Maladie d’Alzheimer: Comment aider les aidants à concilier vie active et soutien d'un proche
TRAVAIL•France Alzheimer suggère ce jeudi 23 propositions aux candidats à l’élection, notamment un meilleur accompagnement des aidants qui travaillent…Oihana Gabriel
Garde malade et chef d’entreprise, une double casquette ardue à porter. Jacques, 63 ans, à la tête d’une dizaine de commerces dans le Gard, s’occupe depuis cinq ans de sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer. Rendez-vous médicaux, garde, soins, adaptation aux stades de la maladie… La montagne de contraintes que la maladie d’Alzheimer impose aux aidants leur interdit parfois de travailler. Ou les épuise. Or, la France compte aujourd’hui 900.000 malades… et 2 millions d’aidants.
Ce jeudi, l’association France Alzheimer souffle aux candidats à l’élection présidentielle 23 propositions pour que cette maladie ne soit pas oubliée dans cette campagne sous le titre : «Tous candidats à la maladie».
« Je suis dans la configuration la plus compliquée »
Parmi ces pistes, une réponse concertée et adaptée à tous les travailleurs qui tentent de concilier leur vie d’aidant et d’actif. Car ces proches de malades ont souvent besoin d’un travail pour payer les soins… mais aussi pour maintenir une activité sociale.
« Je suis dans la configuration la plus compliquée », résume ce membre de l’association France Alzheimer du Gard. En pleine activité, alors qu’il travaillait avec son épouse, Jacques a vu son quotidien bouleversé lorsque sa femme est tombée malade à seulement 53 ans, alors que seuls 2 % des malades d’Alzheimer ont moins de 65 ans. « Aujourd’hui, mon temps est dédié à 90 % à ma femme… et à 10 % à mon entreprise, regrette Jacques. C’est très difficile de travailler tout en m’occupant d’elle. D’autant qu’elle refuse d’être gardée par d’autres personnes… »
« C’est un casse-tête de tous les moments »
Depuis cinq ans, Jacques jongle avec le double emploi du temps d'aidant et de chef d'entreprise. Pour ne pas fermer boutique et poursuivre son métier qu’il aime, il a tout réorganisé. « J’ai dû embaucher davantage, créer un bureau à la maison où je télétravaille au maximum. Quand j’ai vraiment besoin de me rendre sur place, je demande à mon fils ou à une personne de garde de venir une heure ou deux. »
Et, comme pour beaucoup d’aidants qui voient un proche perdre de plus en plus la mémoire et le langage, ces aménagements évoluent en fonction de l’état de sa femme. « C’est un casse-tête de tous les moments, mais travailler m’aide, assure Jacques. Pendant un moment, je l’emmenais avec moi quand j’allais visiter mes commerces. Mais j’ai arrêté car en revenant dans une boutique où elle a été patronne, cela réveillait sa mémoire ancienne, elle se sentait diminuée et risquait de faire une crise. »
15 % des salariés s’occupent d’un proche âgé
Selon le communiqué de France Alzheimer, la société a intérêt à aider ces Français qui tentent de concilier travail et soutien d’une mère, un frère, une épouse. « Au-delà d’être un sujet humain, la thématique des aidants en activité professionnelle est devenue un vrai sujet pour l’entreprise : 15 % des salariés s’occupent au quotidien d’un proche âgé, un taux qui atteint les 23 % chez les plus de 50 ans. Un phénomène qui n’est pas sans conséquences sur la performance économique des entreprises : absentéisme fort, arrêts maladie fréquents, perte de productivité… Le coût global pour les entreprises françaises est aujourd’hui estimé à 6 milliards d’euros annuels. »
Des aides pour les aidants… mais insuffisantes
Pourtant, sous cette mandature, plusieurs mesures ont été adoptées pour soulager les aidants. En effet, le congé de solidarité familiale permet à un aidant de prendre trois mois maximum off pour s’occuper d’un proche qui se trouve en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable avec une indemnité de 55,21 € par jour (ou 27,61 € pour un salarié à temps partiel).
Autre nouveauté : le congé de proche aidant, élargi depuis le 1er janvier 2017, qui peut atteindre un an maximum mais pendant lequel l’aidant ne touche ni revenu ni indemnité. Insuffisant, selon l’association : « Non rémunérés, limités dans le temps, difficiles d’accès, ces dispositifs ne semblent néanmoins pas répondre de façon efficace aux besoins multiples des aidants : conservation des revenus, maintien dans la vie professionnelle, continuité de carrière, maintien des droits à la retraite… »
« Je ne vais pas pouvoir tenir comme ça »
D’autant que ce congé de proche aidant n’est pas destiné à tout le monde. « Je suis mon propre patron, donc je n’y ai pas droit, critique Jacques. Et ce n’est pas une solution durable. » Ce qu’il souhaiterait ? « Je pense que les aidants devraient pouvoir prendre leur retraite à 60 ans à taux plein. Personnellement, j’essaie de tenir le coup, mais je ne vais pas pouvoir rester dans cette situation longtemps », s’inquiète le sexagénaire.
En attendant, Jacques espère trouver une place pour sa femme deux fois par semaine dans un accueil de jour pour souffler et travailler plus sereinement. Une structure qui accompagne les personnes dépendantes de 9h à 16h. « Mais en France on manque d’accueils de jour, qui ne sont pas toujours adaptés, regrette Jacques. Ce qu’il faudrait, c’est de petites unités pour des groupes réduits, homogènes en fonction de l’âge, de l’avancée de la maladie, des affinités. La France est en retard dans la prise en charge d’Alzheimer en milieu aménagé pour soulager les aidants. »