VIDEO. Comment fonctionne la congélation d’ovocytes?

VIDEO. Congélation d’ovocytes: «Depuis que je l'ai fait, je me sens libre»

DEBATLes états généraux de la Bioéthique ont, en janvier dernier, abordé notamment la possibilité d’autoriser la congélation d’ovocytes en France pour toutes les femmes…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Aujourd’hui, la France restreint l’accès à la congélation d’ovocytes à des raisons médicales. Mais certains souhaitent que cette technique puisse être accessible à toutes.
  • Un débat qui devrait occuper les état généraux de la bioéthique, lancés jeudi 18 janvier.
  • De plus en plus de Françaises vont en Espagne pour faire congeler leurs ovocytes, qui pourront servir pour une future FIV avec un partenaire ou sans.

[Edit: Ce papier est paru en janvier 2018, nous l'éditons ce mardi 25 septembre à la suite de l'avis du Comité consultatif national d'éthique, qui s'est finalement dit favorable à une autorisation de la congélation d'ovocytes en France après un refus dans un avis de juin 2017.]

Sarah* a reçu une carte qui l’a émue aux larmes il y a quinze jours. C’est une petite photo, celle de ses dix ovocytes congelés, accompagnée d’un slogan : « Maintenant, vous pouvez prendre votre temps ». « Cela résume mon histoire et ça parlera à d’autres femmes », avance cette Française de 38 ans.

Une technique très restreinte en France

Il y a un an, elle a pris la décision d’aller congeler ses ovocytes à Barcelone, dans la très réputée clinique Eugin. Congelés, les ovocytes ne vieillissent plus. Mais en France, mettre ses œufs au frais pour faire un bébé plus tard n’est pas à la portée de toutes : seules les femmes qui ont fait une FIV, qui ont donné des ovocytes ou qui ont une maladie grave qui affecte leur fertilité (cancer, endométriose sévère…) peuvent y avoir accès.

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En 2018, avec la révision de la loi de Bioéthique, le débat portera notamment sur la question d’autoriser ou non la congélation d’ovocytes sans condition. Car à partir de 35 ans, les chances de tomber enceinte de façon naturelle chutent. Parfois, l’absence de partenaire, une carrière prenante, une insécurité financière décalent le projet d’enfants. « Mais quand c’est trop tard, on ne sait pas rajeunir un ovocyte », tranche Fleur Poisot, gynécologue française de Time Freeze, département spécialisé dans la congélation d’ovocytes à la clinique Eugin.

Le tic-tac de l’horloge biologique

Sarah, comme des centaines de Françaises angoissées par le tic-tac de l’horloge biologique, n’a pas de temps à perdre. Elle n’a donc pas attendu que la France change sa loi et a choisi de passer la frontière. La décision est prise en janvier dernier, après une rupture amoureuse. « J’étais totalement obsédée par la peur de ne pas pouvoir avoir d’enfant », confie-t-elle. Sur les conseils d’une amie, elle se renseigne donc sur cette clinique barcelonaise.

Puis se lance dans la batterie de tests. En mai, direction Barcelone pour découvrir la clinique et son équipe francophone. « Heureusement, mon gynécologue français a accepté de me suivre, je me suis sentie soutenue. Et j’ai pu faire tous les tests en France. »

Comment ça fonctionne ?

Si geler du sperme est possible depuis des décennies, congeler des ovocytes est une technique plus récente. « L’ovocyte est très fragile et gorgé d’eau, pendant longtemps quand on le congelait, il éclatait », souligne Fleur Poisot. Mais depuis le début des années 2000, on utilise une vitrification : on baisse en quelques secondes la température pour les vitrifier dans de l’azote liquide à -196 degrés.

Avec plusieurs étapes. D’abord, la stimulation des ovaires : la patiente se fait des piqûres d’hormones pendant une dizaine de jours avec prise de sang et échographie. « Pour essayer d’avoir plusieurs follicules, idéalement une dizaine, plutôt qu’un seul par mois », reprend la spécialiste de la fertilité. « Quand ils estiment que les follicules sont de bonne taille, on s’injecte un produit qui bloque le processus et il faut être à la clinique 36 heures après pour faire la ponction », complète Sarah, qui l’a effectuée en décembre dernier.

« Au bloc opératoire, pendant une courte anesthésie générale, on passe une sonde par le vagin pour accéder aux ovaires, et on prélève les ovocytes », souligne Fleur Poisot.

Les ovocytes vitrifiés, un à trois par tube, prennent la forme de paillettes et seront conservées pendant quatre ans dans cette clinique en Espagne.
Les ovocytes vitrifiés, un à trois par tube, prennent la forme de paillettes et seront conservées pendant quatre ans dans cette clinique en Espagne.  - Clinique Eugin

Un soulagement onéreux

Sarah a dû débourser 2.350 euros pour suivre le protocole. En sachant que ses œufs seront gardés au frais pendant quatre ans. Pour prolonger, il faut ajouter 250 euros par an. « Moi je vis dans le sud de la France, donc ce n’était pas très compliqué de faire des allers-retours à Barcelone, mais j’imagine que pour les Bretonnes, c’est encore plus lourd financièrement », ajoute-t-elle.

« « Cela enlève une épée de Damoclès » »

Mais pour elle, la décision coulait de source. « Depuis que je l’ai fait, je me sens libre, légère. Je peux appréhender une rencontre comme si j’avais à nouveau 30 ans, sans me dire qu’il faut absolument que ça soit le bon pour avoir un enfant. »

Coralie, la responsable du département Time Freeze, est devenue la patiente de ses collègues il y a deux ans : « Cela enlève une épée de Damoclès. Beaucoup de femmes se retrouvent devant un choix compliqué : est-ce que je fais un enfant seule ou est-ce que je fais une croix sur mon projet parental ? »

65 % des patientes de cette clinique sont françaises

Une solution récente qui séduit de plus en plus. Dans cette clinique de Barcelone, où l’afflux de patientes s’accélère depuis 2015, 65 % des patientes venues vitrifier leurs ovocytes sont françaises. Et si leur profil se révèle homogène (célibataire, trentenaire, francilienne), il a évolué. « En 2011, quand on a ouvert Time Freeze, on voyait surtout des femmes autour de 40 ans qui travaillaient dans le secteur de la santé et de la communication, reprend Coralie. Aujourd’hui, les métiers sont plus divers et les patientes plus jeunes, avec une moyenne d’âge de 37 ans. »

Ovules prélevés sur une patiente au bloc opératoire en 2010 à Paris
Ovules prélevés sur une patiente au bloc opératoire en 2010 à Paris - MELANIE FREY/JDD/SIPA

Comme 77 % des patientes qui font ce choix dans l’attente du bon partenaire, Sarah souhaite que ses ovocytes restent au frais. « J’espère avoir un enfant de manière naturelle. Mais si je ne rencontre pas quelqu’un, je me suis donné une limite, vers 42 ans, pour faire un enfant seule ».

De l’espoir mais pas d’assurance

Si cette technique récente est porteuse d’espoir, elle interroge. D’autant que les grossesses tardives comportent plus de risques pour la mère comme l’enfant. « Il ne faut pas être dans l’illusion qu’on peut faire un enfant à n’importe quel âge, nuance Fleur Poisot. Si on ne prend que ce critère, les femmes ont une chance de grossesse de 60 % si elles font cette ponction à moins de 34 ans, 54 % entre 35 et 37 ans, 41 % entre 38 et 40 ans et nettement moins après 40 ans, selon les chiffres de la clinique Eugin. » L’établissement limite par ailleurs aux femmes de moins 50 ans cette possibilité de se faire réimplanter des ovocytes vitrifiés.

Un message entendu cinq sur cinq par Sarah. « Pour moi, c’est une option, pas une sécurité. Si ça ne marche pas, je n’aurais aucun regret, j’ai mis toutes les chances de mon côté. »

* Le prénom a été changé.