Dépression, troubles de l'érection... Faut-il avoir peur du Propecia, remède contre la calvitie?
MEDICAMENT•L'ANSM alerte médecins et patients sur des effets secondaires de ce médicament anti-calvitie qui pourrait provoquer impuissance et dépression chez certains hommes...Oihana Gabriel
L'essentiel
- Le gendarme français du médicament alerte médecins comme patients sur les effets indésirables du Propecia, le seul médicament efficace contre la chute de cheveux.
- Si les effets sur la libido sont déjà connus, des cas de dépression ont été rapportés chez des patients qui suivent ce traitement de confort.
- La surveillance des effets secondaires de ce médicament au niveau européen, qui devait passer à une fois tous les trois ans, reste un suivi annuel vient-on d'apprendre.
«Le problème, comme souvent avec la médecine, c’est que j’ai l’impression d’avoir servi de cobaye », tranche Mario, un internaute en colère contre les effets délétères du Propecia, un remède anti-calvitie qui soulève bien des craintes. Alors qu’une action de groupe contre ce médicament a été lancée contre le Propecia aux Etats-Unis en 2012, une association française réfléchit également à attaquer son fabricant le laboratoire Merck, selon Le Parisien.
Mais surtout, le gendarme du médicament français vient d’alerter médecins comme patients sur les effets de ce médicament qui peut provoquer des troubles de la sexualité, mais aussi des problèmes psychiatriques.
Dépression et problèmes sexuels
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet publié le 26 octobre une alerte : « des cas de dépression et plus rarement d’idées suicidaires ont été observés chez des hommes traités pour la chute de cheveux par finastéride 1 mg », la molécule du Propecia. Une mise en garde communiquée aux médecins, lors d’une réunion avec le Collège national des médecins généralistes mercredi dernier.
Mais ce n’est pas la première fois que ce remède miracle contre la calvitie est dans le viseur des autorités sanitaires. « Des troubles de l’érection, de l’éjaculation et une baisse de la libido ont été observés dès les essais cliniques, précise Caroline Semaille, directrice des médicaments anti-infectieux à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Il y a également eu quelques cas d’hommes sous Propecia qui ont développé un cancer du sein. Une étude dans les pays scandinaves, dont les résultats sont prévus pour 2019, s’intéresse à cet éventuel lien. »
Vincent*, qui prend du finastéride depuis dix-huit ans remarque « effectivement, légère baisse de la libido. C’est un effet qui était indiqué dès le début sur la notice dans les effets secondaires potentiels. Peut-être une légère augmentation du volume mammaire : c’est un effet secondaire parfois cité. Mais pas de problème psychologique ou dépressif. Au contraire, bon moral suite à l’arrêt de la chute des cheveux ! »
Quelles précautions prendre ?
Première information capitale : aucune femme ne doit prendre ce médicament inefficace pour elles et dangereux en cas de grossesse. Pour les hommes, la notice, modifiée en juin 2017, précise bien qu’en cas d’un « quelconque effet indésirable, parlez-en à votre médecin ou à votre pharmacien ». Et nouveauté donc, « si ces patients présentent des troubles de l’humeur, il faut arrêter le Propecia et consulter un médecin, martèle Caroline Semaille. Il n’y a aucun risque à arrêter de soi-même ce traitement, puisqu’il a une visée esthétique. »
Un argument qu’un de nos internautes résume avec humour : « Pour tous ceux qui prennent ce traitement malgré les signaux d’alarmes dans la presse médicale et surtout de leur propre corps, il faut faire un choix avoir des cheveux ou une érection. Je sais quelle est l’option que les femmes choisissent en général ! »
Autre source d’inquiétude : la fertilité. Un internaute, qui a arrêté au bout d’un mois après des douleurs aux testicules s’inquiète : « j’espère que je n’aurai pas de problème pour avoir des enfants ». La notice n’est pas très rassurante : « il n’y a pas eu d’études cliniques au long cours menées sur l’effet du finastéride sur la fertilité chez l’homme ». « Comme cette molécule a une action sur le métabolisme de la testostérone, il y a toujours eu une mise en garde concernant la fertilité, explique Caroline Semaille. Les hommes qui voulaient avoir des enfants n’ont pas été inclus dans les essais cliniques, mais sur les modèles animaux, rien n’a été observé de problématique. »
Combien d’hommes sont concernés par ces effets ?
Mais la question centrale, comme souvent, concerne la fréquence de ces effets secondaires de ce médicament pris par environ 30.000 hommes en France. Selon l’ANSM, vingt cas de troubles de la sphère psychique, dix cas de baisse de libido et vingt cas d’atteinte aux organes génitaux ont été notifiés en vingt ans en France.
« Mais on sait que les effets indésirables sont généralement sous-notifiés et ce phénomène est probablement plus marqué pour ce type de trouble, nuance la médecin de l’ANSM. D’où l’importance de déclarer des effets secondaires pour recueillir un maximum de données objectives sur ce médicament. On se penche sur l’ensemble des déclarations au niveau mondial. »
Des effets irréversibles ?
Si le laboratoire assure que ces effets secondaires sont transitoires, l’association qui compte l’attaquer évoque en revanche une impuissance irréversible.
Pour Vincent, la baisse de libido n’a été que passagère : « Cet effet a été réversible lorsque j’ai brièvement arrêté le traitement à une époque. Et il est absent depuis que je suis à deux cachets par semaine. »
En revanche, Mario se plaint de conséquences à long terme. « Après arrêt du traitement, pendant les six premiers mois, la situation s’est progressivement améliorée, j’ai retrouvé une vie sexuelle, mais qui reste très dégradée par rapport à l’avant traitement. Mon médecin m’avait annoncé que les potentiels effets secondaires seraient totalement réversibles dès l’arrêt du traitement, ce qui s’est révélé faux me concernant. »
Combien de temps ces effets peuvent durer ? « Très difficile à dire, répond la médecin de l’ANSM. D’une part, parce que ces effets secondaires sont rares. D’autre part, les troubles de la fonction sexuelle peuvent être liés à beaucoup de facteurs. Enfin, quand vous avez un problème d’hyperglycémie, on fait une prise de sang. Quand on parle de problèmes sexuels, c’est bien plus compliqué à objectiver. ».
Mieux informer les patients
« Il me semble qu’avant de prescrire ce médicament, il faudrait informer plus objectivement sur les risques », s’agace Mario. C’est chose faite, assure l’ANSM.
Autre son de cloche : certains hommes se disent très satisfaits de ce traitement efficace… et s’inquiètent. « Ces rares personnes vont réussir à faire interdire la vente de ce produit qui, à ma connaissance, satisfait une large majorité d’hommes, nuance Kevin. Je ne sais pas ce que je ferais sans ce produit, tous les hommes de ma famille sont chauves… »
Un éventuel retrait du marché qui n’est pas à l’ordre du jour. « En 2017, au regard des données dont on dispose, le bénéfice/risque reste favorable, tranche Caroline Semaille. Les effets indésirables sont rares et il n’y a pas de lien établi entre cette molécule et des troubles psychiatriques, mais des suspicions. »
* Certains prénoms ont été modifiés.