Opération Pièces jaunes: A «La Suite», sport, maquillage et conseils font du bien aux ados malades
REPORTAGE•Visite de « La Suite », lieu dédié aux adolescents, ouvert fin septembre à l’hôpital Necker (Paris 15e), grâce à l’opération Pièces jaunes, qui a commencé mercredi…Oihana Gabriel
«Ici, c’est un lieu dans l’hôpital, mais ce n’est plus l’hôpital », résume Zoé, 15 ans. Cette adolescente vient trois fois par semaine pour une dialyse à l’hôpital Necker – Enfants malades, AP-HP. Et depuis quelques mois, elle fait parfois un détour par « La Suite ». Aucun lien avec une suite luxueuse d’hôtel, non ce lieu a été conçu par et pour les adolescents atteints de maladies chroniques. Un espace de 180 m2 où ces jeunes peuvent poser toutes les questions, recevoir les conseils d’une socioesthéticienne, participer à des cours de sport adapté et bientôt de shiatsu loin des soignants... Et des parents.
« Je viens dans cet hôpital depuis que j’ai 14 mois, c’est un peu ma maison, avoue Zoé. Mais ici, je me détends, les activités ne sont pas focalisées sur ma maladie. C’est grâce à moi s’il y a toutes ces couleurs ! » En effet, certains adolescents ont participé à l’élaboration de « La Suite », qui affiche un jaune vif et même un mur de doux messages à l'intention des professionnels qui accompagnent les jeunes.
Une réalisation de l’opération Pièces Jaunes
Les jeunes entre 13 et 25 ans qui sont suivis pour une mucoviscidose, de l’asthme, du diabète, de l’eczéma, en attente de greffe peuvent se retrouver dans ce lieu unique. Et discuter sexualité avec une gynécologue, acné avec une dermatologue, reprendre les abdos en douceur et apprendre à maquiller leurs séquelles après une opération. Cette « Suite », qui a ouvert en septembre dernier, est l’une des grandes réalisations de laFondation Hôpitaux de Paris Hôpitaux de France, qui lance chaque année depuis 1991 l’opération Pièces jaunes. Un appel aux dons pour aider les enfants hospitalisés organisé à nouveau cette année à partir de ce mercredi et jusqu’au 11 février*.
Pourquoi un lieu spécifique pour cet âge ? « Les adolescents se posent bien des questions sur leurs études, leurs relations sociales, la sexualité, la transmission ou non de leur maladie à de futurs enfants, souligne Danuta Pieter à l’origine du projet à la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France. Or, le médecin n’est pas spécialiste de l’orientation ! »
Pour Celia Crétolle, médecin en chirurgie pédiatrique, « on sent bien en tant que praticien que les adolescents ont besoin d’un lieu à eux. En pédiatrie, ils sont soignés avec des enfants de 2 ans ! Et beaucoup saluent l’initiative de la Fondation, qui a subventionné pour moitié le projet (presque 500.000 euros). « Ce lieu innovant a impulsé une dynamique sur tout le territoire », avance cette médecin.
Faciliter la transition
Car ce lieu ressource vise à améliorer la transition entre service pédiatrique et service d’adultes. Notamment en proposant des consultations réunissant le médecin du service pédiatrique et le médecin du service adulte. Mais aussi grâce à un site et une application qui proposent des tutoriels, des visites virtuelles des services pour adultes afin de mieux préparer ce gros changement.
« Plusieurs patients m’ont relaté cette première hospitalisation chez les adultes comme un souvenir violent », avoue Giulia, psychologue qui a participé à l’élaboration des ateliers proposés. Au point que certains reviennent en pédiatrie… et d’autres abandonnent les soins.
« En pédiatrie, ils sont chouchoutés, complète Déborah, professeure d’activité physique adapté à « La Suite ». Mais quand ils arrivent chez les adultes, il n’y a plus les parents, personne ne leur rappelle leurs rendez-vous médicaux. Ils doivent s’occuper de tout le côté administratif : trouver une mutuelle étudiante par exemple. J’ai eu par exemple un étudiant atteint d’une mucoviscidose qui souhaitait partir un an en Erasmus. Il m’en a parlé pendant le cours de sport, heureusement, l’assistante sociale était là pour voir avec lui comment assurer le suivi de ses traitements ! » D’où l’intérêt d’une pluridisciplinarité des professionnels dans ce lieu.
Echange et confiance
« Beaucoup de ces malades chroniques souffrent de solitude, ajoute Célia Crétolle, médecin en chirurgie pédiatrique. A l’adolescence, ce sentiment est décuplé. "La Suite" leur permet de se rencontrer, de discuter. »
Et parfois de reprendre confiance. En effet, les adolescents peuvent prendre rendez-vous avec une socioesthéticienne et une conseillère en image. « A l’adolescence, le regard de l’autre devient très important », explique Carole Lamaud, qui masse, maquille, tente de les aider à se sentir mieux dans leur corps. Et qui vérifie qu’il n’y ait pas de contre-indication avant de poser un vernis ou de maquiller un patient atteint de mucoviscidose.
« Ces adolescents ont besoin d’un moment d’évasion, reprend la socioesthéticienne. Un jeune-homme de 18 ans est venu me voir pour cacher une cicatrice après une opération du cœur avec un tatouage. Je l’ai mis en lien avec la dermatologue qui travaille ici pour trouver une crème adaptée. »
* Pour faire un don, rendez-vous sur le site ou par chèque à : Pièces jaunes 13 rue Scipion 75005 Paris.