INTERVIEWConsultation «tatouages»: «Les allergies sont rares et imprévisibles»

Consultation «tatouages» à l'hôpital: «Les allergies sont rares et imprévisibles»

INTERVIEWLe dermatologue Nicolas Kluger, qui tient la première consultation hospitalière de France dédiée aux tatouages, explique à « 20 Minutes » les éventuelles complications dermatologiques ou internes liées à cette pratique...
Oihana Gabriel

Propos recueillis par Oihana Gabriel

Ils recouvrent nos corps de la tête aux pieds. Mais peuvent parfois se transformer en cauchemar… Selon une étude de l’Ifop, 14 % des Français s’étaient déjà fait tatouer en 2016. Mais les conséquences sanitaires de cette pratique de plus en plus populaire sont mal connues. D’où le projet de Nicolas Kluger, qui reçoit ce vendredi des patients à l’hôpital Bichat (AP-HP) pour la première consultation de France ciblée sur les complications après un tatouage. Une porte d’entrée pour mieux informer… et étudier ces questions de santé. 20 Minutes a demandé quelques conseils à Nicolas Kluger.

Pourquoi avoir ouvert cette première consultation « tatouages » de France ?

Je travaille sur le tatouage depuis dix ans en Finlande et en France. Et des dermatologues, généralistes, tatoueurs et patients me contactent régulièrement pour discuter de ces questions. Il semblerait qu’il y ait une demande… Alors pourquoi pas ouvrir une consultation ? Cela se fait au Danemark, d’autres consultations viennent d’ouvrir à Amsterdam et à New York.

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A qui s’adresse cette consultation ?

Aux personnes tatouées qui ont des complications dermatologiques ou internes associées au tatouage. Mais on n’est pas là pour discuter des risques en amont. Sauf pour des patients qui souffrent d’une maladie chronique et qui veulent savoir s’ils peuvent se faire tatouer. La consultation n’a ouvert qu’en avril dernier et pour le moment j’ai eu peu de patients. Mais nous allons voir dans les prochains mois quelle est la demande.

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Quels sont les risques et complications possibles quand on se fait tatouer ?

Le premier danger, c’est d’attraper une infection. Soit parce que pendant le tatouage, le matériel n’était pas stérile ou les conditions d’hygiène pas respectées. Soit pendant la cicatrisation, si les soins locaux ne sont pas bien faits par le patient. En général, ces soins durent deux ou trois semaines. Si au bout d’un mois, le patient a encore des pustules, des douleurs et surtout s’il a de la fièvre, il y a de quoi s’inquiéter ! Dans de très rares cas, quand il y a un terrain à risque, l’infection peut se généraliser.

Deuxième complication possible : les réactions allergiques. Et c’est principalement lié à l’encre rouge des tatouages. Et ses dérivés, le rose ou le violet. Sachant que les couleurs les plus utilisées pour les tatouages, c’est le rouge et le noir. Si le patient fait une réaction allergique, la zone du tatouage devient dure, elle le démange et est parfois douloureuse. Parfois le tatouage est totalement déformé ! Ces complications peuvent intervenir immédiatement ou des mois et des années plus tard…

Et quelles précautions prendre quand on va se faire tatouer ?

Bien choisir son tatoueur professionnel et être en bonne santé. Et respecter les consignes données par le tatoueur : laver deux à trois fois par jour la zone avec de l’eau savonneuse, appliquer une crème cicatrisante, éviter l’eau de mer, la piscine et le soleil. En gros, l’été c’est le moment le pire pour faire un tatouage !

Et y a-t-il des zones qu’il vaut mieux éviter ?

On peut se faire tatouer partout, mais certaines parties du corps sont plus douloureuses. Si le tatouage se trouve sur les mains, le visage et le cou, c’est embêtant car ces zones sont très exposées au soleil. Et donc les couleurs vieillissent mal. Certains patients ont remarqué qu’un tatouage au poignet perturbait les capteurs des montres intelligentes qui ne peuvent du coup plus capter les battements de leur cœur.

Ce qu’il faut vraiment éviter, c’est de faire un tatouage sur un grain de beauté. Car cela peut masquer un éventuel mélanome. Et une pratique récente, rare et dangereuse, c’est de se faire tatouer le blanc de l’œil. Dans de rares cas, l’encre a pénétré l’œil et le patient risque alors de le perdre…

Est-ce que vous avez l’impression que le grand public connaît ces risques ?

Les gens qui ont envie de faire un tatouage vont le faire de toute façon ! Les allergies sont rares et imprévisibles. On ne sait pas non plus combien de patients développent une infection ou une allergie. Ceux qui consultent en général, c’est quand il y a un vrai problème. Mais de petites infections peuvent disparaître si on lave bien le tatouage. Une étude dévoile qu’entre 6 et 8 % des tatoués vont se plaindre trois mois après d’un problème… sans que l’on sache précisément quel est le souci.

Justement, cette consultation devrait également servir pour des travaux de recherche…

On espère que les données collectées pourront aider à définir un profil à risque. D’autre part, quand je fais une biopsie, je peux analyser la peau qui a réagi pour découvrir quels sont les produits allergènes. Pour qu’on sache quels produits éviter lors de la fabrication de cette encre. Pour le moment, on en est aux balbutiements dans la recherche sur ce domaine. Par exemple, on ne sait pas pourquoi l’encre rouge peut parfois provoquer des allergies. A une époque, on avait déterminé le coupable : il y avait du mercure. Mais à l’heure actuelle, il n’y a plus de mercure… mais toujours des réactions allergiques !