Le «cynisme» de la prévention par le lobby de l’alcool dénoncé

Alcoolisme: Des médecins dénoncent le «cynisme» du plan de prévention du lobby de l'alcool

ADDICTIONDans une tribune publiée dans le journal « Le Monde » ce mardi, addictologues et des médecins dénoncent le « cynisme » du financement du plan gouvernemental de prévention de l’alcool par les lobbys du secteur...
Jérémy Vial

Jérémy Vial

La prévention de l’alcoolisme financée par le lobby du secteur passe mal. Dans un texte paru dans Le Monde ce mardi, divers spécialistes de santé ont dénoncé un texte présenté le 27 juin à l'Elysée, où le lobby de l'alcool proposait d'apporter son aide financière - à hauteur de 5 millions d’euros sur quatre ans - au plan de santé publique sur la prévention de l’alcoolisme. « Son discours [du lobby] est d’une simplicité angélique : Laissez-nous faire ! Croyez-nous sur parole ! Dormez braves gens ! Faites confiance à notre sens des responsabilités ! », écrivent ainsi les signataires de la tribune. Ces derniers pointent du doigt le montant investi par le lobby de l’alcool dans ce plan de prévention de l’alcoolisme, mais aussi un conflit d’intérêts dans ce dossier.

Interpellés en février dernier par Emmanuel Macron, les producteurs et négociants de vins, spiritueux et bières avaient proposé, fin juin, de participer au financement des actions de prévention contre la dépendance à l’alcool, qui fait 135 morts par jour en France. Le lobby qui finance la prévention, l’annonce faisait l’effet d’une grande première dans l’Hexagone. Une décision qui avait enthousiasmé les uns, sans convaincre les autres.

Pour les spécialistes de santé réunis autour du texte relayé par Le Monde, l’objectif du lobby de l’alcool est avant tout « de créer un nuage de fumée, et d’empêcher toute politique de prévention efficace ». Parmi les signataires de la tribune figurent les addictologues Michel Reynaud et Amine Benyamina, la pneumologue Irène Frachon et l’épidémiologiste Catherine Hill. Ces derniers y voient le « cynisme d’un lobby qui ne cherche qu’à préserver ses propres intérêts, quelles qu’en soient les conséquences ». Pour rappel, la consommation d’alcool en France est l’un des plus élevés au monde avec 11,6 litres d’équivalent ­alcool pur par habitant en 2016, soit davantage que la Russie.

Plutôt 100 millions d’euros

Outre le « cynisme » des lobbyistes, les signataires de la tribune dénoncent le « conflit d’intérêts » que représente, selon eux, la présence d’Audrey Bourolleau au poste de conseillère Agriculture de l’Elysée. L’affaire avait été révélée puis détaillée par Mediapart. Avant de rejoindre les équipes d’Emmanuel Macron, Audrey Bourolleau occupée le poste de déléguée générale du lobby du vin.

De plus, une partie du texte rédigé par les spécialistes de santé porte sur le financement de la prévention de l’alcoolisme. Ils épinglent notamment la « pingrerie » du lobby de l’alcool, qui « essaie de faire passer un financement hypothétique de la prévention de 5 millions d’euros pour un apport décisif, alors que les chiffres d’affaires cumulés de la filière se comptent en milliards. »

Enfin, les instigateurs de la tribune demandent plus de moyens avec la création « d’un fonds prévention alcool digne de ce nom », qui « bénéficie de la même dotation que le fonds tabac et soit sous la responsabilité du ministère de la Santé ». Un fonds tabac qui s’élève à 100 millions d’euros.