VIDEO. «La maladie de Lyme peut être handicapante si elle est traitée tardivement», explique le professeur Hansmann
INTERVIEW•A la tête du service maladies infectieuses des hôpitaux universitaires de Strasbourg, le professeur Yves Hansmann sort un livre sur la maladie de Lyme. L’ouvrage sort dans un contexte de débat sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie…Propos recueillis par Bruno Poussard
L'essentiel
- Spécialiste de la maladie dans une région impactée, le professeur Yves Hansmann veut « mettre à disposition de tous les informations scientifiques ».
- A Strasbourg, se trouve le Centre national de référence des borrelias, ces bactéries à l’origine de la maladie pas encore parfaitement connues.
- « Les gens sont de plus en plus angoissés par la maladie. Car ils ne la comprennent pas. Entre ce que leur dit leur médecin et ce qu’ils peuvent lire sur Internet, le message peut être contradictoire », constate le spécialiste.
L’ouvrage du professeur Yves Hansmann est sorti le 11 octobre. Intitulé La maladie de Lyme, au-delà de la polémique, il est accompagné du sous-titre « Mieux comprendre pour mieux soigner ». A la tête du service maladies infectieuses et tropicales des hôpitaux universitaires de Strasbourg, ce médecin est confronté à la maladie depuis de nombreuses années, dans une des régions du pays touchées.
Très médiatisée, la maladie de Lyme fait peur. Mais la cité alsacienne a développé une expertise pour y faire face. Elle héberge pour la recherche le Centre national de référence des borrelias [bactéries à l’origine de la maladie], pas encore parfaitement connues. Et, depuis peu, une unité de consultation dédiée. Mais le livre du spécialiste sort dans un contexte de débat sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie.
Votre livre est-il une réponse à la psychose grandissante sur la maladie ?
L’idée est de mettre à disposition de tous les informations scientifiques. On reçoit de plus en plus de patients perdus. Certains ne savent plus quels éléments sont plus ou moins sérieux. En me basant sur ma propre expérience et des études, j’explique la démarche médicale classique : comment on parvient au diagnostic à partir des signes cliniques, comment on le confirme avec les tests biologiques. Pour donner au grand public intéressé les éléments médicaux de compréhension, même s’il persiste des interrogations.
N’est-ce pas aussi une réponse aux « polémiques » sur sa prise en charge ?
Côté communication, les spécialistes de la maladie n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer beaucoup. La place a été donnée à des propos non scientifiques qu’on ne partage pas. On est peu allé vers le grand public. Dans ce livre, je ne cherche pas à rentrer dans une polémique stérile mais je veux apporter ma vision des choses. Parce qu’on voit de plus en plus souvent des pratiques médicales non adaptées.
Depuis combien de temps travaillez-vous sur la maladie de Lyme ?
Je suis infectiologue depuis 22 ans et je prends en charge des patients atteints de la maladie depuis le début de mon exercice à Strasbourg. Dans l’activité consultation, Lyme n’est qu’une partie de mon travail. Mais la cellule dédiée que l’on a montée reçoit environ 50 personnes par mois et on a l’impression que les gens sont de plus en plus angoissés par la maladie. Car ils ne la comprennent pas. Entre ce que leur dit leur médecin et ce qu’ils peuvent lire sur Internet, le message peut être contradictoire.
Comment qualifiez-vous le processus actuel de diagnostic en France ?
Dans l’évaluation des tests, Elisa et Western Blot sont les moins mauvais aujourd’hui. L’idéal, avec une maladie infectieuse, est d’en identifier les causes. Mais la borrelia est difficilement identifiable, car elle est présente en très petite quantité dans des tissus profonds. Donc on mesure les anticorps présents, mais ça ne veut pas dire que la personne est toujours porteuse de la maladie. Et dans une forme précoce de la maladie, les anticorps ne sont pas détectables.
D’autres tests existent en Allemagne et sont parfois mis en avant…
Les sociétés savantes allemandes de microbiologie se sont positionnées, leurs recommandations sont les mêmes qu’en France et aux Etats-Unis. Elles disent aussi que les tests de certains laboratoires situés en Allemagne n’ont pas été évalués, voire que leur évaluation a démontré leur manque de fiabilité. Il ne s’agit que de quelques laboratoires, mais ils sont très demandés.
Vous n’aimez pas le terme « maladie chronique » mais parlez de cas tardifs. Pourquoi ?
La maladie peut être handicapante, avec des séquelles douloureuses, si elle est traitée tardivement. […] En général, en cas de prise en charge moins de six mois environ après contamination, le pronostic est assez bon. Après six mois, en phase tardive, la bactérie a pu se disséminer (du sang aux organes puis aux articulations), entraînant parfois des dégâts qui peuvent persister, même quand la bactérie a été éliminée par les antibiotiques. […] Des atteintes à la moelle épinière ou des troubles moteurs font aussi partie des formes graves de Lyme identifiées. Mais elles sont rares et la plupart du temps, elles sont issues de diagnostics et traitements tardifs.
Le manque de connaissance de Lyme reste-t-il le plus grand problème pour y faire face ?
L’idéal, selon moi, est d’avoir un test qui permette de détecter directement la bactérie. Beaucoup de gens y travaillent, à Strasbourg notamment. Mais c’est un vrai défi, car elle est très difficile à identifier et nous n’en sommes qu’aux prémices. […] En attendant ce que je veux, c’est replacer le patient au centre des débats. Sans renier leurs douleurs pour autant, il faudrait peut-être aussi une prise en charge, plus globale, des patients, qu’ils présentent ou non une maladie de Lyme.