Les parents d’élèves de plusieurs villes de France en guerre contre le plastique à la cantine
ENVIRONNEMENT•Des collectifs se sont créés dans plusieurs villes comme Bordeaux, Strasbourg et Montpellier pour demander le retrait des restaurations scolaires de barquettes ou vaisselle en plastique, matériau dont l’innocuité n’est pas reconnue…Elsa Provenzano
L'essentiel
- Plusieurs collectifs de parents demandent le retrait du plastique dans la restauration scolaire.
- A Bordeaux, le maire annonce le retrait de la vaisselle plastique sous la pression d'un collectif et les agents municipaux rétorquent avec un préavis de grève pour ce lundi.
Au nom de la santé de leurs enfants, des parents d’élèves se mobilisent pour que la matière plastique sorte des cantines scolaires. Les collectifs de Strasbourg, de Montpellier et de Montrouge demandent le retrait des barquettes en plastique utilisées pour réchauffer les plats, ce qui est acté pour la ville de Strasbourg. A Bordeaux, la polémique est vive car en plus des barquettes, la ville a équipé ses cantines de vaisselle en copolyester, forme de plastique dont la durée de vie estimée à 500 lavages (soit environ 2 ans).
D’où est partie cette mobilisation contre le plastique à la cantine ?
C’est le collectif de parents d’élèves de Strasbourg qui a commencé à se mobiliser, en lançant à l’automne 2016 une pétition pour le retrait des barquettes en plastique utilisées pour réchauffer les aliments des écoliers. Deux arguments sont avancés : la protection des enfants vis-à-vis des perturbateurs endocriniens et la limitation du nombre de déchets. Le collectif a obtenu gain de cause cet été et le retrait progressif des barquettes en plastique pour d’autres en inox, un matériau reconnu inerte, a commencé en cette rentrée 2017.
Pourquoi le plastique inquiète les parents d’élèves ?
Le plastique peut contenir des perturbateurs endocriniens de la famille des bisphénols. L’étude réalisée sur la vaisselle en plastique bordelaise, a par exemple révélé la présence de bisphénol A, dans les limites des normes européennes, alors que le bisphénol A est interdit en France. « Un perturbateur endocrinien potentiel est une substance (…) possédant des propriétés susceptibles d’induire une perturbation endocrinienne dans un organisme intact, chez ses descendants ou au sein de (sous)– populations », selon la définition de l’organisation mondiale de la santé.
La dangerosité du bisphénol A se révèle particulièrement lorsque le plastique est chauffé, d’où l’accent mis par les parents sur le retrait des barquettes de cuisson en plastique. Les perturbateurs endocriniens sont mis en cause pour certains cancers, problèmes de fertilité, diabète et problèmes hormonaux.
En quoi la situation à Bordeaux est-elle particulière ?
C’est la seule ville de moyenne ou grande taille dans laquelle, en plus des barquettes, la vaisselle est aussi en plastique depuis le 1er janvier 2017 dans toutes les écoles. Le collectif Cantine Sans plastique n’a pas eu les mêmes interprétations des études que la municipalité. Alors que cette dernière y a vu une confirmation de la non-dangerosité du copolyester, le collectif a pointé plusieurs points inquiétants dont la présence de bisphénol A et l’absence d’étude bactériologique.
Lors de sa conférence de rentrée, Alain Juppé, le maire de Bordeaux, a estimé que « sur ce sujet, on est plus dans le domaine du fantasme qu’autre chose » mais a néanmoins annoncé le retrait de la vaisselle en plastique à partir du 1er janvier 2018. Dans les heures qui ont suivi le syndicat CGT des employés municipaux de Bordeaux a annoncé une grève à partir de ce lundi pour protester contre cette décision.
Pourquoi les agents municipaux ne veulent pas le retrait de la vaisselle en plastique ?
« Il y avait une baisse du taux de troubles musculosquelettiques et une baisse de l’absentéisme après la mise en service de la vaisselle en copolyester, assure Patrick Alvarez, secrétaire général CGT des Municipaux de Bordeaux. C’est un recul profond, on demande le maintien du copolyester ». Quasiment la totalité des élèves bordelais sont accueillis à la cantine et la charge de travail s’est accrue pour le personnel. La vaisselle classique serait beaucoup trop lourde selon lui : « Les agents portent jusqu’à 900 kg sur un service », pointe-t-il.
Le collectif veut croire à une alternative, excluant le retour à la faïence (une assiette pèse presque 400 grammes) et proposant plutôt des assiettes en verre trempé, qui pèsent au maximum 280 grammes contre 220 grammes pour le copolyester. « Et celles en verre trempé sont moins chères (2,50 euros) que celles en copolyester (4,50 euros), qui sont mauvaises pour la santé des enfants », fait valoir Anne, une membre du collectif de parents d’élèves bordelais. Elle pointe aussi la nécessité de repenser l’organisation du travail au sein des restaurations scolaires, dans le souci du confort et de la santé des agents.
Pourquoi la polémique ne va-t-elle pas s’arrêter là ?
Une association va être créée prochainement réunissant les différents collectifs de parents d’élèves. Au-delà des cantines scolaires, le plastique règne sur beaucoup d’autres structures (crèches, collèges, lycées etc.) accueillant de jeunes publics et la mobilisation des parents d'élèves ne devrait donc pas s'arrêter là.