s’y mettent, notamment l’hôpital Foch, à Suresnes, où une direction de l'« expérience patient » met en place des échanges, propose des films didactiques pour préparer une hospitalisation ou même quelques quiz via un robot.
[L'Association française de la relation client a décerné lundi 7 octobre cinq prix dont la Palme de l'Expérience Citoyen à l'hôpital Foch pour ses actions en faveur de l'expérience patient. A cette occasion, nous vous proposons à nouveau ce reportage réalisé en juillet 2019].
Un robot qui parle épilation, des images de forêt apaisantes avant de passer sur le billard, un goûter pour faire remonter les impressions sur une hospitalisation… Nous ne sommes pas dans une clinique du futur, mais à l’hôpital Foch, établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) situé à Suresnes (Hauts-de-Seine), où une direction dédiée à l’« expérience patient » tente de donner la parole à ces derniers pour améliorer les soins.
Ce dispositif, encore balbutiant en France, devrait se développer rapidement. En effet, dans le cadre de Ma santé 2022, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, souhaite que les hôpitaux misent sur cette démarche qui encourage les interactions entre patients et soignants. Une initiative qui ne se résume pas à donner des notes aux praticiens, mais peut prendre de multiples formes. Et si les Etats-Unis ont montré la voie, l’hôpital Foch teste, depuis septembre 2018, plusieurs initiatives.
Un espace de dialogue horizontal
Parmi les outils, on retrouve le Living lab, un espace de rencontres entre patients, aidants et personnels hospitaliers. Ce jeudi, des jus d’orange, quelques bonbons et des crayons trônent sur la table pour ce goûter-échange. Au mur, le mot « brainstorming » s’affiche en grand. Et c’est exactement l’objectif de ce lieu sans blouse blanche, ni agressivité. Autour de la table, des patients, un aidant, une bénévole, la directrice de la Maison des parents et Valérie Moulins, directrice de la communication et de ce service dédié à l'« expérience patient ». Et aucun tabou. Chauffage, couverture, repas, communication… Chacun est invité à donner son avis sur de petits détails qui peuvent pourrir un séjour à l’hôpital.
Le sujet « ascenseur et dignité » est soulevé par Pierre, surpris que les patients, à demi-nus sur leur brancard, croisent les visiteurs dans cet espace confiné… « Avant, on se préoccupait beaucoup moins de notre avis », salue Pierre, dont le fils Florent, 24 ans, atteint de mucoviscidose, attend depuis un mois une greffe. A l’écouter, malgré l’angoisse, l’attente, les doutes, cette écoute horizontale allège le quotidien. « Quand je viens ici, c’est un peu comme chez moi, avoue-t-il. Je pourrais faire un Gault & Millau des hôpitaux tant on a vécu d’hospitalisations avec Florent. »
C’est un congrès en juin dernier, à la Cleveland Clinic, dans l’Ohio, qui a fini de convaincre Valérie Moulins de se lancer dans ce projet. « Bon, c’est les Etats-Unis, donc pas les mêmes prix et ni les mêmes moyens qu’ici, relève-t-elle. Mais on peut commencer par des choses faciles : le dialogue et les repas. Je vais deux fois par semaine dans les chambres des patients pour les interroger sur leur ressenti. Parce qu’un patient risque de retenir un petit bug, même si son séjour s’est bien passé. C’est pour ça que j’ai besoin de vous », assure-t-elle en regardant, droit dans les yeux, les patients et aidants autour de la table.
Le point noir ? Les repas
Qu’est-ce qui froisse les patients ? « Les retours sont plutôt positifs, mais le point noir, c’est les repas, note Margot, bénévole à l’hôpital. Il faut dire que c’est un peu leur seul plaisir. Et certains nous expliquent, par exemple, qu’on leur sert du riz alors qu’ils sont constipés… »
Il y a donc du pain sur la planche, mais cela ne fait pas peur à Valérie Moulins. Après avoir goûté les plateaux-repas un par un, elle s’est autorisé un petit tri. Et pour que les patients dégustent du pain frais le matin, elle a testé quatre boulangeries de Suresnes. Un menu spécifique, plus varié et bientôt numérique (le choix est fait par smartphone), a été repensé spécifiquement pour les patients atteints de mucoviscidose. « Le fait qu’il y ait cette attention rien que pour nous, que leurs goûts culinaires soient écoutés, c’est tellement agréable », se félicite Pierre. « Depuis, je vois moins de parents qui ramènent de la blanquette de veau dans un tupperware ou du McDo », remarque Hélène, qui dirige la maison des parents, où logent les proches des patients.
Dialogue et bienveillance
Mais il n’y a pas que dans l’assiette que l’hôpital peut se perfectionner. « On s’est rendu compte, en discutant avec les patients, qu’il y avait certaines attitudes choquantes, déplore Valérie Moulins. A force de courir, certains soignants deviennent des mécaniciens et en oublient leur humanité. » Alors, pour sensibiliser sans crisper, Valérie a fait venir des acteurs qui rejouent des scènes que les patients lui ont décrites. « Comme cette patiente, réveillée à 7h et qui demandait son petit-déjeuner à 9h, à qui on a répondu qu’elle n’était pas à l’hôtel, soupire Hélène. Ce jeu de rôle permet à chacun de se mettre dans la peau du patient et de corriger. » Tout le personnel, de l’électricien au chirurgien, recevra une formation à la bienveillance d’une journée à partir de septembre.
« Faire remonter l’avis des patients, c’est extrêmement important, mais avec tact et précaution, prévient tout de même Dominique Reynaert, directrice des soins de l’hôpital Foch. Les soignants doivent gérer beaucoup d’interruptions de tâches, un travail complexe et stressant, une souffrance au quotidien. Si on ne leur renvoie que du négatif, ils risquent de mal le prendre. »
Comment mieux orienter ?
Autre chantier en cours : mieux orienter les familles dans le dédale de l’hôpital. A l’accueil, une carte tactile indique comment rejoindre les services et même les horaires de bus, au sortir de l’hôpital. Et Valérie Moulins espère mettre en place une application de géolocalisation, un genre de « google maps » interne à l’hôpital, pour mieux guider les patients et leurs proches, mais aussi les internes qui passent six mois dans cet établissement de 100.000 m². « Si vous cherchez l’urologie, il vous faut prendre l’ascenseur jaune », explique d’ailleurs la directrice de la communication à un patient perdu. « On voudrait aussi mettre en place un bracelet pour les patients qui souhaitent que leur proche soit prévenu quand ils arrivent en salle de réveil », poursuit Valérie Moulins.
Informer et relaxer
Par ailleurs, un séjour à l’hôpital, ça se prépare. Pour calmer les angoisses, l’hôpital propose désormais des informations avec dix petits films sur son site. Et un robot, nommé Pepper, qui circule dans une salle d’attente, et que chacun peut interroger. Le but est de délivrer les informations importantes sous forme de quiz : comment le patient doit s’épiler, comment prendre une douche en utilisant de la bétadine avant une opération, ou encore comment bien préparer son retour au domicile.
« Toutes ces informations, ça rassure, surtout quand on vient de loin et qu’on ne sait pas combien de temps on va rester. Cela crée des balises pour mieux comprendre le parcours », souligne Hélène, directrice de la Maison des parents. Et l’accompagnant n’est pas oublié. « C’est vrai qu’en seulement 72 heures, j’ai su que Denis, mon compagnon, pouvait venir avec moi et loger à la Maison des familles, où l’ambiance est très détendue et chacun s’appelle par son prénom », confirme Joanne, patiente qui vient de Saint-Pierre-et-Miquelon. Toujours dans une optique relax, un casque de réalité virtuelle permet aux patients angoissés de se détendre en se promenant dans une forêt ou sous la mer, juste avant une opération.
Pas de chance, ce jour-là Pepper, le petit robot, a du mal à répondre aux questions. Et les lunettes VR ne fonctionnent pas. Au point de s’interroger sur l’utilité de telles dépenses ? « L’expérience patient, ce n’est pas qu’une question d’argent, rétorque Hélène. Certes, cela facilite les choses, mais donner la parole à des patients et les rétablir dans une identité où ils ne sont pas uniquement des malades, mais des personnes qui se rendent utiles pour les suivants, c’est fondamental et peu coûteux. »