Age, sexe, poids: Sommes-nous tous égaux face à l'hypertension?
SANTE•Jeudi a lieu la journée mondiale de l’hypertension artérielle. Au moins 15 millions de Français souffrent de cette maladie, mais beaucoup n'ont pas encore été diagnostiqués...Anissa Boumediene
L'essentiel
- Aujourd’hui, plus de 15 millions de Français souffrent d’hypertension artérielle, qui est le premier pourvoyeur de maladies cardiovasculaires.
- S’il existe des facteurs héréditaires, l’hypertension est d’abord une maladie environnementale, dont l’apparition est liée à l’hygiène de vie.
- Plus de la moitié des plus de 65 ans sont hypertendus, et nombreux sont ceux chez qui la maladie n’a pas été diagnostiquée.
Demain, tous hypertendus ? Aujourd’hui, l’hypertension artérielle touche 15 millions de personnes en France. Sans compter ceux, nombreux, chez qui la maladie n’a pas encore été diagnostiquée. Pourtant, l’hypertension est la voie royale vers les maladies cardiovasculaires et de nombreux facteurs favorisent son apparition. Et si l’on tente de se figurer le portrait type du patient hypertendu, on pense volontiers à un homme d’âge mûr et légèrement ventru. Est-ce fidèle à la réalité ? Existe-t-il des facteurs environnementaux dans le déclenchement de la maladie et peut-on inverser la tendance ? A l’occasion ce jeudi de la journée mondiale de l’hypertension artérielle, petit info/intox des idées reçues sur cette maladie qui représente le premier facteur de risque cardio-vasculaire.
On le sent quand on est hypertendu
C’est faux. « L’autre nom de l’hypertension est la "tueuse silencieuse", explique le Pr Claire Mounier-Vehier, cardiologue et présidente de la Fédération française de cardiologie. La maladie se manifeste par un ensemble de symptômes : fatigue, maux de tête matinaux, vertiges, mouches dans les yeux, bourdonnements d’oreilles, palpitations, troubles de la concentration ou encore sensation de poitrine oppressée sont autant de signes de la maladie, poursuit la cardiologue. Ce ne sont pas des symptômes spécifiques, mais ces signes, lorsqu’ils sont associés, doivent alerter et pousser à consulter son médecin traitant ou même son pharmacien, pour faire un test de dépistage. Or, la plupart des gens n’y font pas attention et n’imaginent pas que leurs symptômes soient liés à l’hypertension, ce qui explique que de nombreux hypertendus n’aient pas encore été diagnostiqués ».
Autre problème, si environ un adulte sur trois est touché par l’hypertension, « la maladie est aujourd’hui banalisée et accuse un gros déficit d’information à l’égard du grand public », déplore le Pr Mounier-Vehier, également membre de la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA). Par ailleurs, bien qu’elle soit « une maladie chronique et premier pourvoyeur des maladies cardiovasculaires, l’hypertension ne fait plus partie des affections longue durée (ALD). Sa prise en charge a été déremboursée et elle est devenue le parent pauvre des maladies chroniques, regrette la cardiologue. Cela envoie un faux message à l’égard du grand public, qui pense à tort que ce n’est pas un trouble grave ».
Les femmes sont moins touchées par l’hypertension que les hommes
Ça dépend. Il est vrai que « les hommes de plus de 45 ans ayant un léger embonpoint sont le cœur de cible du dépistage de l’hypertension, mais la maladie est loin d’épargner les femmes, souligne le Pr Mounier-Vehier. Non seulement elles sont nombreuses à souffrir d’hypertension, mais elles peuvent être touchées même à un jeune âge. Il existe trois périodes clé dans la vie hormonale des femmes durant lesquelles elles ont un risque accru de développer une hypertension : au moment de commencer leur contraception (sous œstrogènes de synthèse). Si une jeune femme sous pilule est sujette aux migraines, notamment si elle fume, il peut en réalité s’agir de céphalées d’hypertension, qui concerne 5 % des prescriptions de pilule », avertit la cardiologue. La grossesse est aussi une période durant laquelle il faut être en vigilance, « si la future mère a des problèmes de placenta, précise Claire Mounier-Vehier, et à partir de la ménopause. A ces périodes-là, la tension artérielle doit être régulièrement contrôlée, d’autant que les femmes sont moins bien dépistées que les hommes. Or l’hypertension est chez la femme ménopausée le deuxième facteur de risque d’infarctus du myocarde, d’où l’importance d’une prévention et d’un dépistage efficaces ».
A ce jour, 36 % des hommes adultes sont aujourd’hui hypertendus, contre 25 % des femmes, selon l'étude Esteban publiée par Santé publique France et qui dresse le portrait de l’hypertension artérielle en France. Mais comme la maladie est aussi liée au vieillissement, « parce que les artères vieillissent aussi, 60 % des personnes âgées de plus de 65 ans souffrent aujourd’hui d’hypertension artérielle, ajoute la cardiologue. Des chiffres qui grimpent à 80 % chez les plus de 80 ans ».
L’hypertension artérielle est héréditaire
C’est vrai. « Il y a une part génétique dans l’hypertension, rappelle le Pr Mounier-Vehier, donc si l’on a un parent, grand-parent, oncle ou tante hypertendu, les risques d’être à terme soit même touché par l’hypertension sont multipliés par deux ».
Une consommation élevée de sel et d’alcool favorise l’hypertension
C’est vrai. « Le sel est un poison, c’est le facteur de risque numéro un de l’hypertension, alerte le Pr Mounier-Vehier. Or les Français en consomment beaucoup trop : plus de 9g chaque jour, contre les 6g maximum à ne pas dépasser, selon les recommandations de l’OMS, observe-t-elle. Le sel favorise la rétention d’eau et la prise de poids, qui favorisent à leur tour l’insulino-résistance et, enfin, l’hypertension. Chez 40 % des hypertendus, une alimentation trop riche en sel entraîne une augmentation de la pression artérielle ».
Idem pour l’alcool : « Ce sont des calories blanches, qui favorisent aussi la prise de poids », rappelle la cardiologue. « Donc il ne faut pas dépasser cinq verres par semaine, prescrit-elle. D’autant que l’alcool réduit l’efficacité des médicaments contre l’hypertension, tout comme le tabac, qui de surcroît entraîne le vieillissement accéléré des artères ». Une raison de plus d'arrêter de fumer.
Changer son régime alimentaire et son hygiène de vie permet de zapper les traitements
C’est vrai, en partie. « Modifier ses habitudes alimentaires et assainir son hygiène de vie peut permettre de se passer de médicaments, confirme le Pr Mounier-Vehier. Quand le diagnostic est posé, on peut s’accorder 6 mois pour réassouplir les artères grâce à une meilleure hygiène de vie et ainsi économiser les traitements médicamenteux », assure-t-elle. En pratique, il existe des astuces simples pour réduire sa consommation de sel, comme « interdire la salière sur la table et la remplacer par des épices », préconise le Pr Mounier-Vehier. Il faut aussi se méfier des aliments industriels, très riches en sel caché, et les éviter au profit de plats faits maison. Mais il ne s’agit pas non plus de se priver de moments de convivialité, « on peut s’offrir un bon resto, affirme la cardiologue, mais on demande que son plat ne soit pas salé en cuisine ». Et on mise sur les fruits et légumes (épinards, endives, pruneaux) « riches en fibres et en vitamine K, qui ont des vertus antioxydantes et réduisent les effets délétères du sel », conseille la cardiologue.
Evidemment, sédentarité et surpoids ne font pas bon ménage avec la santé de l’hypertendu avéré ou en devenir. « On le répète sans cesse, mais il faut pratiquer une activité physique régulière : 30 minutes par jour », martèle le Pr Mounier-Vehier. Objectif : chouchouter ses artères et se délester de sa petite bouée : « la graisse abdominale est un marqueur de risque d’hypertension artérielle, prévient la cardiologue : à partir de 88 cm de tour de taille chez les femmes et de 102 cm chez les hommes ». Pas la peine de se lancer dans un marathon, mais « privilégier les escaliers ou descendre des transports un arrêt plus tôt sont autant de petits moyens de mettre une dose d’activité facile dans son quotidien ».