Strasbourg: Le CHU se forme pour accompagner les victimes de violences sexuelles
SOCIETE•L’hôpital strasbourgeois entend mettre en place un parcours de soins spécifique pour les victimes et motiver d’autres CHU français à le faire…Alexia Ighirri
L'essentiel
- Les hôpitaux universitaires de Strasbourg sont le premier établissement de santé en France à organiser des formations auprès de ses personnels pour prévenir, détecter et prendre en charge les victimes d’abus sexuels.
- « Il faut qu’on apprenne à poser la question. Ce n’est pas un interrogatoire de police, la patiente n’est pas obligée de répondre. Mais peut-être qu’elle reviendra deux ans plus tard… », dixit Nadine Knezovic, sage-femme cadre de pôle au CHU de Strasbourg.
- Le CHU de Strasbourg écrit également un parcours de santé spécifique pour ces femmes. Et espère que d’autres centres hospitaliers français suivront.
Le film Les chatouilles est dans les salles de cinéma, le documentaire Enfance abusée est diffusé ce mardi soir sur France 2 à 23h25 dans le cadre de la journée internationale des droits de l’enfant. Le sujet des violences sexuelles faites aux enfants est présent aussi derrière les écrans : selon des données disponibles, elles touchent 20 % de la population, « plus que le cancer du sein, plus que les accidents de voiture », avance Nadine Knezovic, sage-femme cadre de pôle au CHU de Strasbourg.
Les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) sont le premier établissement de santé en France à organiser des formations auprès de ses personnels pour prévenir, détecter et prendre en charge les victimes de ces abus. Et notamment dans le département gynécologie-obstétrique, où « les résurgences traumatiques font partie du quotidien des professionnels de santé, indique Nadine Knezovic. Au moment de la grossesse ou de tout processus qui touche à la reproduction comme la PMA, l’IVG, le post-partum, il se passe quelque chose » chez une femme victime de violences sexuelles plus jeune.
Comment l’expliquer ? « Quand un enfant est sexuellement agressé, il développe une énergie meurtrière. Il est comme une cocotte-minute. Et puis, il débranche : c’est l’amnésie traumatique, illustre la sage-femme. Mais on ne sait pas quand il va rebrancher. Entre-temps, il va laisser traîner des signes qu’on doit savoir reconnaître. L’énergie peut se libérer contre les autres ou contre soi, en développant des pathologies comme les cancers, le diabète ou l’alcoolisme et la toxicomanie. » Parmi les signes qui pourraient également être interprétés, sans les généraliser : une patiente qui ne se laisse pas examiner, une addiction, une tentative de suicide, etc.
« Il faut qu’on apprenne à poser la question »
Sous son impulsion, combinée à celle du référent gynécologue Pr Israël Nisand et de Nicole Andrieu de l’association Stop aux Violences Sexuelles – qui était déjà intervenue à l’hôpital de Sélestat —, le personnel hospitalier strasbourgeois est formé à la prise en charge de ces victimes.
Cela va de choses simples, comme demander le consentement d’une patiente au moment de l’examiner, à la méthode pour contenir une résurgence chez elle. « Garder le contact visuel, développer une enveloppe réconfortante », liste Nadine Knezovic, qui ajoute : « Il faut qu’on apprenne à poser la question. Ce n’est pas un interrogatoire de police, la patiente n’est pas obligée de répondre. Mais peut-être qu’elle reviendra deux ans plus tard… »
Un parcours de soins adapté
Outre la formation de son personnel (plus de 200 personnes jusqu’à présent), le CHU de Strasbourg écrit un parcours de santé spécifique pour ces femmes. Et pour cause, selon des études, 80 % des femmes enceintes ex-victimes et n’ayant pas fait de parcours de soins adapté ont davantage de risques de développer une pathologie.
Au programme chaque mois : un rendez-vous chez un gynécologue ou une sage-femme et un psychologue formés, puis un travail sur l’approche corporelle avec du chant (« ça fait bouger le diaphragme et redonne des sensations corporelles »), du toucher osthéopathique ou de l’acupression.
Propager l’idée dans les autres hôpitaux
Sur le modèle de ce qui peut déjà exister en Belgique ou au Canada, le CHU travaille à l’élaboration de ce parcours de santé avec l’ARS et cherche du mécénat pour l’aider financièrement. L’idée est d’être un fer de lance pour les autres CHU de France. Celui de Lyon serait d’ailleurs intéressé.
La volonté, ensuite, est de développer ce modèle pour les mineurs. Le CHU avait d’ailleurs collaboré avec le Conseil de l’Europe pour la diffusion du livre Kiko et la main expliquant aux enfants la règle du « On ne touche pas ici ».