VIDEO. Documentaire sur «Le cerveau des enfants»: «Etre plus conscient de son cerveau, c’est être plus libre»
INTERVIEW•Ce mercredi, un documentaire de Stéphanie Brillant invite le grand public à découvrir ce que la neuroscience nous dévoile sur le développement du cerveau des enfants...Propos recueillis par Oihana Gabriel
L'essentiel
- Ce mercredi, le documentaire Le cerveau des enfants sort au cinéma, l’occasion pour les spectateurs de découvrir quantité d’informations récentes sur le fonctionnement du cerveau humain.
- Comment gérer au mieux les colères ? Quel effet a la méditation sur de jeunes enfants ? Comment accompagner les apprentissages dès le plus jeune âge ? Ce documentaire apporte bien des pistes aux éducateurs comme aux parents.
Dans certaines écoles américaines, des schémas simplifiés de cerveaux humains recouvrent les murs. Elèves comme professeurs commencent la journée d’école par trois minutes de respiration à l’unisson. Stéphanie Brillant a baladé sa caméra dans les établissements, laboratoires, entreprises et interviewé des chercheurs de pointe et autres éducateurs éclairés aux Etats-Unis pour décrypter comment se développe le cerveau des enfants. Elle en a tiré un documentaire riche, pointu et passionnant, Le cerveau des enfants, un potentiel infini qui sort ce mercredi en salle et aborde bien des questions qui turlupinent les parents. Est-ce que les enfants sont naturellement empathiques ? Comment peuvent-ils apprendre au mieux ?
Le Cerveau des enfants
Le Cerveau des enfants Bande-annonce VO
Au cours de cette heure trente de balade entre amygdales, cortex et émotions et en découvrant les analyses de neuroscientifiques, inventeurs, institutrices, psy et moine bouddhiste (!), le grand public peut en apprendre beaucoup sur comment accompagner au mieux ses enfants. 20 Minutes s’est invité dans le cerveau de la journaliste et documentariste, Stéphanie Brillant.
Pourquoi avez-vous eu envie de pénétrer le cerveau des enfants ?
Initialement, ça m’intéressait parce que j’ai découvert énormément de choses sur mon propre cerveau. D’ailleurs, le film suit mon raisonnement, mes recherches. Beaucoup de câblages qui se sont créés pendant mon enfance. Parents, on reproduit des schémas qu’on a connus et pas toujours de façon consciente ! J’avais envie de faire un film multifacettes, où tout est connecté, comme dans le cerveau. Et un film qui parle à tout le monde : éducateurs et parents en priorité, mais aussi tout adulte qui souhaite savoir comment son cerveau fonctionne et comment s’améliorer.
Pourquoi est-ce si important de mieux connaître le fonctionnement de nos cerveaux ?
Etre plus conscient de son cerveau, c’est être plus libre. Sinon vous êtes à la merci de votre programmation. Ce n’est pas seulement notre éducation, mais également nos expériences, comment on les a vécues, nos croyances qui façonnent nos cerveaux. Cela invite à faire un retour en arrière sur notre biographie. Pour mieux expliquer aussi aux enfants leurs réactions.
Qu’est ce que vous avez appris de plus surprenant pendant toutes ces recherches et interviews ?
Ce qui m’a beaucoup intéressée, c’est la notion d’état d’esprit. Quand on a un état d’esprit fixe, c’est-à-dire qu’on croit que les talents sont innés, la réponse de notre cerveau à nos erreurs est différente et on a une moins bonne capacité à réagir à l’erreur. Cela m’a beaucoup parlé. Mieux vaut donc valoriser la progression plutôt que les résultats. Rappeler les progrès réalisés par l’enfant lui permet de comprendre qu’il n’y a pas d’inné, que tout le monde a la capacité de progresser. Et dans ce cas, le challenge ne fait plus peur. C’est la notion de « je ne sais pas encore » et pas « je ne sais pas tout court ».
On entend à un moment le moine bouddhiste Matthieu Ricard expliquer qu’on a longtemps vu les enfants comme des égoïstes, mais la science depuis trente ans nous dit l’inverse. Comment les neurosciences pourraient-elles révolutionner l’apprentissage ?
Ce n’est pas révolutionner, mais suggérer des pistes de réflexion. Pour que le cerveau intègre des choses, il faut l’intéresser. Bien souvent les leçons ne sont pas ergonomiques, car elles n’attirent pas le cerveau. Par exemple, la façon d’enseigner les mathématiques par des énoncés écrits exclut certaines personnes. De même, un neuroscientifique m’expliquait qu’il était absurde de faire un programme par an parce que le cerveau a besoin qu’on lui répète régulièrement la même chose pour intégrer un savoir.
On parle beaucoup des bienfaits de la méditation, vous faites découvrir au grand public certaines écoles et institutrices aux méthodes originales qui utilisent respiration et pleine conscience…
Tout à fait ! Surtout que ça ne coûte rien. Mais pour bien le faire, il faut non pas faire des classes aux enfants, mais former les profs. Les enfants apprennent à respirer en imitant et cela leur permet de calmer une frustration, d’être moins démunis face à leurs émotions, de se reconcentrer. Il faut à la fois l’exemple et la répétition.
Sur le thème de l'explosion d’émotions, dans le documentaire, la psychothérapeute Tina Payne Bryson explique comment réagir face aux colères…
Il faut garder en tête que c’est normal, que les enfants n’arrivent pas à gérer leurs émotions et donc ne pas rentrer dans l’émotionnel. La douleur émotionnelle est aussi forte que la douleur physique. Tina Payne Bryson explique qu’il faut faire comme s’il était blessé physiquement. Si un enfant tombe, se fait mal, vous allez le gronder et le consoler. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de limite : quand un enfant fait une colère, vous pouvez le gronder mais aussi le prendre dans vos bras, lui expliquer que cela va s’apaiser en grandissant. C’est mieux pour l’enfant, mais aussi pour les parents, qui parfois paniquent…
Est-ce qu’on ne risque pas à force d’informer et de conseiller autant les parents de les faire douter, de les culpabiliser même ?
Au contraire, mon grand message, c’est de faire passer les parents en priorité. Pour moi, la parentalité doit être « moi d’abord ». La meilleure façon d’élever son enfant, c’est d’être soi-même épanoui. Mais il n’y a évidemment ni dogme, ni recette miracle. Pour moi, ce film ouvre la porte à la réflexion et donne des pistes aux parents sans dire ce qu’il faut faire.
Comment les parents peuvent-ils se servir de tout ce savoir pour aider leurs enfants ?
Considérer le débordement émotionnel comme une souffrance, commencer par se comprendre soi-même, réfléchir à comment rendre intéressant ce qu’on veut transmettre. Et puis se rappeler que le cerveau, c’est le corps en entier ! A priori, être assis devant un tableau pendant huit heures, ce n’est pas du tout la bonne façon pour instruire. D’ailleurs, Noël Enyedy, chercheur du UCLA Lab rappelle qu’autrefois en apprenait en vivant dans la nature, en se promenant. Les sciences montrent que l’exercice physique facilite l’apprentissage, courir pendant une demi-heure pour mieux se concentrer, ce n’est pas une perte de temps.
Vous êtes mère de deux enfants, est-ce que vous avez changé quelque chose à votre éducation depuis que vous avez terminé le film ?
Oui, sur la valorisation de la progression. Donc à la maison plus personne n’est intelligent ! Et j’en vois les bénéfices. Mon fils avait tendance à se désengager dès que les choses devenaient compliquées, maintenant il est plus apte à relever des défis.