Scolarisation des enfants autistes: «Entre parents, on parle de double peine!»
TEMOIGNAGES•Alors que le gouvernement va augmenter le nombre d’auxiliaires pour les enfants handicapés, de nombreuses familles touchés par l'autisme racontent leur combat sans fin pour obtenir cette aide indispensable…Oihana Gabriel
L'essentiel
- Les familles d’enfants autistes font face à quantité de freins et problèmes pour que leurs enfants puissent suivre une scolarité dans le milieu ordinaire.
- A quelques jours de la rentrée, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, a rassuré les associations : les contrats aidés d’AVS seront sauvegardés et 8.000 postes supplémentaires seront ouverts pour cette rentrée.
- «20 Minutes» a recueilli les témoignages de deux familles aux situations très contrastées, mais qui font le même constat : l’administration leur complique la vie.
«Pour l’instant, les directions prises sur l’autisme par ce nouveau gouvernement sont porteuses d’espoir, confie Jeanne-Marie Roncière. J’espère que ce ne sont pas que des promesses de campagne. » Cette travailleuse sociale se bat depuis des années pour que son fils Max, 10 ans, puisse être scolarisé en milieu ordinaire dans les meilleures conditions.
Demander une AVS à temps plein, un calvaire
C’est à la fin de la petite section que le diagnostic tombe : Max est autiste. Dès la moyenne section, une auxiliaire de vie scolaire (AVS) l’accompagne à l’école… mais 9 heures par semaine. Pour cela,il faut faire une demande auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) qui, après une évaluation de l’enfant, décide si oui ou non il bénéficiera d’un accompagnement et pour combien d’heures. « A chaque fois, il faut constituer un dossier entre 50 et 90 pages et le défendre, explique-t-elle. Je n’ai pas souvenir qu’on ait été d’accord une seule fois avec la MDPH ! » Mais elle ne s’est pas découragée. Après des auditions devant des commissions et même un recours au tribunal administratif, Jeanne-Marie obtient une AVS à temps plein.
Mais c’est un éternel recommencement. Car tous les ans, au mieux tous les deux ans, Jeanne-Marie doit remonter un dossier pour la MDPH pour demander que son fils bénéficie de cette aide à temps complet. « Et il est indispensable que Max soit accompagné chaque jour pour qu’il devienne plus autonome, justifie sa mère. La première année, pour que je puisse continuer à travailler, il a été en hôpital de jour. Et quand il est revenu, il n’allait pas très bien. Il a besoin d’être dans le milieu ordinaire pour apprendre les codes sociaux. C’est important pour mon fils, mais aussi pour les autres enfants, pour qu’ils sortent des clichés sur le handicap. »
« Ce handicap est aussi particulier que méconnu »
Un handicap que Jeanne-Marie connaît bien. Avant d’avoir Max, elle a travaillé comme éducatrice pour enfants autistes. Et regrette les clichés et bêtises qu’elle entend à longueur de journée. « Ce handicap est aussi particulier que méconnu, assure cette mère de deux enfants. Les gens pensent à Rain Man, à des autistes très sévères. Mais mon fils peut apprendre, juste différemment. Il a par exemple su lire tard, mais a le niveau d’un bon collégien en géométrie. Il supporte la collectivité, mais elle l’épuise. Car il est sur stimulé en permanence. Il entend tous les bruits au même volume et à la même fréquence, du stylo du copain à la voix de la maîtresse. Il ne peut donc pas participer à la cantine ou à la garderie. »
Et pour que son fils puisse s’épanouir au mieux, elle demande à chaque fois que l’AVS qui suit Max depuis le CP soit reconduite. Pas gagné. « J’ai formé cette auxiliaire, elle est intégrée dans l’école et surtout Max lui fait confiance, reprend-elle. Mais à chaque demande, on ne sait jamais si c’est bien elle qui le va suivre, c’est très anxiogène, surtout pour Max. A la MDPH, on nous explique qu’il ne faut pas qu’un enfant autiste s’attache à son AVS. Or c’est l’inverse, il a besoin de nouer une relation de confiance pour faire des progrès ! »
Beaucoup de parents regrettent que l'avis d'un pédopsychiatre qui observe leur enfant une heure par mois ait plus de poids que leur expertise. Un feu vert encore attendu par beaucoup de familles. « Beaucoup de parents ne savent pas à quelques jours de la rentrée s’ils vont obtenir une AVS et à qui ils vont confier leur enfant», avance la travailleuse sociale.
Trois ans sans scolarisation
C’est le cas de Mourad Messaoudi, qui demande depuis trois ans une AVS… sans succès. Son fils, Salas, 9 ans, a dû arrêter l’école à 6 ans. « Et depuis, on voit son état se détériorer, regrette Mourad. Les comportements inadaptés se renforcent. » Mais pour cette rentrée, Mourad et sa femme espèrent que leur fils va pouvoir reprendre le chemin de l’école.
« On a eu une réponse de principe pour que Salas puisse être scolarisé une journée par semaine en milieu ordinaire. Puis un spécialiste est venu l’évaluer en juin. On attend toujours sa réponse… Cela fait trois ans qu’on nous fait espérer pour rien ! » A la veille de la rentrée, le couple ne sait donc toujours pas comment s'organiser. « Septembre, c’est toujours un calvaire pour nous deux, explique Mourad. Et on est loin d’être une minorité ! ».
« Entre parents d’enfants autistes, on parle de double peine ! renchérit Jeanne-Marie. C’est un handicap difficile à faire diagnostiquer, compliqué à vivre au quotidien, mais ce qui me fout en l’air, c’est l’administratif. Et je sais que je suis une privilégiée ! Pour mener ce combat, il faut les ressources psychologiques, le soutien de la famille et les connaissances nécessaires. » Mais les difficultés sont parfois compensées par de belles rencontres. En plus d’une AVS de compétition, qui suit Max du CP au CM2, Jeanne-Marie a eu le plaisir d’apprendre que les trois instituteurs de CM2 espéraient chacun que Max soit dans leur classe…