Médicaments: Faut-il se méfier des remèdes aromatisés pour enfants?
SOINS•Pratiques pour les parents et vendus sans ordonnance, les médicaments aromatisés pour enfant font un carton en pharmacies, mais doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière, en raison des risques de surconsommation…Anissa Boumediene
C’est rose, c’est bon comme un bonbon et ça ressemble aux yaourts aux fruits conditionnés en tube si prisés des petits. Sauf qu’il s’agit de… médicaments pour enfants. Doliprane Doliz à la fraise, Efferalgan vanille-fraise ou encore Smecta saveur fraise : ces médicaments aromatisés vendus sans ordonnance se sont fait une place de choix dans les officines et ont conquis les parents. Mais des voix s’élèvent contre ces produits au marketing bien léché et qui ne sont pas sans risques. Alors, faut-il s’en méfier ?
Un risque de surconsommation
En août dernier, Michèle Delaunay, députée (PS) de la Gironde et présidente de l’Alliance contre le tabac adressait une lettre à la ministre de la Santé pour l’alerter des risques de ces médicaments aromatisés, dont elle dénonce le marketing et les risques en termes de santé. « Je plaide pour que, de manière générale, on neutralise le mauvais goût des médicaments, mais ces produits de santé ne doivent pas être banalisés et devenir des objets marketing, car ils ne sont pas anodins et pourraient entraîner des risques de surconsommation », explique-t-elle à 20 Minutes.
Bien sûr, « lorsque des tout-petits sont malades, ces médicaments aromatisés sont pratiques, reconnaît le Dr Lucienne Coscas-Hatchuel, pédiatre à Paris. Mais le fait qu’un médicament pour enfant ait "trop" bon goût est néfaste, et ce pour plusieurs raisons, indique la pédiatre. Il y a un danger immédiat d’intoxication en cas de surdose, mais aussi d’addiction médicamenteuse sur le long terme ». Le paracétamol, consommé en trop grande quantité, peut être très nocif pour la santé. « En surdose, il est très toxique, avertit Michèle Delaunay, il détruit le foie, neutralise la fonction hépatique et peut aussi empêcher le métabolisme des antibiotiques », empêchant le traitement d’agir.
« Un médicament n’est pas un bonbon »
S’il ne faut pas qu’un médicament ait un goût trop mauvais, pour éviter que l’enfant refuse de le prendre, « il ne faut pas non plus que son goût lui évoque celui d’un bonbon, estime le Dr Coscas-Hatchuel. C’est un équilibre difficile à trouver, mais il doit au moins conserver une petite amertume discrète, pour que l’enfant comprenne bien qu’il s’agit d’un médicament dont l’utilisation doit être strictement encadrée, et qu’un médicament n’est pas un bonbon ».
Du côté de l’Afipa, association qui milite pour une automédication responsable et représente les industriels qui produisent et commercialisent des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance, on assure que ce n’est pas le cas. « Même aromatisé, le médicament garde un goût de médicament, précise Daphné Lecomte-Somaggio, déléguée générale de l’Afipa. Et comme tous les médicaments, ces produits de santé doivent être validés par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ».
Une distribution plus encadrée
Alors, faut-il bannir ou non ces médicaments aromatisés ? « L’objet n’est pas de les interdire, répond Michèle Delaunay, mais de faire en sorte que l’on ne les aborde pas comme de simples produits marketing. La question de l’emballage très attractif de ces médicaments est un sujet préoccupant. Il faut veiller à ce que ces médicaments ressemblent bien à des médicaments ». Dans le même sens, la députée préconise que ces médicaments aromatisés « soient placés derrière le comptoir dans les pharmacies, et non plus en libre-service, par souci de différenciation ».
Autant de préoccupations qui semblent être partagées par l’ANSM, qui prépare actuellement ses recommandations sur le sujet. « Nous souhaitons que ces médicaments aromatisés fassent l’objet d’une vigilance toute particulière de la part des parents, poursuit Michèle Delaunay, qu’ils soient rangés hors de portée des enfants pour éviter les accidents ». Un point de vue partagé par l’Afipa, qui réclame « une campagne d’information pour une meilleure automédication ».