Vigilance-moustiques: Ce site soutenu par une marque d'insecticides est-il une source fiable d'information sur les moustiques tigres?
FAKE OFF•Vigilance-moustiques publie depuis 2013 des cartes pour indiquer la présence de moustiques et de moustiques tigres en France. Le site est soutenu par une marque d'insecticides. Les retombées de ce partenariat sont faibles, affirme la marqueMathilde Cousin
L'essentiel
- Vigilance-moustiques publie chaque année deux cartes pour alerter sur la présence des moustiques tigres et des moustiques en France.
- Le site est sponsorisé par une marque d'anti-moustiques et ne s'en cache pas.
- Si la carte de surveillance du moustique tigre s'appuie sur des données officielles, la seconde carte est « plus sujette à caution », selon un spécialiste.
Conflit d’intérêts ou site d’information bien ficelé ? Depuis son lancement en 2013, le site Vigilance-moustiques, qui se présente comme un « média d’information », produit des cartes de présence du moustique tigre en France.
Avec succès : le site est bien référencé dans les moteurs de recherche et ses informations sur la présence de ces insectes sont régulièrement reprises dans les médias (dont 20 Minutes).
Le site est pourtant régulièrement pointé du doigt pour ses liens avec Manouka, une marque proposant des produits antimoustiques distribués en pharmacie et parapharmacie.
Le site l’affiche immédiatement. Dès la page d’accueil, la mention « partenaire officiel Manouka, l’expert antimoustiques » est visible, à côté de la carte sur la présence des moustiques tigres. La même mention apparaît en bas du site. La rubrique « Qui sommes-nous » présente elle les produits de la marque, en rappelant le partenariat entre le site et Manouka. En haut du site, une bannière renvoie, elle, directement vers le site de la marque.
« On a fait le site ensemble avec Manouka »
Derrière ce site, un professionnel du marketing numérique, Stéphane Robert, qui travaille également pour une agence de communication. Il a lancé le site et continue de l’animer aujourd’hui. Jusqu’en 2016, Stéphane Robert était également dirigeant des Laboratoires A, l’entreprise qui commercialise Manouka. Les laboratoires avaient été lancés en 2010 par un autre entrepreneur, Pierre Vasseur, qui est toujours président de l’entreprise.
« On a fait le site ensemble avec Manouka », détaille Stéphane Robert auprès de 20 Minutes. Le communicant explique s’être retiré de Laboratoires A car « on m’a reproché d’être au four et au moulin » mais il entretient toujours des liens avec son PDG, puisqu'il est consultant pour une autre de ses marques, et que les deux hommes travaillent ensemble sur une troisième marque*.
« Cela ne nous ramène rien »
Les deux hommes clament que ce partenariat n’a que très peu d’impact sur les ventes de Manouka. « Avec la bannière en haut, il y a peut-être 2000 personnes qui vont visiter le site de Manouka, avance Stéphane Robert. L’impact commercial est nul. » Même explication de la part de Pierre Vasseur : « Quand les gens vont sur le site, c’est trop tard : en juin, juillet ou août, les ventes sont déjà faites. »
Une carte avec des données officielles
« A aucun moment, en termes rédactionnels, le site ne dit que pour se protéger il faut prendre des antimoustiques Manouka, se défend Stéphane Robert. Quand on dit comment se protéger, on recommande des principes actifs qui sont reconnus par les autorités. » Des propos à nuancer : une brochure en ligne sur le site mêle conseils et mise en avant de produits Manouka.
Comment l’animateur du site bâtit-il la carte de vigilance sur la présence du moustique tigre ? Stéphane Robert explique s’appuyer sur des données officielles : notes d'informations, centre européen de prévention et de contrôle des maladies, informations de l'EID Méditerranée (opérateur public chargé de la démoustication autour de la Méditerranée). Ensuite, il applique des couleurs (marron, rouge, orange et jaune) pour indiquer la présence de l’insecte. Une gamme chromatique qui peut être perçue comme inquiétante. « Les codes couleur ont été recommandés par un parasitologue », se justifie Stéphane Robert.
Le ministère de la Santé publie également une carte
Cette carte est-elle juste ? Nous l’avons soumise à Fabrice Chandre, chercheur à l’IRD et spécialiste de la veille antimoustiques. « La carte indique les endroits où le moustique tigre est implanté et actif, détaille le spécialiste. Elle se trouve également sur le site du ministère de la Santé. » Le ministère publie en effet une carte de présence, avec un code couleur et des légendes différentes : les départements en blanc, selon le ministère, sont ceux où le moustique tigre n’a pas été recensé. Ces départements deviennent jaunes sur la carte de Vigilance-moustiques et sont indiqués comme étant sous « surveillance entomologique ». Deux façons de présenter une même réalité.
Une carte sur les autres espèces de moustiques, « plus sujette à caution »
Stéphane Robert ne s’intéresse pas qu’au moustique tigre : il publie également une carte qui indique le début de la saison des moustiques, en s’appuyant sur des données météo et des signalements reçus sur le site. Ensuite, il se fait confirmer la présence des insectes par les pharmaciens. « Pourquoi des pharmaciens ? Parce que ce sont les mieux placés pour le savoir, les clients viennent chez eux quand ils ont été piqués. » Selon Stéphane Robert, « toutes les pharmacies » connaissent le site.
« Cette carte est plus sujette à caution, avance Fabrice Chandre. Des moustiques, il y en a dans tous les départements de France. Cette carte ne va pas nous donner des informations pertinentes. » A consulter avec du recul donc.
* Stéphane Robert est consultant pour Lapsa, une marque qui distribue de la nourriture pour chiens et chats en pharmacie et parapharmacie. Pierre Vasseur est le président de la marque. Les deux hommes sont également engagés dans l’entreprise Laboratoire Phyto-Terra qui commercialise des purificateurs d’intérieur ou des antiparasitaires.
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