INTERVIEWDon d'ovocytes: «Dans mon malheur, j’ai eu de la chance!»

Une receveuse d'ovocytes raconte son parcours: «Dans mon malheur, j’ai quand même eu de la chance!»

INTERVIEWAudrey Keysers publie ce jeudi un récit de ses années de traitements, rendez-vous médicaux et espoirs pour finalement bénéficier d'un don d'ovocytes en Espagne...
Oihana Gabriel

Propos recueillis par Oihana Gabriel

3 ans et 9 mois. C’est la durée du parcours du combattant et le titre du livre d’Audrey Keysers, qui sort ce jeudi. Dans ce récit aussi sincère que drôle, cette quarantenaire, qui est secrétaire générale adjointe d’une Mission interministérielle raconte ses espoirs, agacements, interrogations, découvertes pendant sa longue et éprouvante lutte pour avoir un bébé. Beaucoup se reconnaîtront dans ce témoignage engagé et enlevé, car l’infertilité est courante et pourtant taboue.

Pas de suspense : ça se finit bien, et Audrey a fini par accoucher d’une petite Rose. Non sans mal. Car comme un couple sur six en France, elle et son compagnon ont été confrontés à l’épreuve de l’infertilité. Et se sont battus à coups de shoots d’hormones, changements de médecins, PMA, Fiv et finalement don d’ovocytes. Des dons insuffisants et un sujet méconnu que l’auteure aimerait voir évoluer.

Vous pouvez nous résumer les grandes étapes de votre parcours de PMA (procréation médicalement assistée) ?

A 36 ans, j’ai essayé d’avoir un enfant. Personnellement, je me sentais jeune et fertile. Mais après quelques mois d’attente, une amie m’a conseillé de consulter. Heureusement ! J’ai été très surprise par l’approche sans ménagement du médecin, qui m’a déclarée totalement infertile… et qui nous a conseillé l’adoption. Si l’adoption était facile en France, ça se saurait !

J’ai insisté et suivi deux traitements hormonaux. Finalement, nous nous sommes tournés vers un hôpital public à Bruxelles. Et j’ai été impressionnée par les médecins disponibles, à l’écoute et délicats. C’est quand même précieux dans des moments de souffrance. L’autre différence, c’est qu’il y a obligation de voir un psychologue à l’hôpital. Cela m’a libérée, déculpabilisée. Après l’échec d’une Fiv, nous nous sommes inscrits sur la liste d’attente pour un don d’ovocytes. Et le délai n’était pas le même : en France, on risquait d’attendre entre trois et quatre ans, en Belgique entre six mois et un an. La différence est énorme, surtout quand vous approchez des 40 ans.

Finalement, j’ai eu accès plus rapidement à un don d’ovocytes dans une clinique en Espagne et je suis tombée enceinte tout de suite Dans mon malheur, j’ai quand même eu de la chance !

Qu’est ce qu’il faudrait changer dans la prise en charge de la stérilité en France ?

Il faudrait une approche plus globale. Avec la création de lieux qui rassemblent toutes les étapes, depuis la première consultation jusqu’à la Fiv, sur le modèle du centre AMP de l’hôpital Foch [à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine]. Où l’on pourrait trouver une prise en charge psychologique, des conseils en nutrition, de l’acupuncture… Et on pourrait imaginer un carnet de fertilité, sur le modèle de notre carnet de santé pour permettre un suivi pour les divers médecins. Cela éviterait les doublons d’examens.

Vos pistes pour faciliter le don d’ovocytes ?

D’abord, il faut sensibiliser le grand public via des campagnes d’envergure chaque année. Et en créant une journée de la fertilité. Cela permettrait de passer un message positif et d’informer les femmes sur la baisse de la fertilité à partir d’un certain âge.

Je pense aussi qu’il faut valoriser les donneuses. Ce n’est pas comme donner son sang, ça prend du temps, ça fatigue. J’ai conscience des effets secondaires étant donné que je les ai vécus ! On pourrait accompagner ce don, gratuit, d’une reconnaissance institutionnelle par des jours de congé en plus, un allégement fiscal… Mais surtout, c’est choquant qu’en 2017 en France, les femmes doivent demander l’autorisation de leur conjoint pour donner leurs ovocytes.

Votre message aux couples qui traversent cette épreuve de l’infertilité ?

Il faut poursuivre les traitements et rester positif. Car le psychologique est très important dans une PMA. Ne pas hésiter à changer de médecin si on a l’impression de ne pas être entendu. Et envisager le don d’ovocyte avec sérénité. C’est seulement une petite cellule, cela ne change rien à la parentalité.

Et à leur entourage ?

Eviter de les brusquer si le couple n’a pas envie d’en parler et accompagner sans juger. J’ai vraiment des amis qui m’ont dit « ma pauvre, ma cousine a pris 15 kg en six mois ! » et d’autres m’ont conseillé d’adopter au bout de six mois, comme si pour eux, c’était cuit.

Et à celles qui s’interrogent sur le don d’ovocytes ?

Contrairement à ce que certaines pensent, ces traitements ne rendent pas stérile et ne font pas baisser leur fertilité.

* 3 ans et 9 mois, Max Milo Editions, 18 euros.