L'UE définit les perturbateurs endocriniens mais pour les assos, le combat continue
ENVIRONNEMENT•Malgré la confiance affichée à Bruxelles, après l'adoption de critères de définition pour une meilleure réglementation, les critiques ont fusé...20 Minutes avec AFP
Le feuilleton des perturbateurs endocriniens, qui dure depuis plus de trois ans à la tête de l’UE, a passé un cap décisif mardi à Bruxelles avec l’adoption de critères de définition pour une meilleure réglementation, qui ne satisfont toutefois ni les ONG, ni l’industrie des pesticides.
Après plusieurs tentatives infructueuses de convaincre les Etats membres, le commissaire européen à la Santé Vytenis Andriukaitis a qualifié le feu vert de mardi de « grand succès ».
Principe de précaution
Une fois appliqué, le texte « assurera que toute substance active utilisée dans les pesticides identifiés comme perturbateur endocrinien pour les personnes ou les animaux pourra être évaluée et retirée du marché », a expliqué M. Andriukaitis.
Néanmoins, malgré la confiance affichée à Bruxelles, les critiques ont fusé.
Chez les défenseurs de l’environnement, à l’instar de Monique Goyens, du Bureau européen des organisations de consommateurs (BEUC), pour qui « l’approche de la Commission contredit le principe de précaution ».
Mais aussi chez les fabricants de pesticides, en première ligne pour la législation qui doit découler de l’adoption de ces critères. « Les critères ne fournissent aucune protection supplémentaire pour la santé et l'environnement et ne servent qu’à avoir un impact disproportionné et discriminatoire sur les agriculteurs européens qui vont souffrir d’une nouvelle réduction arbitraire du nombre d’outils à leur disposition », a réagi Graeme Taylor, porte-parole de l’ECPA, organisation européenne qui réunit les grands industriels du secteur (BASF, Dow, DuPont, Monsanto, Syngenta).
Défenseurs de l’environnement et fabricants de pesticides ne veulent pas du texte
Les deux camps ont donc appelé le Conseil (représentant les 28) et le Parlement européen, qui ont trois mois pour examiner le texte avant sa finalisation, à le rejeter.
La Commission assure quant à elle que cette avancée « vers le premier système de régulation dans le monde avec des critères légalement contraignants » va lui « permettre de commencer à travailler sur une nouvelle stratégie pour minimiser l’exposition des citoyens européens aux perturbateurs endocriniens ».
Les critères décidés mardi s’appliqueront dans le cadre de la réglementation des pesticides. Mais les perturbateurs endocriniens se retrouvent dans de nombreux produits de la vie courante, comme les cosmétiques et les jouets.
La « bataille » continue
« Ce qu’aurait dû faire la Commission, c’est adopter des critères horizontaux qui s’adapteraient à n’importe quel secteur », a déploré Alice Bernard, de l’ONG ClientEarth.
« Les critères votés aujourd’hui (…) requièrent un niveau tellement élevé de preuve (de la toxicité des substances chimiques) qu’ils ne protégeront ni les humains ni la nature », a souligné Genon K. Jensen, qui représente EDC-Free Europe, une coalition de plus de 70 organisations.
En outre, l’exemption offerte pour certains pesticides qui agissent pour affecter le système endocrinien de leurs « cibles » (un insecte désigné) mais pas celui d’autres « vertébrés », dont les humains, fait enrager les opposants à ces nouveaux critères.
« On a gagné une bataille mais pas la guerre », lance Hulot
Si la Suède et le Danemark se sont prononcés contre le texte, la France, qui s’était montrée très critique envers la proposition initiale de la Commission, a voté en sa faveur. « Par rapport au premier projet proposé (…), la définition adoptée concerne aussi les perturbateurs endocriniens présumés », et non plus seulement avérés, a expliqué le gouvernement français dans un communiqué.
« On a gagné une bataille mais pas la guerre », a expliqué le ministre français de la Transition écologique Nicolas Hulot à l’AFP, regrettant en particulier de ne pas avoir pu faire supprimer l’exemption sur des pesticides conçus comme des perturbateurs endocriniens.
La France, un des 21 Etats membres à avoir voté le texte mardi, se réserve le droit d’interdire unilatéralement certaines substances sur son territoire, comme la législation européenne le lui permet.