SOINSUn rapport de l'Inserm appelle à booster le sport sur ordonnance

Maladies chroniques: Un rapport de l’Inserm rappelle l’urgence de prescrire une activité physique adaptée

SOINSUne expertise collective de l’Inserm détaille les pistes pour imposer le sport sur ordonnance, alors que la « stratégie sport santé » doit être dévoilée prochainement
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • L'activité physique a des vertus pour prévenir, pour soigner et pour éviter la mortalité et la récidive pour les malades chroniques, prouve une expertise collective de l'Inserm dévoilée ce jeudi.
  • Si les autorités de santé valident ce nouveau soin non médicamenteux, la mise en place de sport sur ordonnance reste complexe.
  • Formation des médecins, remboursement des soins, personnalisation de la prescription, les experts soulignent dans leur rapport également les défis de cette nouvelle approche, alors que la stratégie nationale sport-santé est en cours d'élaboration.

Et si on allait faire du taî-chi au parc plutôt que de pleurer sous la couette ? Ce n’est plus un secret, pratiquer une activité physique régulière et adaptée est conseillé pour les bien portants, et encore davantage pour les patients atteints d’une maladie chronique. Soit un Français sur quatre quand même… Alors que les autorités de santé françaises ont validé l’efficacité de l’activité physique pour prévenir et soigner, et mis en place depuis mars 2017 du sport sur ordonnance, cette nouvelle thérapeutique, efficace mais pas remboursée, peine à s’installer dans les mœurs. Une expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), demandée par le ministère des Sports, vient enfoncer le clou ce jeudi : elle détaille les activités conseillées pour dix maladies chroniques, comment améliorer leur efficacité, mais aussi les défis à relever pour que ce soin s’installe dans le paysage français. Une marche de plus sur laquelle pourrait s’appuyer la «stratégie sport santé» qui devrait être dévoilée dans les mois qui viennent.

Changement de paradigme

« Comme pour le tabac, on ne peut plus faire comme si on ne savait pas », tranche Grégory Ninot, expert en psychologie qui a participé au rapport de l’Inserm avec treize autres experts, médecins, mais aussi enseignants en activité physique adaptée. Pour rendre cette expertise collective, ces professionnels ont analysé 1.600 études scientifiques sur les impacts de l’activité physique sur dix maladies chroniques (obésité, diabète, insuffisance cardiaque, AVC, cancer mais aussi dépression…).

« Une étape importante pour passer d’une médecine curative, qui a montré ses limites, à une médecine préventive, assure François Carré, spécialiste des maladies cardio-vasculaires. Cela n’a l’air de rien, mais c’est un changement de paradigme. Pendant longtemps on disait à nos patients reposez-vous, aujourd’hui on leur demande de bouger ! » Une révolution qui accuse un petit retard à l’allumage : peu de patients reçoivent aujourd’hui une prescription pour faire du sport. « Après un infarctus, environ 70 % des patients rentrent chez eux sans prescription d’une activité physique », regrette Thibaut Guiraud, de l’Institut des maladies métaboliques. Pour une pathologie pourtant identifiée depuis longtemps comme nécessitant une rééducation sportive…

Un impact positif pour toutes ces maladies

Le rapport de l’Inserm ajoute de nouvelles preuves scientifiques : l’activité physique adaptée réduit la fatigue et les douleurs dans le cancer, le risque de mortalité pour les maladies chroniques en général.

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Pour l’infarctus, par exemple, suivre cette prescription non médicamenteuse, qui peut vous inviter à vous mettre à la danse ou au yoga, permet de faire baisser de 20 % le risque de récidive et de réhospitalisation. « Pour une dépression, un programme d’activité physique trois fois par semaine pendant trois mois devraient être prescrit en première intention par les généralistes avant les antidépresseurs», plaide Grégory Ninot.

« Plus on commence tôt dès l’annonce du diagnostic, mieux on arrive à maintenir une bonne condition physique, et donc on évite le cercle vicieux d’une perte de muscle, de baisse des capacités respiratoires », assure Béatrice Fervers, cancérologue. D’où la première recommandation de cette expertise : prescrire de façon systématique cette activité physique aux patients qui vivent avec une maladie chronique.

Adapter en fonction des pathologies…

A l’arrivée, mêmes recommandations côté fréquence : au moins trois séances par semaine (en plus de 30 minutes de marche quotidiennes). Mais le rapport innove en détaillant l’ordonnance en fonction des maladies : pour l’obésité, les experts conseillent de mettre l’accent sur la diminution du tour de taille plutôt que sur la perte de poids avec des programmes d’activité d’endurance ; pour les cancers on vise plutôt des programmes combinant endurance et renforcement musculaire.

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… Et du patient

« On s’est beaucoup trompé, reconnaît François Carré. Si on ne propose au patient qu’un vélo et un tapis roulant et qu’il n’aime ni l’un, ni l’autre, il y a peu de chance pour qu’il adhère au traitement. » Mais aujourd’hui, de l’aviron, du foot en marchant, du taï-chi, de la gymnastique adaptée sont proposés au sein de certains hôpitaux ou dans des structures ou associations épaulant ces patients.

«Il n’y a pas de sport idéal ! », prévient François Carré. Le plus important est d’adapter la prescription à chaque patient, en fonction de ses goûts, de ses obligations, de ses capacités, de ses moyens aussi. Voilà pourquoi le rapport insiste sur l’idée de personnaliser la prescription. Sans quoi le patient risque de s’essouffler après quelques semaines d’effort. Parce que caler la séance de renforcement musculaire quand on a repris le travail n’est pas chose aisée.

Autre question explorée dans ce rapport : quels sont les facteurs qui influent sur l’adhésion ou non des patients à ce changement d’habitudes? Première enseignement: il faut que le patient comprenne l’intérêt pour lui de faire ces efforts. Et pour que cette activité s’invite de façon durable dans son quotidien, cette thérapeutique nécessite un suivi et une communication régulière entre l’intervenant en activité physique et les soignants.

« Le problème de cette thérapeutique, c’est qu’elle est à vie », reconnaît François Carré. « Seulement 30 % des patients qui ont suivi cette thérapeutique la poursuivent à long terme », souligne Grégory Ninot. Un suivi qui peut être aidé par des innovations numériques : télémédecine, mais aussi objets connectés… « Le suivi s’appuyait auparavant uniquement sur du déclaratif, les objets connectés donnent une réalité plus précise et permettent au médecin d’adapter le suivi », reprend Gregory Ninot.

Formation des médecins

Autre défi bien identifié et rappelé ce jeudi : la nécéssité de former les médecins pour prescrire de l’activité physique. D’où une autre recommandation : généraliser un module obligatoire durant les études de médecine (cela tombe bien, le projet de loi ma santé 2022 révolutionne de fond en comble les études de nos futurs médecins), mais aussi dans la formation continue, un enseignement sur cette fameuse activité physique.

« Les jeunes médecins semblent adhérer beaucoup plus à cette approche », rassure François Carré, qui propose un cours optionnel sur les bienfaits de l’activité physique en médecine à l’Université de Rennes. Pour lui, la réflexion doit aller au-delà. « En cardiologie, on prescrit en général trois semaines de réadaptation, mais peut-être faudrait-il plutôt proposer trois fois une semaine sur un an pour que les habitudes soient prises. »

La question du remboursement

Enfin, sujet de taille, la question du remboursement a été évoquée lors de la conférence de presse ce jeudi. « On a toutes les preuves pour prescrire une activité physique et tous les arguments pour la rembourser», avancent ces experts, qui appellent les autorités de santé à « imaginer un nouveau parcours de soins ». Améliorer la prévention, inventer un parcours de soins qui mette le patient au centre, faire collaborer généraliste, kiné, cardiologue, cancérologue, voilà des thèmes qui sont chers à la ministre de la Santé. Un choix coûteux à court terme, mais qui permettrait de faire des économies à long terme.