Retour de l'ancienne formule du Levothyrox en pharmacie: «C'est le chaos» dans les officines
SANTE•L'ancienne formule du médicament pour la thyroïde est de retour dans les pharmacies ce lundi, mais en pratique, c'est plus compliqué...Anissa Boumediene
«Je ne sais même pas si on va en voir la couleur ! ». Dans sa pharmacie d’un joli quartier parisien, Jacques* attend fébrilement sa livraison prochaine de Levothyrox. C’est ce lundi que l’ancienne formule du médicament pour la thyroïde fait son grand retour en pharmacies, après les nombreuses plaintes provoquées par les effets indésirables de sa nouvelle formule.
Importée d’Allemagne, l’ancienne formule est donc disponible depuis ce lundi sous le nom d’Euthyrox, mais seulement pour quelques jours. Fabriqué par le laboratoire Merck, comme le Levothyrox, l’Euthyrox sera disponible « pour une durée et des quantités limitées », a souligné l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Problème : trois millions de Français suivent un traitement pour leur thyroïde et une proportion non négligeable d’entre eux souhaite repasser sous l’ancienne formule du médicament. Le nombre très limité de boîtes disponibles présage d’une inéluctable pénurie. Dans les officines parisiennes, où 20 Minutes est allé prendre la température, les pharmaciens sont déjà au bord de la crise de nerfs.
« C’est le chaos ! »
La note est parvenue aux pharmaciens samedi dernier, soit deux jours avant le retour annoncé de l’ancienne formule du Levothyrox en officines.
« On a passé la commande auprès du grossiste dans la foulée, le jour même, raconte Jacques. Regardez le bon de commande, c’est une vaste blague, il n’y a plus rien ! Je n’ai pas encore été livré et je ne sais pas si je vais l’être, ni dans quelle quantité ».
Pourtant, les patients, eux, sont au taquet. « Ce matin, il y avait deux patientes qui faisaient le pied de grue à 7h45 devant la pharmacie, pour être sûrs d’en avoir », poursuit-il. Inutile de dire qu’elles ont fait chou blanc.
A quelques rues de là, dans une autre officine de la capitale, « c’est le chaos », résume Eléanora*, pharmacienne. « On a reçu samedi l’instruction de passer commande au grossiste ce lundi matin à partir de 10 heures, mais on ne sait même pas si on va être livré ! Et si on l’est, ce ne sera que de quelques boîtes ».
Trouver des pièces d’or au pied d’un arc-en-ciel sera peut-être plus facile que de se procurer le précieux médicament. En pratique : 130.000 boîtes de 100 comprimés en 8 dosages différents vont être dispatchées entre les 22.000 pharmacies de France. « Faites le calcul ! Le gouvernement a raclé les fonds de tiroir de nos voisins européens, déshabillé Paul pour habiller Pierre et a péniblement rassemblé quelques dizaines de milliers de boîtes de l’ancienne formule, à redistribuer dans 22.000 officines, déplore Jacques. Ça fait 5 boîtes par pharmacie, alors que ça concerne 3 millions de patients, c’est du grand n’importe quoi ! Rien que chez moi, j’ai 200 patients avec une ordonnance en bonne et due forme qui sont sur les dents et qui nous ont demandé de leur en mettre de côté. Je fais comment pour choisir qui en recevra ou non ? »
« Premier arrivé, premier servi »
La réponse est simple. « Ce sera premier arrivé, premier servi !, tranche le pharmacien. Pas envie de me lancer dans une petite loterie « à la tête du client » ». Et au vu des quantités disponibles, il y aura forcément des déçus. « C’est l’enfer, les patients viennent nous voir pour se plaindre, mais on est impuissant, on ne peut rien pour eux, renchérit Sabine*, la collègue de Jacques. On discute avec eux pendant 45 minutes, pendant que la file d’attente s’allonge derrière, s’agace-t-elle. Mais bon, entre pharmaciens, on essaie de garder le sourire sur cette galère », explique-t-elle en dévoilant un texto échangé avec ses consœurs d’autres officines.
Dans la pharmacie où travaille Eléanora, « ce sont les premières qui sont passées pour nous demander de leur mettre les médicaments de côté qui seront privilégiées ». Mais la jeune femme ne sait pas comment la distribution va se passer. Quelques heures plus tard, « on a reçu seulement trois boîtes, de trois dosages différents, et je ne crois pas en recevoir d’autres », confie la pharmacienne.
Pour les patients qui ne supportent pas la nouvelle formule du Levothyrox, il va falloir s’armer de patience. « Il est vrai que nous avons des patients qui souffrent réellement d’effets indésirables liés au nouveau médicament, observe Sabine. Mais pour une majorité, la nouvelle formule fonctionne très bien, insiste-t-elle. Or, depuis qu’il y a eu tout ce tintamarre, tout le monde veut l’ancienne formule. Mais l’ancien Levothyrox n’a pas vocation à être durablement réintroduit sur le marché ».
Bientôt du nouveau en pharmacies
La nouvelle formule du Levothyrox avait été réclamée en 2012 par l’ANSM au laboratoire Merck (qui produit le médicament) afin, selon elle, de rendre le produit plus stable. Un changement de formule portant non pas sur le principe actif mais sur d’autres substances, les excipients. Face à la colère de patients signalant des effets secondaires, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait annoncé le 15 septembre le retour en pharmacie sous quinze jours de l’ancienne formule du Levothyrox, en solution « de dernier recours ».
Mais il devrait y avoir du nouveau très bientôt dans les pharmacies. La ministre de la Santé a également indiqué l’arrivée de médicaments alternatifs sous un mois. Et selon l’ANSM, un autre médicament, le L-Thyroxin Henning (laboratoire Sanofi), sera disponible à partir de mi-octobre.
* Les prénoms ont été changés