POLITIQUELe gouvernement a-t-il pris la mesure du ras-le-bol à l'hôpital?

Hôpitaux: Le plan de «transformation du système de santé» du gouvernement peut-il calmer la colère?

POLITIQUECe mardi, le Premier ministre et la ministre de la Santé doivent annoncer des pistes de réflexion alors que les professionnels de santé traversent une crise sans précédent...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Depuis des mois des professionnels de santé alertent sur la dégradation des conditions de travail et de la qualité des soins.
  • Une tribune citoyenne publiée lundi dans « Libération » appelle à des états généraux sur la santé.
  • Dans ce contexte très tendu, Edouard Philippe et Agnès Buzyn présentent ce mardi une stratégie de transformation du système de santé.

Le gouvernement va-t-il éteindre la grogne dans les hôpitaux ? Signe qu’il prend la santé très au sérieux, c’est le Premier ministre qui viendra épauler Agnès Buzyn ce mardi et annoncer une « Stratégie de Transformation du système de santé » lors d’un déplacement à l’hôpital d’Eaubonne (Val-d’Oise). Vaste programme. Mais est-il adapté à l’ampleur de la crise ?

Pas de mesure concrète

Au ministère de la Santé, on précise que « ce ne sera pas un temps d’annonce de mesures concrètes, mais d’une approche, d’une méthode et d’un début de calendrier. La ministre est clairement à l’écoute des hospitaliers, mais a une volonté de ne pas traiter un sujet à la fois ».

L’ambition n’est donc pas seulement de répondre à la colère des hôpitaux, mais d’imaginer une transformation du système de santé dans sa globalité.

« Le monde hospitalier attend des actes »

L’objectif serait donc d’échanger, repenser, mettre à plat et lancer des groupes de travail. Est-ce que ce « plan » suffira à calmer les angoisses et colères des professionnels de santé ?

Plancher sur l’ensemble du système de santé et pas seulement l’hôpital semble être une bonne approche pour Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France Lien : FHF. « Si on veut sauver notre système de santé, il faut impliquer tous les professionnels de santé, argumente-t-il. Mais il faudra que ça soit des chantiers avec une méthode et un calendrier clairs. On sort d’un quinquennat qui a épuisé l’hôpital car Marisol Touraine a ouvert les chantiers sans les fermer et elle a évité les réformes de fond. »

Lui attend qu’on réponde à deux questions : comment maintenir l’accès aux soins et leur excellence ? « Le monde hospitalier attend des actes, abonde Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'Hospitalisation Privée (FHP). Dès sa prise de fonction en mai dernier, la ministre de la Santé a su rétablir la confiance avec les acteurs de santé. Aujourd’hui, ce capital confiance est en train de s’éroder au fur et à mesure que les mesures négatives s’accumulent. »

Besoin urgent de moyens

Améliorer les conditions de travail des professionnels et donc la qualité des soins peut passer par nombre de pistes : repenser la tarification, relancer l’investissement, faire la chasse aux actes inutiles, imaginer une organisation plus réfléchie au sein des structures mais aussi entre hôpitaux et ville…

Lancer ces chantiers ambitieux prendra du temps. Mais les hôpitaux ont un besoin urgent de moyens supplémentaires. « On a demandé beaucoup d’efforts financiers aux hôpitaux, qui ont fait 3 milliards d’économies en trois ans, plaide Frédéric Valletoux. Mais derrière, on n’a pas fait les réformes qui auraient rendu ces économies supportables. »

« Près de 30 % des hôpitaux et cliniques privés sont en déficit, s’inquiète Lamine Gharbi. En 2017, plus de 150 établissements de santé privés en difficulté ont fait des demandes d’aide financière aux Agences régionales de Santé. Presque aucune aide n’a été débloquée. »

Si la ministre semble très présente et à l’écoute, elle avance peu de mesures concrètes et chiffrées. Or les hospitaliers attendent une réaction rapide : « Public comme privé, nous redoutons une nouvelle baisse des tarifs hospitaliers le 1er mars prochain, reprend le président de la FHP. Nous avons alerté la ministre, nous avons besoin a minima d’une année de stabilité tarifaire. »

Ras-le-bol bruyant

Difficile donc d’imaginer que l’apaisement ne passera pas par des engagements financiers. Car l’heure est grave. Le ras-le-bol des hospitaliers se fait bruyant depuis quelques mois. D’abord sur les réseaux sociaux, où médecins, infirmiers, cadres de santé ont popularisé le mot dièse #balancetonhosto et dévoilé nombre d’anecdotes témoignant d’une profession à bout de souffle. Une grogne visible également avec less grèves dans certaines structures, notamment dans les Ehpad et via des tribunes dans la presse.

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Mi-janvier, mille médecins lançaient un cri d’alarme dans Libération dénonçant le « faire toujours plus avec toujours moins ». Une crise qui risque encore de s’accroître avec la « nouvelle cure de rigueur budgétaire » imposée aux hôpitaux. Concrètement, les hôpitaux vont devoir réaliser 1,6 milliard d’euros d’économies en 2018.

Un appel à des états généraux de la santé

Cet appel à l’aide prend un nouvel écho cette semaine avec une nouvelle tribune citoyenne dans Libération. Plusieurs centaines de citoyens appellent de leurs vœux des états généraux de la santé. « On a l’impression que depuis des années des réformes ont été appliquées en déconnexion avec la réalité, ce qui a conduit à des situations folles et un système qui part à la dérive », justifie Fabienne Orsi, économiste de la santé à l’initiative de la tribune avec la juriste Alima El Bajnouni. Ce n’est pas une colère qu’on exprime, mais on demande un débat public et démocratique. Car il faut des mesures d’urgence, des moyens supplémentaires mais aussi que les citoyens se réapproprient ce débat de fond. »

Et le gouvernement aurait beaucoup à perdre si le dialogue était rompu. Car les Français sont très attachés à leur système de santé. « Tous les sondages montrent que l’hôpital est l’institution la plus plébiscitée par les Français, qui savent que c’est le seul service public ouvert tous les jours quelle que soit votre maladie ou la couleur de votre carte bancaire », sourit le président de la FHF. « Le gouvernement ne peut pas faire croire qu’il veut sauver l’hôpital alors que l’inverse qui se passe », conclut Fabienne Orsi.