Chamboulement dans les taxes sur les produits gras et sucrés, et la santé dans tout ça?
NUTRITION•L’avis d’une nutritionniste sur les changements de taxes préconisés dans un rapport parlementaire…O. P.-V.
Un rapport parlementaire présenté ce mercredi à l’Assemblée nationale par les députés Véronique Louwagie (LR) et Razzy Hammadi (PS) propose de remettre à plat certaines taxes sur les produits agroalimentaires. Au cœur du sujet, les aliments gras, dont les prix pourraient être un peu chamboulés. Plusieurs taxes seraient supprimées ou abaissées sur les huiles, la margarine ou le chocolat, pour une perte fiscale totale de 589,7 millions d’euros par an.
Afin de compenser, le rapport demande une hausse de la contribution sur les boissons sucrées, une « taxe soda » revue (21,47€ par hectolitres contre 7,53€ actuellement) pouvant rapporter ce qu’il manque, soit 589,7 millions d’euros par an donc. Cette augmentation est justifiée par « des raisons de santé publique ». 20 Minutes a soumis les propositions des députés à la nutritionniste Marie-Laure André, de Toulon (Var).
En baisse
La margarine : Abaisser de 20 % à 5,5 % le taux de TVA applicable à la vente de margarine afin de l’aligner sur celui qui est déjà applicable à la vente de beurre
« Je ne recommande pas spécialement la consommation de margarine. Certes c’est une graisse végétale, ce qui est intéressant par rapport au beurre qui est d’origine animal. Le problème est dans le procédé de fabrication : on procède à une hydrogénation des huiles pour les rendre solides, ce qui modifie la nature des acides gras, et ne les rend pas forcément très intéressant pour la santé. Après, au niveau apport en graisse, le beurre et la margarine sont équivalents, mais je recommande plutôt les huiles végétales. »
Les huiles : Supprimer la taxe sur les huiles végétales destinées à l’alimentation humaine
« L’huile d’olive est l’huile santé par excellence. En tant que nutritionniste, je recommande de varier car il n’y a pas d’huile parfaite non plus. Il manque les omégas 3 dans l’huile d’olive par exemple. Pour ça, on peut l’associer avec l’huile de noix ou de colza. L’huile de palme, qui serait aussi concernée par cette suppression de taxe, est riche en graisses saturées, ce qui n’est déjà pas terrible, mais surtout au niveau de l’environnement, on sait qu’on déforeste pour planter des palmiers à huile. Comme c’est une huile déjà pas chère, cela peut encourager les industriels à en mettre encore plus dans leurs produits, alors que ce n’est pas une graisse de super qualité. Elle s’ajoute au reste de notre alimentation qui est déjà pleine de graisses animales et de graisses saturées. »
Le chocolat (sauf pour les barres chocolatées) : Abaisser de 20 % à 5,5 % le taux de TVA applicable à la quasi-totalité des produits chocolatés
« Il vaut mieux encourager la consommation de vrai chocolat, des tablettes de chocolat noir par exemple qui ont des effets intéressants sur la santé. Tout ce qui est barres chocolatées, ce sont vraiment des produits de snacking, du grignotage riche en sucre et en graisse. Le chocolat aussi, mais il y a quand même moins de sucres ajoutés dans le chocolat noir que dans une barre chocolatée. Et puis c’est riche en fibre et en magnésium contrairement à ce qu’on croit, ainsi qu’en substances qui agissent sur l’humeur, comme l’anandamide. Plus c’est fort en cacao, mieux c’est. L’autre avantage du chocolat noir est que l’on a moins tendance à en manger de manière compulsive. Un ou deux carrés oui, mais pas une tablette entière comme le chocolat au lait, ou pire, trois Mars d’affilée. »
Céréales brutes : Supprimer la taxe sur les quantités de farines, semoules et gruaux de blé tendre destinés à la consommation humaine
« Ce qui est bien, c’est qu’on supprime la taxe sur des produits bruts. Les produits industriels ne sont pas très bons pour la santé, donc en supprimant cette taxe, on encourage les gens à acheter des céréales brutes : farine, semoule, pâtes, riz, etc.c’est mieux que des plats transformés. »
En hausse
Sodas et boissons sucrées (4,6 centimes sur une canette de Coca par exemple) : Augmenter nettement le tarif de la taxe sur les boissons contenant des sucres ajoutés, afin de favoriser, pour des raisons de santé publique, une baisse de la consommation de ces boissons
« Je ne pense pas que ça ne changera quoi que ce soit. Ceux qui ont l’habitude de boire des sodas vont continuer sans aucun problème. L’avantage est que les gens peuvent être amenés à se poser les bonnes questions, à réfléchir à leur consommation de boissons sucrées. Tout ce qui est sodas, sirops, etc. ça apporte des sucres et des calories vides, c’est-à-dire qu’il y a un apport énergétique mais le corps n’est pas nourri pour autant, car il ne reçoit rien d’essentiel à l’organisme : ni vitamines, ni minéraux, ni fibres, alors que dans les huiles, les céréales, les matières grasses, il y a des nutriments essentiels à la santé. »
Rapport soda