Quatre questions pour comprendre la «pénurie» de gynécologues qui touche la France
SANTE•Il est devenu de plus en plus dur pour les femmes de trouver un gynécologue médical. Le nombre baisse constamment depuis plusieurs années…Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Le nombre de gynécologue médicaux a diminué de 41,6 % depuis 2007.
- Il n’y en a plus que 3,1 pour 100.000 femmes.
Les gynécologues médicaux viennent à manquer en France. SelonLe Monde qui publie ce mercredi une enquête sur la profession de « plus en plus de femmes » doivent faire face à un véritable « parcours du combattant » afin d’obtenir une consultation chez l’un de ces spécialistes. Comment en est-on arrivé là ? 20 Minutes fait le point en quatre questions.
Y a-t-il vraiment une pénurie de gynécologues en France ?
Il faut savoir qu’il existe deux grandes spécialités composant la gynécologie. Il y a d’une part les gynécologues obstétriciens, qui s’occupent des accouchements et des actes chirurgicaux. Et d’autre part les gynécologues médicaux, qui suivent les femmes tout au long de leur vie, réalisent les dépistages des cancers ou de maladies sexuellement transmissibles, conseillent leurs patientes sur leur contraception, s’intéressent aux problèmes de stérilité… Ce sont ces derniers qui commencent à manquer.
Selon les chiffres du conseil national de l'Ordre des Médecins, au 1er janvier 2017 seuls 1.136 gynécologues médicaux étaient recensés en France. Une majorité d’entre eux avait plus de 60 ans et approchait de l’âge de la retraite. Or, entre 2007 et 2017, leur nombre avait déjà diminué de 41,6 %. « Cela représente 3,1 gynécologues médicales pour 100.000 femmes », s’inquiète Noëlle Mennecier, coprésidente du Comité de défense de la gynécologie médicale (CDGM), contactée par 20 Minutes. Dans six départements, ajoute-t-elle, il n’y en a aucun.
Comment expliquer cette baisse ?
Entre 130 et 140 spécialistes obtenaient leur diplôme chaque année avant 1987. Or cette année là il a été décidé de ne plus former de gynécologues médicaux. Pourquoi ? « Les formations dispensées dans les pays membres de l’Union européenne, dont fait partie la France, ont été harmonisées. Or, la gynécologie médicale n’existait que dans notre pays », explique à 20 Minutes Bertrand de Rochambeau, président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. « On avait pourtant réussi à créer sur l’ensemble du territoire tout un maillage de gynécologues de ville, qui permettait aux patientes d’avoir un spécialiste compétent dans les pathologies de la femme, proches de leur domicile… »
Seize ans plus tard, en 2003, à la suite de la mobilisation du CDGM, des gynécologues médicaux sont de nouveau formés, à hauteur d’abord d’une vingtaine de postes par an, puis d’une soixantaine. « Pendant ce temps, ceux qui avaient été formés dans les années précédentes commençaient à partir à la retraite. Et ce mouvement s’est accéléré », souffle Noëlle Mennecier. « Aujourd’hui, on se bat pour l’ouverture de poste en gynécologie médicale. Ils ont été en augmentation constante jusqu’à cette année. Le nouveau gouvernement n’a mis que 64 postes contre 70 l’année dernière. »
Quelles sont les conséquences ?
« De plus en plus de femmes n’ont plus accès à la consultation en gynécologie médicale. Or le suivi est extrêmement important », remarque la coprésidente du CDGM. « Elles doivent aller de plus en plus loin pour en trouver un. Et il faut prendre des rendez-vous de plus en plus en avance. Certaines femmes en prennent pour l’année suivante dès qu’elles sortent de leur consultation. »
Conséquence : « Lorsqu’une pathologie apparaît, elle n’est pas anticipée. Or, trouver un médecin spécialiste qui sera capable de la prendre en charge relève du parcours du combattant. Par défaut, elle ira peut-être voir son médecin traitant, qui n’a pas forcément été formé à la gynécologie, et qui finira par adresser sa patiente à un spécialiste compétent », ajoute Bertrand de Rochambeau. Noëlle Mennecier s’inquiète également du suivi des jeunes femmes. « Les gynécologues ne peuvent plus prendre de jeunes patientes. Et on voit qu’en ce moment, il y a une augmentation des infections sexuellement transmissibles. »
Comment endiguer cette pénurie ?
Noëlle Mennecier estime qu’il est temps, pour les pouvoirs publics, de prendre « des mesures exceptionnelles pour rattraper le retard ». « Il faudrait en former plus », explique Bertrand de Rochambeau. « Il faudrait ouvrir des postes à l’internat. Mais pour cela, il faut des terrains de stages supplémentaires, notamment dans les établissements hospitaliers privés, poursuit le président du syndicat. Mais l’université française rechigne à former ces spécialistes ailleurs que dans ses murs. Alors que c’est possible dans d’autres domaines, comme celui de la chirurgie de la main. »