PARENTComment mieux accompagner les couples en parcours de PMA?

Infertilité: Comment mieux accompagner les couples en parcours de PMA?

PARENTAlors que l’extension de la PMA aux couples de lesbiennes et femmes seules doit être finalement discutée avant l’été, le gynécologue René Frydman alerte sur le retard français
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Aujourd’hui, seuls les couples hétérosexuels en âge de procréer ont le droit de demander une procréaction médicalement assistée (PMA).
  • Après nombre de tergiversations, le gouvernement a finalement décidé de présenter avant l’été en conseil des ministres l’extension de la PMA aux couples de lesbiennes et femmes seules, promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
  • 20 Minutes se penche sur plusieurs pistes qui pourraient permettre de mieux accompagner ces Français, aujourd’hui et demain.

Le père du premier bébé-éprouvette René Frydman n’en fait pas mystère : il est favorable à une extension de la PMA aux couples de lesbiennes et femmes seules. Mais il avertit : la France, pourtant pionnière en la matière, a accumulé du retard. Si chez nous 30 % des PMA, de l’insémination artificielle à la fécondation in vitro se solde par une naissance, c’est le double en Espagne ou aux Etats-Unis.

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Voilà pourquoi il faut repenser notre façon d'accompagner ces Français et ajouter des moyens, a alerté en début de semaine sur France Inter lundi dernier le spécialiste. Sortir du tabou, mieux informer les femmes, accompagner les couples dans leur intégralité… 20 Minutes a interrogé le célèbre gynécologue, associatifs et parents confrontés à l’infertilité pour faire le tour des pistes d’amélioration.

Timing

« Depuis des années, quand on entend parler de PMA, il s’agit à chaque fois des débats sur le fait de l’ouvrir aux couples homosexuels et aux femmes seules, mais trop rarement pour parler de tous ces couples qui vivent le long et difficile parcours », regrette Béatrice, 41 ans, qui espère avoir un enfant avec son mari depuis huit ans. Parcours qui se révèle plus compliqué quand on s’y prend tard. Mais tard, c’est quand ? La réponse diffère selon les couples, les réserves ovariennes, les pathologies que les examens pourront déceler… « Pour moi, le plus difficile, c’est d’avoir perdu deux ans, tranche Anna. A 32 ans, attendre dix-huit mois, c’est beaucoup. Si lors de mon premier rendez-vous, on nous avait demandé de faire des tests, on se serait rendu compte beaucoup plus tôt que mon mari n’avait pas de spermatozoïdes. Malheureusement, la prise en charge dépend des médecins, chaque centre PMA a sa manière de fonctionner. » En effet, certains médecins lancent les explorations au bout de six mois, d’autres deux ans.

Information

Cette question du timing est reliée à celle du manque d’information. Depuis des mois, René Frydman, père du premier « bébé-éprouvette » plaide donc pour une information organisée des trentenaires sur cette question de la fertilité. Libre à eux ensuite de faire leurs choix. « Toutes les femmes reçoivent une information de façon systématique sur le cancer du sein, pourquoi est-ce qu’on n’envisage pas à un âge fixé de recevoir une information sur la baisse de la fertilité ? », avance le Pr Frydman. Le but n’est pas d’aller vers le tout PMA, mais de faire de la prévention pour éviter que les situations d’infertilité touchent autant de couples. » Car ces coups de pouce médicaux, examens, échographies, injections d’hormones et parfois fécondation in vitro (FIV) ne sont en rien une assurance d’avoir un jour un enfant. « On essaie de sensibiliser les jeunes et les moins jeunes au fait que la PMA, ce n’est pas magique, pour certains, ça ne fonctionne pas », complète Virginie Rio, co-fondatrice de l’association Bamp qui épaule ces couples confrontés à l’infertilité.

Lever le tabou

Pour informer, passer par le témoignage de ces couples en attente d’enfant reste encore le meilleur moyen. Aujourd’hui en France, entre 18 et 24 % des couples font face à un problème d’infertilité… et très peu osent en parler. « Le problème, c’est que la question de l’infertilité est encore taboue », regrette Virginie Rio. Certains couples taisent leur désir d’enfant de peur d’affronter les regards interrogateurs et petites phrases. Dans l’entreprise, combien cachent les conséquences lourdes des traitements de PMA et leur tristesse secrète. Et pourtant, la PMA touche bien des aspects du quotidien et fragilise aussi bien le couple que la vie professionnelle. « Les traitements sont lourds, les hormones modifient votre humeur, le couple perd de sa spontanéité car les rapports sont programmés et la vie professionnelle est impactée très fortement, rythmée par les rendez-vous médicaux fréquents », confirme Audrey.

Avec certains sujets encore plus difficiles à aborder que d’autres. « On commence un peu à parler de l’infertilité liée à l’endométriose, par contre le fait que ça peut être aussi Monsieur qui a un problème ou encore que l’infertilité soit inexpliquée et touche des jeunes, c’est encore plus tabou !, regrette Mélyssa, 22 ans. Il faudrait vraiment que les médias et des campagnes de santé publique informent sur ces questions. »

Ecoute et bienveillance

Tous les témoignages vont dans le même sens : l’écoute et la bienveillance sont fondamentale. Encore plus avec la relation avec le médecin qui prend en charge ces couples parfois pendant des années. « Ils ont besoin, certes de techniques pointues, mais aussi de tout ce qui va autour, de l’empathie, de la chaleur, de l’écoute », assure Virginie Rio, de l’association Bamp. Encore faudrait-il que ces spécialistes aient assez de temps à consacrer à chaque situation particulière. « Il n’y a pas d’étude pour le prouver, mais je suis persuadé que la confiance, de part et d’autre – car il faut aussi que le médecin sache que traitements ou bonnes résolutions seront suivis – jouent dans la réussite de la PMA », assure René Frydman.

Prise en charge pluridisciplinaire

Insistant sur la part de mystère qui entoure la procréation (comment expliquer que ce couple, qui après des années de PMA sans succès adopte, réussit alors enfin à concevoir naturellement un enfant ?), René Frydman souligne l’importance d’une prise en charge globale. Plusieurs des témoignages reçus abordent le problème d’un diagnostic erroné. Ainsi, Audrey et son mari ont attendu cinq ans avant de découvrir que leur infertilité inexpliquée était en réalité due à une endométriose. « On ne peut pas regarder que les ovaires de Madame ou les testicules de Monsieur, mais l’ensemble, confirme le célèbre spécialiste de la PMA. Il faudrait plus de professionnels dans les centres de PMA : des tabacologues, psychologues, nutritionnistes… Parce qu’aujourd’hui, quand on explique à un patient ou une patiente qu’ils doivent arrêter de fumer, perdre du poids, boire moins, on bute sur cette difficulté pour trouver un tabacologue par exemple… On a besoin de repenser cette offre de soins pour proposer un accompagnement pluridisciplinaire sur place. Pour que le patient ne se sente pas "découpé" et que les praticiens travaillent ensemble pour multiplier les chances pour ce couple d’avoir un enfant. »

Médecines complémentaires

Face à une médecine traditionnelle qui n’a pas toutes les réponses, certains se tournent vers les médecines alternatives. « Pour certains couples, passer par des médecines douces comme la méditation, l’hypnose, l’acupuncture peuvent aider, avance Virginie Rio. Dans un parcours de PMA, vous perdez votre rapport au corps, qui vous trahit, que vous maltraitez avec les prises de sang et piqûres d’hormones. D’après les retours que nous avons à l’association, ces médecines complémentaires font beaucoup de bien à certaines. » Mais leurs résultats n’ont pas encore été scientifiquement prouvés et ces séances coûteuses ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale.

20 secondes de contexte

Cette idée de papier a émergé après une conférence de presse, sur la période de noël, douloureuse pour les couples en attente d’enfant. A cette occasion, 20 Minutes a pu interviewer René Frydman et Viriginie Rio sur ce sujet. A la fin de ce premier papier, nous avons demandé à nos internautes ce qu’ils et elles aimeraient pour un meilleur accompagnement de ce parcours médical parfois lourd de conséquences. Nous vous remercions pour vos contributions, d'une grande qualité.