Dangers de l'ibuprofène: «En croyant me soigner j’amplifiais le problème !»
TEMOIGNAGES•Alors que l'ANSM a alerté jeudi sur les risques que deux anti-inflammatoires favorisent des complications infectieuses, plusieurs de nos internautes ont partagé leurs expériences douloureuses avec l'ibuprofène...Oihana Gabriel
L'essentiel
- L'ANSM vient de publier une alerte sur deux anti-inflammatoires, ibuprofène et kétoprofène, qui peuvent favoriser des complications infectieuses graves.
- Ces médicaments, parmi les plus utilisés soit sur prescription soit en automédication, peuvent donc se révéler dangereux pour certains patients.
- Plusieurs de nos internautes ont accepté de raconter leur vécu avec l'ibuprofène.
C’est un communiqué qui ne risque pas de passer inaperçu. Jeudi, l’ANSM a alerté sur les dangers de deux anti-inflammatoires, l’ibuprofène et le kétoprofène, qui trônent en pole position dans nombre de pharmacies personnelles françaises… En effet, l’ibuprofène était la deuxième substance active la plus vendue dans l’Hexagone en 2013. Censés soulager douleurs et inflammations, ces deux médicaments pourraient favoriser des complications infectieuses graves. En effet, selon une enquête, menée par les centres régionaux de pharmacovigilance de Tours et Marseille entre 2000 à 2018, 337 cas de complications infectieuses dont 32 décès ont été répertoriés pour l’ibuprofène et 46 cas, dont 10 décès avec le kétoprofène. Des chiffres faibles, vu la proportion de Français qui prennent ce type de médicaments et qui relativisent le risque de se retrouver aux urgences après avoir gobé un cachet… mais qui font écho aux expériences douloureuses de nombreux internautes qui ont répondu à notre appel à témoignages
« Je viens enfin de comprendre la cause de mes malheurs »
Arnaud a ainsi lu avec intérêt les articles sur cette alerte et suppose que ses problèmes cutanés sont liés à la prise d’ibuprofène. « Atteint d’une spondylarthrite ankylosante depuis quatre ans, je suis resté assez sportif, m’écorchant régulièrement et j’utilise des anti-inflammatoires en cas de crise. En quatre ans, j’ai développé quatre infections cutanées graves, nécessitant une prescription d’antibiotiques d’une à deux semaines. Je viens enfin de comprendre la cause de mes malheurs… »
Jean-Christophe a fait l’expérience douloureuse d’une simple angine qui l’a envoyé aux urgences. Après une prescription d’ibuprofène, « mon état s’est considérablement aggravé au bout de deux jours de prise du médicament, confie cet internaute. Au matin du troisième jour, impossible pour moi de respirer normalement. Mes amygdales avaient triplé de volumes. Résultat, je vais aux urgences et le médecin me dit que mon état est assez préoccupant et qu’il fallait me transférer dans un hôpital adapté à ce que j’avais, à savoir, un phlegmon amygdalien. La dernière recommandation des médecins était : "ne prenez plus d’ibuprofène !". »
Même cauchemar pour Nicolas, cette fois avec le kétoprofène, un peu moins répandu. « Fin janvier, j’ai été diagnostiqué d’une angine bactérienne et mis sous antibiotique. J’ai pris du ketoprofene pour soulager mes maux de tête. En 48 heures mon état s’est fortement dégradé avec de fortes fièvres, délires et douleurs pulmonaires intenses. J’ai été hospitalisé une première fois aux urgences où je n’ai pas parlé de ma prise de ketoprofene. Huit jours après, ma femme a rappelé les pompiers car mon état empirait malgré la prise de nouveaux antibiotiques. Entre le 25 janvier et le 8 avril, j’ai passé trois séjours d’une durée totale de 17 jours à l’hôpital… Aujourd’hui, j’ai des douleurs aux poumons et je suis épuisé, mais l’infection est enfin vaincue. J’ai vraiment cru que je n’allais pas m’en remettre… Plus jamais de ketoprofène sans avis médical ! »
Car l’autre problème avec ces médicaments, c’est qu’en plus d’être très souvent prescrits, ils peuvent être achetés sans ordonnance en pharmacie. Pour Michel, c’est une simple piqûre d’araignée qui l’a conduit à découvrir les effets indésirables de l’ibuprofène. « J’avais des douleurs très intenses sur toute la jambe, explique-t-il. J’ai pris un ibuprofène, la douleur s’est estompée mais le lendemain au réveil, un œdème était apparu au niveau de ma cheville et les plaques rouges situées jusqu’ici uniquement au niveau de la piqûre s’étaient propagées sur mes deux jambes et il m’était quasi impossible de marcher. D’après le médecin, l’ibuprofène a permis à l’infection de migrer dans mon corps et donc sur mes deux jambes très rapidement. »
Des soignants peu informés de ces dangers
L’alerte de l’ANSM devrait aussi faire évoluer les prescriptions des médecins, habitués à conseiller ces anti-inflammatoires et ignorant parfois ces effets secondaires certes rares mais très dangereux. Autre exemple : Pauline a multiplié les soucis de santé car, juste après une césarienne, la prise d’ibuprofène a provoqué un ulcère à l’estomac. « On ne m’avait pas parlé des risques, ni donné de pansements gastriques par prévention, regrette cette internaute. J’ai beaucoup souffert, je n’en dormais plus. La douleur de l’estomac avec celle de la césarienne… Au début je ne savais pas, donc pour soulager la douleur de la césarienne je continuais l’ibuprofène avec l’aval du médecin. Des souffrances mises sur le compte du stress d’avoir un nouveau-né. J’ai compris en lisant des témoignages sur Internet. J’ai arrêté ce cachet et après plusieurs semaines de traitements, et en changeant de médecin, je suis guérie. »
Manon, en revanche, a eu la chance de tomber sur un généraliste très au fait du sujet qui l’a mise en garde dès 2011. Migraineuse depuis l’enfance, elle avait l’habitude de calmer ses céphalées grâce à l’ibuprofène, efficace. « En 2011, j’ai connu une période de migraine qui a duré plus de 20 jours. Il m’arrivait de prendre jusqu’à cinq cachets par jour ce qui me permettait d’avoir quelques minutes de répit. Au bout d’un moment je suis allée voir mon médecin et il m’a avertie des dangers de l’ibuprofène. Il m’a alors expliqué que j’étais rentrée dans un cercle vicieux ou plus je prends d’ibuprofène, plus j’avais mal à la tête et du coup en croyant me soigner j’amplifiais le problème ! Il m’a expliqué aussi qu’il avait déjà dû faire hospitaliser un patient en urgence qui avait besoin de se sevrer de l’ibuprofène tellement le médicament lui avait causé des problèmes. »
Depuis, Manon s’est sevrée et ne touche plus un gramme d’Ibuprofène, préférant le paracétamol. Conseil que l’ANSM donne d’ailleurs dans son communiqué : mieux vaux « privilégier l’utilisation du paracétamol en cas de douleur et/ou de fièvre, notamment dans un contexte d’infection courante comme une angine, une rhino-pharyngite, une otite, une toux, une infection pulmonaire, une lésion cutanée ou la varicelle, en particulier en automédication ». « Je suis heureuse de voir que les problèmes rencontrés avec l’ibuprofène commencent à être mis en avant », se félicite Manon.