Le mal-être des aides-soignant(e)s dans les Ehpad: «C'est l'horreur. Aidez-nous !»
VOUS TEMOIGNEZ•En écho à l'actualité, les aides-soignant(e)s des Ehpad témoignent de conditions de travail dégradées...Tristan Lescot
L'essentiel
- Une dizaine d'aides-soignantes de la maison de retraite Les Opalines, dans le Jura, est en grève depuis plus de 100 jours
- Interrogées via notre page Facebook, des aides-soignantes de tous horizons témoignent de leurs conditions de travail
Elles souffrent, les aides-soignantes de la maison de retraite des Opalines dans le Jura. Dans une relative indifférence, elles sont en grève depuis plus de 100 jours soit « la plus longue de France ». Un reportage de nos confrères du Monde a récemment alerté sur cette situation, donnant la parole aux principales concernées et aux résident(e)s. Sont pointées du doigt, pêle-mêle, des cadences infernales, la maltraitrance vis-à-vis des personnes âgées, des conditions de travail exécrables, des crédits et des salaires insuffisants. Anne-Sophie Pelletier, porte-parole du mouvement, précise : « On ne se bat plus seulement pour les sous, mais pour la dignité. » D’ailleurs, la fatigue générale mène régulièrement à des burn-out.
La situation des Opalines est pourtant loin d’être un cas exceptionnel. Avec 55 professionnels pour 100 résidents, elle se situe dans la moyenne nationale.
Sur la page Facebook de 20 Minutes, nous avons demandé à des aides-soignantes de nous raconter leur quotidien, les conditions dans lesquelles elles travaillent et comment vivent les personnes âgées au sein des Ehpad (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) où elles officient. Le constat est accablant.
« Les institutions nous poussent à la maltraitance »
Claire (*) est aide-soignante depuis 5 ans. Elle enchaîne petit contrat sur petit contrat dans les maisons de retraite. Elle dénonce le « burn-out général » dans la profession : « Pas le temps pour bien prendre soin de nos aînés, être à l’écoute, individualiser les soins, évaluer un projet de vie personnalisé et j’en passe… » Pourtant, elle adore son métier mais se sent « frustrée de ne pouvoir appliquer les valeurs que j’ai au fond de moi ainsi que celles que j’ai pu développer pendant ma formation ». En début de carrière, elle est déjà démoralisée et n’hésite pas à comparer ses conditions actuelles de travail à celles qui ont cours en usine.
Laure, quant à elle, en veut à sa hiérarchie qui « ne se rend pas toujours compte de la charge de travail ». Elle doit faire 17 toilettes en une matinée : « Impossible de faire des toilettes complètes ou des mises au W-C entre deux ! » et ce, au détriment des résident(e)s.
Clara confirme : « Les institutions nous poussent à la maltraitance. » Elle donne des exemples précis : « Une personne ayant des difficultés pour se déplacer, nous allons la mettre en fauteuil car nous n’avons pas le temps de l’accompagner dans tous ses déplacements. Une personne ayant des difficultés à aller aux toilettes, nous allons lui mettre une protection car nous n’avons pas le temps de l’accompagner trois fois le matin faire pipi ou changer les vêtements à chaque fois qu’elle se souille. »
« Dans certains établissements, il y a plus de personnel non formé que diplômé »
Elle déplore également la logique comptable et financière prévalant dans les Ehpad : « Pour faire des économies les établissements préfèrent embaucher des personnes non diplômées faisant fonction d’aides-soignantes ou des contrats aidés plutôt que du vrai personnel formé. » Un personnel non formé souvent désarçonné face à des situations demandant une certaine expertise comme manipuler des personnes âgées pour les mettre dans leur lit ou les emmener faire leurs besoins.
Cyril, travailleur intérimaire dans plusieurs maisons de retraite, est formel : « Dans certains établissements, il y a plus de personnel non formé que diplômé » d’autant qu’épuisé par les cadences imposées, les arrêts de travail se multiplient chez le personnel hospitalier. Cyril estime passer « au maximum » entre 15 et 20 minutes par patient : « Essayez de faire prendre une douche à un patient de 80 à 90 kg qui se déplace en fauteuil roulant en moins de vingt minutes. Ou à une personne atteinte de démence. Je ne parle pas des locaux non adaptés, qui sont parfois en mauvais état. »
Au bout du rouleau
Paul se sent désespéré et au bout du rouleau face à cette situation qui perdure depuis tant d’années : « ll faut que nos hommes politiques de tout bord prennent conscience de nos problèmes. Nous avons entre les mains des êtres humains dont nous devons nous occuper et non des machines ou des objets. Nous aimons notre travail et nous voulons avoir les moyens pour mieux accompagner les personnes âgées. »
Il conclut sur un cri de détresse : « C’est l’horreur. Aidez-nous ! »
L’appel de Paul comme celui de milliers d’aides-soignant(e)s qui aiment profondément leur métier, sera-t-il entendu par le gouvernement ou le silence des pouvoirs publics restera-t-il assourdissant ?
(*) Tous les prénoms ont été modifiés.