«On peut être vegan et manger des burgers, des kebabs et même des omelettes»
INTERVIEW•De plus en plus de Français sont tentés par le véganisme, mais le passage à la pratique doit être bien préparé…Propos recueillis par Anissa Boumediene
L'essentiel
- Face aux vidéos dénonçant la souffrance des animaux dans les élevages et dans les abattoirs, de plus en plus de Français sont tentés par le véganisme.
- Un choix qui implique de renoncer à tout produit animal ou issu de l’exploitation animale.
- Mais au-delà des bonnes intentions, comment faire ses courses, composer ses menus et organiser son frigo et ses placards quand on devient vegan ? 20 Minutes vous fait le topo.
Manger mieux et manger moins. Une démarche dans laquelle de plus en plus de Français se lancent, tentés par le véganisme, qui a séduit environ 5 % de la population dans l’hexagone. Parmi les motivations : la défense du bien-être animal, alors que nombreux sont ceux qui ont été choqués par les vidéos de la L214 montrant les violences faites aux animaux dans certains élevages et abattoirs. Mais entre les bonnes résolutions et la mise en pratique, pas facile de changer son alimentation du tout au tout quand on est omnivore, voire un grand carnivore.
Comment trouver des substituts à la viande ou aux produits laitiers ? Comment préparer une cuisine savoureuse et équilibrée ? Faire ses courses est-il plus compliqué quand on devient vegan ? « Pas du tout ! », rassure Stéphanie Tresch-Medici, auteure de l’ouvrage Une année vegan (éditions La Plage) et animatrice du blog La fée Stéphanie, où elle partage des centaines de recettes vegan qu’elle a élaborées. Petits conseils pratiques.
Peut-on devenir vegan du jour au lendemain ?
Cela dépend de votre régime de départ. Quelqu’un qui est habitué à manger beaucoup de viande et de produits laitiers aura du mal à devenir vegan du jour au lendemain. Un « gros carnivore » pourra commencer par étapes, en tentant un lundi sans viande par exemple. Pour quelqu’un qui consommait déjà peu de viande, et pas de viande rouge, a priori la transition sera plus facile et rapide. Mais outre les habitudes alimentaires de base, cela dépend aussi des motivations. Si l’on souhaite devenir vegan après une prise de conscience sur les questions liées à la souffrance animale, on se rend compte qu’on ne peut tout simplement plus manger de produits issus de l’exploitation des animaux. J’étais végétarienne depuis longtemps avant d’être vegan, et à l’époque, j’adorais le fromage, mais aujourd’hui je ne m’imaginerais pas en manger un gramme, c’est impossible. Quand on devient vegan, cela s’inscrit souvent dans une démarche plus globale de refus de l’exploitation animale, mais aussi dans une volonté de manger plus sainement, de privilégier le bio, le local et les produits de saison. Etre vegan participe d’une hygiène de vie, et je suis persuadée que ce mode de vie va se démocratiser parce que les consciences s’éveillent, mais aussi parce qu’on ne peut pas continuer à manger autant de viande à l’échelle mondiale, c’est trop lourd pour la planète en termes de pollution et de ressources engagées.
Mais en pratique, quand on a été habitué à consommer beaucoup de produits d’origine animale – viande, œufs, fromage –, comment trouver des produits de substitution, composer une assiette équilibrée ? Si on ne sait pas cuisiner, si on mange souvent au restaurant ?
C’est une difficulté assez française, parce que la cuisine traditionnelle en France est très centrée autour de la viande et du poisson, par nature elle ne se prête pas au véganisme. Les légumes sont considérés seulement comme des accompagnements des protéines animales. Devenir vegan, cela implique de changer son logiciel, de repenser sa manière de cuisiner. Au début, les gens sont un peu déboussolés, se demandent : « qu’est-ce qu’on va manger ? ». La seule chose à prévoir est une supplémentation en vitamine B12, que l’on trouve naturellement dans la viande. Sinon, en adoptant une alimentation vegan variée riche en fruits et légumes frais, il n’y a aucun risque de carences. Pour équilibrer son assiette, c’est simple : il faut une portion de céréales, des légumes frais en quantité et une portion de protéines végétales, comme le tofu ou le seitan. Les choses ont beaucoup évolué. Il y a quelques années, être vegan était plus compliqué : il n’y avait pas trop de produits alternatifs, les simili-carnés n’existaient pas. Aujourd’hui, la gamme de produits vegan en magasins bio et grandes surfaces ne cesse de s’élargir. Il existe des saucisses vegan, des nuggets de tofu ou de blé, des steaks végétaux. On va retrouver l’apparence et les sensations de produits à base de viande. C’est une bonne aide pour assurer la transition. Et il y a pléthore de livres et de blogs dédiés avec plein de recettes pour varier sa cuisine vegan au quotidien. Même les restaurants s'y mettent de plus en plus, à Paris et dans les grandes villes surtout, mais aussi depuis toujours dans les restaurants de cuisine étrangère, asiatiques ou libanaise. Et dans le doute, je passe un coup de fil au préalable pour savoir s’il est possible de se faire cuisiner un plat vegan. On arrive toujours à profiter d’un bon resto entre amis sans souci.
Les critiques les plus communes à la cuisine vegan portent sur le manque de variété et de saveur…
Il y a des a priori parce que c’est une cuisine que tout le monde ne connaît pas. Mais être vegan ne signifie pas se nourrir tous les jours de brocolis vapeur ! Quand j’y réfléchis, je me dis que ce sont les omnivores qui mangent moins varié : un morceau de viande ou une autre protéine animale, avec des légumes en accompagnement. Mes lecteurs me disent qu’ils n’ont jamais mangé aussi varié, sain et bon que depuis qu’ils sont devenus vegan ! Il faut juste être un peu imaginatif pour préparer une cuisine gourmande et diversifiée, essayer des cuisines orientales, asiatique, très parfumées et qui ne sont pas articulées autour des protéines animales. Sortir du schéma pâtes et riz, explorer toute la variété de céréales et légumineuses, consommer des produits de saison, ainsi vos fruits et légumes changent tous les trois mois ! Il faut savoir se faire plaisir, mettre de la couleur dans son assiette, utiliser des épices et des herbes fraîches pour une cuisine pleine d’arômes. En ce moment, je me régale de risottos à la courge ou aux champignons.
Quand on est vegan, comment organise-t-on son frigo ? Quels sont les essentiels à avoir dans ses placards ? Faut-il faire les courses plus souvent ? Cuisiner davantage ?
Pour des questions de budget et de goût, et parce que j’adore cuisiner, je préfère préparer tous mes plats mais comme je le disais, ceux qui ont moins le temps ont un large choix de produits vegan en supermarchés. Côté frigo, puisqu’il ne comporte ni œufs, ni viande, ni produits laitiers, il n’est pas très rempli ! En revanche, dans mes placards, j’ai mes produits essentiels : des légumineuses, des fruits secs, des graines, de la levure maltée pour fabriquer mes fromages vegan, et j’ai toujours en réserve du seitan et du tofu nature, que je fais mariner et que j’assaisonne. Et comme j’ai la chance de vivre dans une petite ville en Italie, je profite tous les jours des petits commerces, j’achète beaucoup de fruits et légumes frais de saison. En pratique, il n’y a pas besoin de passer des heures devant les fourneaux, il y a plein de recettes sont faciles et rapides à préparer, je dois mettre 10 à 15 minutes pour préparer un repas.
Rassurez ceux qui veulent se lancer : devenir vegan ne signifie pas renoncer aux pizzas, aux burgers, gâteaux et autres gourmandises ? Ni avoir un repas de Noël tout triste ?
Absolument pas ! On peut faire de délicieux burgers de légumes maison. Je prépare des kebabs et des pizzas à mes enfants. On peut faire de la pâtisserie, des viennoiseries, des quiches et du fromage, et c’est délicieux ! Et même des omelettes sans œufs ! Et pour les fêtes, c’est pareil, il y a beaucoup de recettes très gourmandes. C’est vrai que pour les réveillons, la démarche est plutôt de retrouver l’esprit des plats de fêtes, mais en version vegan. On peut préparer un festin avec du faux foie gras, du faux saumon fumé, du caviar vegan, des rôtis farcis, un plateau de fromages et une bûche !