«Et les mistrals gagnants»: Comment les enfants traversent la maladie avec optimisme et courage
DOCUMENTAIRE•Un documentaire qui sort ce mercredi en salles dévoile la force et la joie de vivre de cinq petits patients, à la fois insouciants et protecteurs vis-à-vis de leurs parents...
Oihana Gabriel
Tel un porte-bonheur, Ambre, 9 ans, ne se déplace jamais sans son sac à dos arborant le portrait de la fée Clochette. Cette petite fille n’y cache pas son goûter, mais une pompe reliée à son cœur pour que malgré sa maladie cardiaque, elle puisse faire du badminton, du toboggan et du théâtre. Ambre fait partie des cinq héros du documentaire Et les mistrals gagnants, qui sort ce mercredi au cinéma. Une plongée dans le quotidien à la fois grave et joyeux de ces cinq enfants confrontés chacun à une maladie différente. Qui souligne le courage, l’insouciance et l’empathie de ces petits patients, âgés de 6 à 9 ans.
Un optimisme naturel
Des couloirs d’hôpitaux et des soins réguliers ont envahi la vie de Charles, Ambre, Camille, Imad et Tugdual. Et pourtant, ils partagent avec la réalisatrice et le public leurs joies et leurs passions. Tugdual, en plein jardinage, assure face caméra : « rien n’empêche d’être heureux ».
C’est cette confiance en la vie qu’Anne-Dauphine Julliand a voulu montrer avec ce documentaire sans pathos. « La pathologie même grave ne vient pas ébranler le quotidien des enfants, analyse la réalisatrice. Ils ne vivent pas malgré la maladie, mais avec. Ce qui est étonnant, c’est le naturel de cet optimisme. Ils encouragent ainsi les adultes à retrouver l’esprit de leur enfance. »
Inspiré de son histoire
Mais le vécu des parents est bien différent. A la tristesse, l’inquiétude, la fatigue s’ajoute un sentiment de culpabilité. « Quand on est parent, on a l’impression que la maladie chamboule la promesse de vie qu’on a fait à la naissance à notre enfant, explique Anne-Dauphine Julliand. Mais la seule promesse que l’on peut faire à son enfant, ce n’est pas qu’il vivra jusqu’à 100 ans ou en bonne santé, mais qu’on l’aimera en toutes circonstances. »
Anne-Dauphine Julliand le sait d’autant mieux qu’elle a perdu sa fille aînée d’une maladie incurable. « Je me suis rendue compte que la seule façon de m’en sortir, c’était de caler mes pas sur ceux de ma fille. »
Insouciance et non ignorance
Et contrairement aux préjugés, ces sourires ne cachent pas une incompréhension. « Ils ne sont pas dans l’ignorance, car ils connaissent bien leur maladie, assure la réalisatrice. Ni dans l’innocence, car ils la comprennent. Mais dans l’insouciance. »
Comment expliquer ce rapport à la maladie très différent des enfants par rapport aux adultes ? « Les enfants n’ont pas le même rapport au temps que nous : ils vivent dans l’instant… c’est d’ailleurs pour ça qu’ils passent du rire aux larmes », insiste Anne-Dauphine Julliand.
« Ils ne mettent pas la même gravité que les adultes dans le vécu de la maladie, ajoute Sabrina Lohezic, infirmière en soins palliatifs pédiatriques. S’ils peuvent être percutés par la tristesse des autres, ils ne perdent pas leur insouciance et le jeu. D’ailleurs, on leur pose rarement des questions directes, mais on va utiliser des outils de transition pour communiquer avec l’enfant, pour évaluer sa douleur à l’aide d’une poupée par exemple ». Pour celle qui a d’abord travaillé avec des adultes en soins palliatifs, les enfants ont également « une grande capacité à mobiliser leur énergie pour continuer à aller à l’école, alors qu’un adulte va plus facilement se laisser aller à la fatigue. »
« La vision de la maladie est extrêmement différente chez les enfants et les adultes, renchérit Bernard Golse, pédopsychiatre à l’hôpital Necker (Paris). Et les enfants, s’ils emploient le mot "mort", n’y mettent pas le même sens. A 5 ans, ils comprennent que le chien ou le grand-père peut disparaître, mais pas eux et pas de manière irréversible. »
« Les enfants malades protègent souvent leurs parents »
Les jeunes héros du documentaire estomaquent par leur empathie. Imad, qui a de graves problèmes rénaux, assure « pour moi ce n’est pas difficile, c’est pour vous que c’est difficile ». Essayant ainsi d’alléger la peine de ses parents. « Dès 2 ou 3 ans, les enfants veulent protéger leurs parents, précise Sabrina Lohezic. Mais il faut faire attention au sentiment de culpabilité que peut générer la maladie. »
Et la réalisatrice d’illustrer ce soin apporté aux parents par leur progéniture par une anecdote hors caméra. « La mère de Camille a accepté que l’on filme son fils à une seule condition : qu’on ne prononce jamais le mot "cancer". Lui réussit à dire le mot "neuroblastome". Mais un jour à l’hôpital, quand sa mère était absente, il nous a confiés "ici, tous les enfants sont chauves et ont un cancer, moi non". » Montrant qu’il avait bien compris, mais respectait ainsi le secret attentionné de sa mère.
« Les enfants malades protègent souvent leurs parents, confirme Bernard Golse, pédopsychiatre. Au point même que certains attendent que leurs parents soient prêts pour mourir. »