FEMMESQue propose le rapport pour lutter contre les violences obstétricales?

Violences gynécologiques: Le rapport du HCE met l’accent sur l’information des patientes

FEMMESAlors que les témoignages de femmes alertent depuis un an, le rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), dévoilé ce vendredi, permet de dessiner des pistes pour améliorer le rapport patientes/soignants...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Ce vendredi, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) rend son rapport sur les violences gynécologiques et obstétricales.
  • Ce rapport fait suite aux nombreux témoignages sur des accouchements traumatisants et touchers vaginaux non consentis.
  • Mieux former les soignants, rappeler aux patients leurs droits et mieux documenter ces violences, voilà certaines des suggestions de ce rapport pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles des soignants.

Certaines femmes se remettent très difficilement d’un accouchement. Pas seulement parce que donner naissance à être humain de parfois 4 kg n’a rien d’une sinécure. Mais surtout parce que certains soignants n’ont pas la délicatesse ou l’éthique nécessaire pour accompagner au mieux cette mise au monde.

Depuis un peu plus d’un an, les langues se délient sur les réseaux sociaux comme dans les médias et beaucoup de femmes dénoncent ces violences gynécologiques et obstétricales. Une libération de la parole saine, mais qui a pu heurter certains professionnels de santé.

Pour objectiver le phénomène, un rapport sur ces violences avait été commandé par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa au Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE). Un rapport dévoilé ce vendredi. « On reconnaît les violences gynécologiques, c’est un premier pas, salue Anne Evrard, coprésidente du Ciane , association de défense des patientes. Mais il faut être pragmatique maintenant : quels outils on met en place pour que ça cesse ? »

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Le document, que 20 Minutes a pu consulter, propose notamment 25 recommandations : enquêtes de satisfaction des patientes, formations des soignants, moyens accrus dans les maternités… et propose surtout de mieux informer les patientes.

6 % des patientes pas satisfaites du suivi de grossesse

Toutes les patientes ont-elles été victimes de violences dans un cabinet de gynéco ou une maternité ? « Ces témoignages massifs attestent du fait qu’il ne s’agit pas de cas isolés mais relève d’une culture médicale », souligne Margaux Collet, co-rapporteure au HCE.

Le chiffre polémique du nombre d’épisiotomies pratiquées en France, loin des 75 % avancés l'été dernier par Marlène Schiappa, tournerait, selon l’enquête périnatale de 2016 autour de 20 %, mais varie selon les maternités de 0,3 % à 45 %.

Illustration de la main d'un bébé, ici en maternité.
Illustration de la main d'un bébé, ici en maternité.  - C. Allain / 20 Minutes

Ces chiffres ne disent toutefois rien du vécu de la patiente. Le rapport a donc déniché une autre enquête datant de 2006, intitulée « Satisfaction des usagères des maternités à l’égard du suivi de grossesse et du déroulement de l’accouchement ». Cette étude, réalisée par la Drees, le département d’étude du ministère de la Santé, souligne que seulement 6 % des femmes se déclaraient « pas du tout » ou « plutôt pas » satisfaites du suivi de leur grossesse ou de leur accouchement, ce qui représente 50.000 femmes pour l’année 2016.

Autre chiffre intéressant : 12 % des femmes ayant accouché étaient peu ou pas du tout satisfaites des méthodes reçues pour gérer la douleur et les contractions.

Un gynécologue et sa patiente (illustration).
Un gynécologue et sa patiente (illustration). - CORDON PRESS/SIPA

Manque d’information pendant l’accouchement

En revanche, le manque d’information semble plus répandu. En effet, selon cette enquête de 2006, en cas de césarienne, 1 femme sur 10 juge les informations fournies insuffisantes et 1 sur 20 inexistantes. Et 1 femme sur 2 déplore un manque ou l’absence totale d’explication sur le motif de l’épisiotomie.

« Les femmes méconnaissent leurs droits : 77 % des femmes n’avaient pas de demande particulière pour leur accouchement, reprend Margaux Collet. Peu de femmes savent que tout acte médical ne peut être fait sans leur consentement libre et éclairé, que ce soit un toucher vaginal ou une épisiotomie. Ce que les sages-femmes nous ont expliqué, c’est que les patientes restent bouche bée quand on leur parle de projet de naissance. Avant d’avoir des demandes, elles doivent savoir comment l’accouchement devrait se passer. Et en général on leur dit : "votre bébé va bien, donc tout va bien", mais c’est plus tard qu’elles se rendent compte qu’elles n’ont pas été actrices de leur accouchement ».

Ces lacunes dans l’information de la patiente, ou plutôt des parents, donnent lieu à plusieurs recommandations de la part du HCE. Un premier pas serait de « rendre publiques, sous forme de cartographie en ligne, les données maternité par maternité relatives aux actes médicaux pratiqués lors de l’accouchement (césarienne, déclenchement, rupture artificielle de la poche des eaux, voie basse instrumentale, épisiotomie etc.) ». « Cela permettrait aux parents de choisir la maternité en connaissance de cause, assure Margaux Collet. D’autre part, la transparence sur les actes permet aussi d’améliorer les pratiques. »

Un carnet maternité généralisé

Proposition plus originale : généraliser un carnet de maternité type. « Il existe des carnets de maternité, mais pas partout et très variables d’un établissement à l’autre, précise la co-rapporteure. Ce serait un support pour informer les patientes sur leurs droits, sur la possibilité de faire un projet de naissance, mais aussi les recours possibles en cas de problème. »

Un support un peu dépassé à l’heure du tout numérique, critique Anne Evrard, du Ciane : « Les vecteurs peuvent être multiples. Informer, c’est important, mais à condition que cela soit au service d’un empowerment, pour que la patiente dise vraiment ce qu’elle souhaite et pas pour faire signer un consentement avec la liste des risques ! » Autre critique, de la gynécologue Odile Bagot : « avoir une énième plaquette d’information, je ne suis pas sûre que ça soit efficace, les femmes s’informent sur Internet avec des vidéos plutôt. »

Une consultation post-accouchement

Toujours pour mieux informer, le HCE propose de généraliser l’entretien prénatal précoce (EPP), que seulement 28 % des femmes faisaient en 2016. Plus innovant, le rapport propose de créer un entretien postnatal, pris en charge par la Sécurité sociale, qui permette aux femmes d’échanger sur le déroulement de leur accouchement. Un débrief nécessaire pour Odile Bagot, gynécologue et auteure du Dico des nanas : « quand on a le cœur du bébé qui ralentit brutalement, on n’a pas le temps d’expliquer pourquoi on fait une césarienne à la mère, c’est intrinsèquement une violence. Mais le gros défaut, c’est que ça n’a pas été retravaillé après. »

« Ce qui est ressorti des entretiens, c’est le manque de temps les gynécos et sages-femmes pour expliquer pourquoi tel acte a été pratiqué, reprend la rapporteure. Et s’il y a insatisfaction, cet entretien permettrait de faire remonter l’information et d’améliorer les pratiques. »

Ces visites postnatales sont recommandées par la Haute Autorité de Santé (HAS) entre le 8e et le 15e jour après l’accouchement. « C’est protecteur que les femmes puissent raconter un accouchement traumatique, mais si ça n’a aucune suite, c’est inutile, il faut s’assurer que les soignants aient un retour », nuance la coprésidente du Ciane.