Lariam: Quels sont les dangers réels de cet antipaludique, qui a affecté Stromae?
ENQUETE•Le Lariam soulève des inquiétudes après que Stromae a expliqué à «Marianne» qu’il souffrait encore de crises d’angoisse à cause de ce traitement antipaludique…
Oihana Gabriel
L'essentiel
- Les effets indésirables du Lariam, ce traitement antipaludique, sont connus depuis des années.
- Mais la semaine dernière, ce médicament a refait parler de lui car le chanteur Stromaé a témoigné de crises d’angoisse des mois après le traitement.
- Que doivent faire les voyageurs ? Faut-il s’inquiéter ? Ou interdire ce médicament connu pour ses effets indésirables qui peuvent aller jusqu’au suicide ? «20 Minutes» tente de faire le tour des questions sur cette nouvelle polémique.
A 12 ans, Grégoire a fait la rencontre du Lariam. Un médicament antipaludique qui lui laissera des traces. C’était en 1992, pour un voyage au Kenya. « J’ai eu des malaises, des crises d’angoisse, des hallucinations, raconte Grégoire, 37 ans. Tout le monde mettait ça sur le dos de la puberté et l’adolescence. »
Des effets secondaires reconnus depuis longtemps
Mais depuis, patients et autorités sanitaires ont alerté sur les effets secondaires particulièrement dangereux du Lariam. Dernière victime en date, une célébrité, Stromae qui a dû annuler sa tournée en Afrique et été rapatrié d’urgence
« On reçoit des informations sur ces effets indésirables depuis quinze ans, mais le témoignage de Stromae a déclenché un certain intérêt pour le sujet, analyse Georges Alexandre Imbert, Président del’Association d’Aide Aux Victimes des Accidents des Médicaments (AAVAM).
La notice précise ainsi les effets « très fréquents » : rêves anormaux, cauchemars, insomnie et « fréquents » : dépression, anxiété, vertiges, maux de tête. « Et cela peut aller jusqu’à des tendances suicidaires et même au passage à l’acte, ajoute Catherine Goujon, médecin référent pour les vaccinations et les conseils aux voyageurs au centre médical de l’Institut Pasteur. Ce n’est pas du tout anodin. »
« Dans les années 1990, c’était le médicament le plus largement donné pour la prévention du paludisme. Mais depuis, il est beaucoup moins prescrit parce que d’autres médicaments sont disponibles qu’on sait qu’il n’est pas très bien toléré. » rappelle Caroline Semaille, directrice des médicaments anti-infectieux et des vaccins à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Mais depuis, il est beaucoup moins prescrit parce que d’autres médicaments sont disponibles. »
Au point qu’en 2014, l’information sur le Lariam est renforcée. Depuis, le médecin reçoit chaque année une brochure spécifique sur le Lariam avant l’été. Le patient peut lire sur la notice les risques neuropsychiatriques. Plus rare, une « carte patient » l’alerte dans chaque boîte du médicament : « S’il présente des troubles, il faut qu’il arrête immédiatement, mais qu’il prévienne son médecin pour prendre un autre antipaludique », assure la médecin de l’ANSM.
Combien de patients touchés ?
Pour le moment, l’association a reçu une dizaine de témoignages graves. Si l’idée d’une une action de groupe fait son chemin, l’AAVAM attend d’avoir davantage de dossiers.
aSelon l’ANSM, ces cas seraient rares. « On a reçu quelques dizaines de notifications en pharmacovigilance en France sur ce traitement sur les quatre dernières années, assure Caroline Semaille, de l’ANSM. Et il n’y a pas eu d’augmentation de ces déclarations ces derniers jours. »
Une rareté qui ne convainc pas Grégoire. « J’ai l’impression que la France a dix ans de retard sur le Lariam par rapport aux Etats-Unis. Ils minimisent la fréquence : il y aurait 1 cas sur 10.000 selon l’OMS alors que certaines thèses parlent d’1 cas sur 3.000. »
Pourquoi prendre du Lariam ?
« Il faut rappeler que l’objectif est de protéger contre le paludisme, une maladie grave, potentiellement mortelle, tranche Catherine Goujon de l’Institut Pasteur. Et que le parasite responsable de la maladie a développé une résistance à la chloroquine (Nivaquine), qui n’est plus efficace dans la plupart des régions du monde où sévit le paludisme. Il a fallu trouver d’autres produits pour vaincre cette résistance des parasites. Aujourd’hui, dans les zones de résistance, notre arsenal préventif est assez limité : il se limite à trois produits efficaces : la Malarone, la doxycycline (Doxypalu, Doxy Gé, Granudoxy) et le Lariam. »
« On a besoin de maintenir cette alternative, car il n’existe pas beaucoup de traitements pour la prévention du paludisme, renchérit la médecin de l’ANSM. Il y a eu une pénurie de Doxypalu il y a quelques années et des tensions d’approvisionnement en Malarone il y a peu. »
Alors faut-il bouder le Lariam ? « Je prescris très peu de Lariam, car je préfère utiliser les autres médicaments qui sont aussi efficaces et généralement mieux tolérés, reprend le Dr Goujon. Tous les médicaments antipaludiques ont des effets indésirables, mais ils sont plus graves et plus souvent décrits avec le Lariam. En revanche, il présente l’avantage d’une seule prise par semaine. »
Autre détail important pour des médicaments non remboursés : le Lariam coûte moins cher. Pour environ 40 euros, le Lariam pendant dure huit semaines contre douze jours pour la Malarone.
Des effets sur le long terme ?
Encore aujourd’hui, Grégoire souffre de crises de panique. « Mon psychiatre a reconnu il y a un mois qu’il était possible que ces séquelles neuropsychiatriques durables soient liées au Lariam. Mais souvent on vous rétorque que vous avez des prédispositions ou une fragilité. »
« Il est rapporté que des troubles neuropsychiatriques peuvent persister chez quelques patients plusieurs mois, voire plus longtemps. Mais il est difficile compliqué de savoir si ces effets à long terme sont encore imputables au Lariam. »
Conseils aux voyageurs
Que faire ? « Les personnes qui ont des antécédents, de dépression nerveuse ou de convulsions ne doivent pas prendre de Lariam », reprend la médecin.
Ces médicaments préventifs contre le paludisme ne sont délivrés que sur prescription médicale après un interrogatoire. Qui permettra de décider s’il y a besoin d’un traitement et lequel.
D’autant que « le risque de contracter le paludisme est variable selon la destination : en Asie comme en Amérique latine, il peut être très hétérogène à l’intérieur d’un même pays, souligne le Dr Goujon. Il est conseillé aux voyageurs de commencer le traitement trois semaines avant le départ pour tester la tolérance. Si votre humeur change, vous ressentez des envies de pleurer, des problèmes de sommeil, revenez nous voir. »
Et Catherine Goujon de conclure : « pour ceux qui ne prendraient pas ou plus de traitement préventif, à la moindre fièvre survenant pendant le voyage ou dans les trois mois qui suivent le retour, il faut consulter en urgence un médecin car c’est la fièvre est le principal symptôme du paludisme. »