SOINSPourquoi les urgences sont-elles saturées dans plusieurs villes de France?

Hôpitaux: Pourquoi les services des urgences sont-ils saturés dans plusieurs villes de France?

SOINSDans plusieurs villes de France, les services des urgences font face à un afflux inhabituel de patients…
Laure Cometti, avec les éditions locales

Laure Cometti, avec les éditions locales

Des patients contraints d’attendre des heures, des brancards installés dans les couloirs, un personnel soignant débordé et des décès de malades en salle d’attente… Les services des urgences sont saturés dans plusieurs villes de France en ce mois de mars, ce qui est inhabituel à cette période de l’année. A quoi sont dus les pics d’affluence de patients ?

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Où sont les établissements saturés ?

L’engorgement des urgences touche de nombreux établissements sur tout le territoire. Selon des chiffres fournis par le ministère de la santé le 16 mars dernier, 97 hôpitaux sur les 650 - publics ou privés - qui ont une structure d’urgences avaient, au 13 mars, activé le plan « hôpital en tension ». Selon l’association SAMU-Urgences de France, « plus de 15.000 patients ont passé la nuit sur un brancard des urgences » depuis le début de l’année « faute de lit pour les hospitaliser dans un service ».

Cette situation est « scandaleuse » pour Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui souligne que « des études montrent que cette surcharge cause surmortalité de 9 % pour tous les patients et de 30 % pour les patients les plus graves ».

Des malades sont récemment décédés dans des services d’urgences saturés. Le 12 mars dernier, une femme de 60 ans est morte d’un arrêt cardiaque sur le brancard où elle attendait d’être auscultée aux urgences de l’hôpital Pontchaillou à Rennes. « Ce jour-là, notre effectif était complet, on ne peut pas parler de sous-effectif. Mais on a vu un nombre anormalement élevé de patients arriver. Une centaine de personnes étaient soignées aux urgences dont 70 qui étaient arrivées en cinq heures. C’est énorme », avait alors expliqué la direction à 20 Minutes.

Une semaine auparavant, une femme de 73 ans avait succombé à un arrêt cardiaque aux urgences de Reims, après plus de deux heures et demie d’attente. Pour sa défense, la direction de l’établissement avait elle aussi mis en avant « l’intensité de l’activité » le jour du drame.



Quelle est la situation ce lundi ?

Si la situation semble relativement normale dans certains hôpitaux, d’autres étaient encore saturés, en particulier dans l'Est et l’Ouest du pays. « Le service des urgences affiche une activité soutenue, mais pas anormale à cette période de l’année. Il y a des lits disponibles », a indiqué dimanche à 20 Minutes la direction de l’hôpital Pasteur (CHU) à Nice.

À Nantes, les pompiers ne constataient pas non plus « de saturation particulièrement exceptionnelle ». Même constat à Toulouse, où les urgences étaient « dans la situation de saturation habituelle » selon nos informations, après avoir connu des pics d'activité. À Lyon, « il n’y a pas eu d’augmentation significative, pas plus ou moins d’activité que d’habitude ce week-end », a précisé Geoffroy Bertholle, membre CGT du Conseil de surveillance des Hospices civils de Lyon.

En revanche, de nombreux établissements étaient encore très engorgés, notamment à Strasbourg. « La situation est difficile », constate Marie, infirmière à l’hôpital de Hautepierre, qui pointe « la politique de fermeture des lits. On a besoin de lits de médecine et de gériatrie. On a vu un patient attendre jusqu’à 40 heures sur un brancard. On n’a pas assez de brancards non plus pour libérer les véhicules de secours qui arrivent aux urgences. Un véhicule a attendu jusqu’à 8 heures devant les portes du Nouvel hôpital civil avant de pouvoir repartir. Il faut libérer les lits pour désengorger les urgences », raconte-t-elle à 20 Minutes.

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À Paris, depuis le début du mois de mars, les services d’urgences adultes des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont un taux d’occupation de 15 à 25 % plus élevé que la moyenne de 2016, rapporte Le Monde.

Pourquoi les établissements sont-ils saturés ?

Différentes réponses sont données en fonction des interlocuteurs et des régions. Selon la direction du CHU de Rennes, les pics d’affluence de patients sont difficiles à anticiper, et à expliquer. « Nous n’arrivons pas vraiment à les expliquer. Il y a des jours où les flux sont très importants avec des typologies très différentes, sans que l’on ne sache expliquer pourquoi », a-t-elle déclaré à 20 Minutes.

Les épidémies de grippe et de gastro. Certains établissements mettent le récent afflux de patients sur le compte des épidémies, notamment de grippe et de gastro-entérite. « Les épidémies hivernales (bronchiolite, gastro-entérite, grippe) circulent encore beaucoup », indique l’agence régionale de santé Bretagne.

Ce phénomène est aggravé par une tendance de fond, le vieillissement de la population française. « On a l’habitude du flux massif en période hivernale mais on fait face à une population vieillissante polypathologique, qui a de plus en plus de maladies comme le diabète ou l’hypertension, et qui est donc encore plus fragilisée avec la grippe par exemple. Ce sont des personnes qui exigent du temps, une surveillance, une hospitalisation », témoigne auprès de 20 Minutes Marie, infirmière à l’hôpital de Hautepierre à Strasbourg.

Le manque de lits et de personnel. Mais pour Christophe Prudhomme, membre de la CGT et de l’Amuf, cette saturation reflète un « effet de seuil » : « on a tiré sur la corde pendant des années, en enchaînant les plans d’économies et la suppression de 100.000 lits en vingt ans, d’où la tension permanente dans les urgences aujourd’hui. Cela ne va pas s’arranger : en 2018, on nous demande de supprimer 55 postes de personnel non médical et 8 postes de médecins dans le groupe hospitalier de Seine-Saint-Denis ».

« Il faut distinguer le problème de l’épidémie de grippe de celui, plus profond et chronique, de la saturation globale des urgences », abonde Loïc Marpeau, président de la commission médicale du CHU de Rouen, interrogé sur France 3. Le nombre de passages aux urgences augmente depuis plus d’une décennie : plus de 20 millions en 2016, contre 18 millions en 2011 et 14 millions en 2002.

La démographie médicale et l’orientation des malades. Le député macroniste Thomas Mesnier, médecin urgentiste à Angoulême, pointe aussi le facteur de la démographie médicale : « l’accès aux médecins généralistes est parfois difficile, et les urgences offrent l’accès aux soins pour tous, sans avance de frais, avec la possibilité de consulter des spécialistes ». Selon lui, « il faut plus de pédagogie à l’attention des patients pour expliquer comment bien utiliser le système de soins, et une réflexion sur une meilleure coordination en ambulatoire afin d’accueillir plus de patients ». Les autorités sanitaires ont d’ailleurs appelé la population à contacter d’abord un médecin traitant ou SOS Médecins avant de se rendre aux urgences.

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Que va-t-il se passer dans les semaines à venir pour les urgences ?

Les personnels soignants, qui ont déjà fait grève depuis le début de l’année un peu partout en France pour protester contre leurs conditions de travail et le manque de moyens, participeront à la journée de grève des fonctionnaires prévue le jeudi 22 mars. A Strasbourg, les syndicats FO et la CFTC ont lancé un appel à la grève illimitée à partir du mardi 20 mars.

Du côté du gouvernement, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a confié plusieurs missions à des parlementaires sur le système de soins français. « Les conclusions seront rendues fin avril et permettront de décider d’éventuelles nouvelles réglementations, ou d’une réforme, si nécessaire », indique le député de Charente Thomas Mesnier, qui doit rendre ses conclusions sur l’organisation des soins non programmés.

Dans certains hôpitaux, l’ouverture des urgences 24 heures sur 24 pourrait bientôt être remise en cause, comme à Clamecy (Nièvre), Avallon ou Tonnerre (Yonne). Cette politique de fermeture « aggrave la situation », déplore Christophe Prudhomme. Mais pour le député LREM Thomas Mesnier, « dans des services qui accueillent 20 patients en 24 heures, on peut se poser la question de potentiellement fermer la structure la nuit, pour redistribuer ces moyens dans des établissements qui en ont plus besoin ».