Fluides sexuels: Le liquide des femmes fontaines, c'est quoi exactement?
TOUT SEXPLIQUE (4/5)•«20 Minutes» vous propose une petite plongée scientifique dans le monde mystérieux des fluides sexuels
Anissa Boumediene
L'essentiel
- Pour balayer les idées reçues et mieux comprendre le fonctionnement du corps humain, 20 Minutes explore la nature et le rôle des fluides sexuels.
- A quoi servent-ils ? De quoi sont-ils composés ? Quels en sont les chiffres clés et les infos les plus secrètes ?
- Aujourd’hui, pour le quatrième chapitre de notre série, on éclaircit le mystère sur le liquide émis par les femmes fontaines.
S’il est un fluide sexuel qui remporte la palme du mystère et qui est une grande source de fantasmes, c’est bien le liquide émis par les femmes fontaines. On l'appelle aussi « émission fontaine, ou "squirting" en anglais », précise le coauteur de Femmes fontaines et éjaculation féminine * (éd. In Press), le Dr Samuel Salama. Gynécologue et sexologue, il a consacré une thèse et mené une étude scientifique sur le sujet. Mais de quoi est composé ce liquide qui répond au doux surnom de « nectar des dieux » ? Peut-on parler d’éjaculation féminine ? Ce liquide est-il en réalité de l’urine ? 20 Minutes vous dévoile enfin la vérité et vous offre une petite leçon de biologie.
A quoi sert-il ?
Mystère entre les mystères, ce fameux liquide intrigue les hommes depuis trèèès longtemps. Déjà, durant l’Antiquité, Hippocrate et Aristote avait étudié la question. Pour les deux savants, « l’émission fontaine pouvait participer à la reproduction en se mêlant à la semence de l’homme et c’est cette combinaison qui permettait de concevoir un enfant, rappelle le Dr Salama. Donc à l’époque, ce liquide est perçu de manière très positive ». Ce n’est que bien des siècles plus tard, avec l’invention du microscope, que l’on découvre que « ces émissions fontaines ne contiennent aucune cellule et n’ont donc aucun rôle dans la reproduction. "Pire", on découvre qu’elles ne sont que la pure manifestation de la jouissance féminine, raconte le gynécologue sexologue. Dès lors, ce nectar des dieux n’est plus vraiment considéré avec bienveillance, et les femmes fontaines doivent être "soignées" ».
De quoi est-il composé ?
On arrive à la question à un million d’euros. Plusieurs gynécologues interrogés par 20 Minutes n’ont pas réussi à se mettre d’accord, certains parlant d’éjaculation féminine produite par les glandes de Skene – sorte de vestige féminin de la prostate – et dont la composition est proche du liquide prostatique produit par ces messieurs, et d’autres évoquant « un liquide mystère dont la composition est proche de l’urine, sans en être ».
Alors qu’est-ce que c’est ? Pour en avoir le coeur net, le Dr Salama a mené en 2014 une étude sur sept femmes fontaines. « Nous leur avons fait passer trois échographies rapprochées : la première après avoir uriné, la seconde après une stimulation sexuelle, et la troisième juste après l’émission fontaine, décrit le gynécologue. Nous avons également recueilli, analysé et comparé leurs fluides (les urines au début, le liquide de l’émission fontaine et les urines à la fin). Nous avons découvert que, alors que la vessie de ces femmes était vide (après la miction), elle se remplissait très rapidement sous l’effet de la stimulation sexuelle. Et nous avons observé que juste après avoir émis le liquide, leur vessie était de nouveau vide. Le doute n’est plus possible : le liquide des femmes fontaines vient de la vessie. L’analyse biochimique réalisée sur ces prélèvements de liquide démontre qu’il est composé d’urée, de créatinine et d’acide urique, autant d’éléments qui sont des marqueurs de l’urine ». En résumé, vous l’avez compris, ce liquide mystérieux est donc bien de l’urine, ou, plus politiquement correct, «un ultra filtrat provenant du plasma sécrété par les reins stocké dans la vessie et expulsé lors de la jouissance sexuelle», propose le Dr Salama.
Et l’éjaculation féminine, est-ce la même chose ? Les deux n’ont rien à voir. Si l’émission fontaine peut être spectaculaire, avec un jet puissant de liquide, et laisser penser que le terme d’éjaculation est approprié, en réalité, l’éjaculation féminine passe souvent totalement inaperçue. « C’est un liquide blanchâtre produit par la prostate féminine, et cela représente un volume émis de moins de 1 ml », précise le Dr Salama.
Quelques chiffres à connaître
Les spectateurs de films pour adultes s’imagineront volontiers un geyser jaillissant de la source des femmes. Pour le coup, l’effet « geyser » peut effectivement être au rendez-vous, et laisser jaillir, selon les femmes et selon chaque rapport, « entre 5 et 30 centilitres de liquide », indique le Dr Salama. Pour se faire une idée, 30 cl, c’est grosso modo la contenance d’une canette de soda. Et si « une majorité de femmes fontaines et leur partenaire sont très à l’aise et épanouis sexuellement grâce à cette particularité, le rapport sexuel requiert un peu de logistique en amont pour protéger les draps et la literie », souligne le Dr Salama.
Le petit secret
Si toutes les femmes ne sont pas des femmes fontaines, « toutes les femmes peuvent le devenir car il n’ y a pas de prédisposition anatomique », révèle le gynécologue sexologue. En pratique, il existe deux catégories de femmes fontaines. D'une part, « les femmes fontaines dépendantes, qui, comme leur nom l’indique, dépendent de la stimulation digitale dispensée par leur partenaire ou elles-mêmes. En stimulant la zone clito-urétro-prostato-vaginale – soit le point G –, il va déclencher un torrent de plaisir chez sa partenaire, et la vessie va alors se vider par effet mécanique de la pression des doigts sur cette zone », », expose-t-il. C’est donc en appuyant sur ce bouton magique que chaque femme peut devenir fontaine. Toutefois, « une petite proportion de femmes fontaines est gênée par cette particularité, constate le Dr Salama. Pour éviter l’émission fontaine, il suffit d’aller uriner avant de faire l’amour », conseille-t-il.
Par ailleurs, et c'est beaucoup plus rare, il y a les « femmes fontaines autonomes, qui ont une émission fontaine systématique associée à l'orgasme, poursuit le Dr Salama. Là, il s’agit d’un mécanisme cérébral : les femmes fontaines autonomes parviennent à désactiver dans leur cerveau la zone du "qu’en-dira-t-on ?", ce qui leur permet de totalement lâcher prise durant le sexe. Cela correspond à un emballement cérébral dans le cortex orbito-frontal qui va gagner la zone voisine du cerveau : le centre sociétal du contrôle de la miction. Et ce sont ces deux mécanismes cérébraux qui vont déclencher une expulsion de liquide fontaine sous la forme de jets très puissants, à chaque fois que la femme aura un orgasme ».
L’info insolite
A l’origine de nombreux fantasmes, les femmes fontaines font, de manière assez inattendue, l’objet d’une curieuse littérature et même d’un business dédié. Ces dernières années, ouvrages et autres tuto ont vu le jour pour permettre aux femmes « candidates » d’apprendre à devenir des femmes fontaines.
* Femmes fontaines et éjaculation féminine : Mythes, controverses et réalités, du Dr Samuel Salama et du Dr Pierre Desvaux, Editions In Press, à paraître à la rentrée prochaine.