L'Alliance contre le tabac s'insurge contre les zones fumeurs dans les lycées
SANTE PUBLIQUE•Plusieurs parlementaires et associations réclament une refonte de la circulaire de Najat Vallaud-Belkacem, instituant des « zones spécifiques » à l’intérieur des lycées pendant l’état d’urgence…R.S.
Quand ils se lancent dans un discours antitabac, Michèle Delaunay et Jean-Louis Touraine peuvent aller très loin. Quitte à verser dans le politiquement incorrect. Pour les deux parlementaires PS, la cigarette est un mal qui mérite d’être combattu aussi farouchement - si ce n’est plus - que le terrorisme. « Le tabac, c’est 80.000 morts par an. Un fumeur sur deux meurt douloureusement. On ne peut pas dire que le risque soit inférieur au terrorisme », s’emporte Jean-Louis Touraine, professeur de médecine de formation, dont le courroux porte sur la fameuse circulaire du 25 novembre. Ce texte, signé par la Ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, permet aux proviseurs de lycées d’instituer des « zones spécifiques » à l’intérieur des établissements, afin d’éviter les rassemblements sur le trottoir pendant l’état d’urgence.
Dénoncé depuis par une décision du tribunal de Cergy (Val-d’Oise), le texte n’indique pas que les zones en question sont réservées aux élèves fumeurs. Mais dans les faits, il s’agit bien de « fumoirs » intégrés à la cour de récré, violant au passage la loi Evin. En Ile-de-France, plus d’un proviseur sur deux aurait autorisé ces zones fumeurs au lendemain du 13 novembre. Et plus les semaines passent, plus les conséquences seront graves, selon l’association Droits des non-fumeurs (DNF).
La tentation de la première clope
Pour elle, la réponse donnée par l’Education nationale face au risque d’attentat, est « très mauvaise » en termes de prévention. En intégrant la cigarette dans les lycées, « on montre que le tabac est socialement valorisant et acceptable », dénonce Gérard Audureau, président de DNF qui aurait reçu plus d’une centaine de plaintes de parents, de professeurs ou même d’élèves. A un âge où il est difficile de dire « non » et où on cherche à devenir adulte avant de l’être, de nombreux mineurs sont susceptibles de tomber dans l’addiction.
Pour les deux parlementaires, il ne s’agit donc pas seulement de suspendre ce texte, comme l’a fait la ministre récemment. « Mais bien réécrire une circulaire rappelant l’interdiction de fumer dans les lycées », enchaîne l’ancienne ministre du Gouvernement Ayrault, Michèle Delaunay. « Quand on a demandé aux gens d’arrêter de fumer dans les avions, rares sont les voyageurs qui ont demandé à sortir de l’avion. » Etat d’urgence ou non, la cigarette ne devrait donc pas être tolérée dans une enceinte scolaire. Point barre.
Plus de prévention
Jean-Louis Touraine se hérisse aussi à l’évocation d’un « moindre mal. D’abord parce que dans moindre mal, il y a mal. Et il est faux de dire : de deux risques, il faut choisir le moindre. » Les chiffres énoncés plus hauts sont là pour le rappeler. Selon lui, il serait plutôt judicieux de profiter de l’état d’urgence pour lutter davantage contre le tabagisme. Et pourquoi pas, de renforcer la politique de prévention en matière de tabac, comme c’est déjà le cas pour les drogues dures ou les maladies sexuellement transmissibles.