Maïté, acromégale : «J’avais des mains de pianiste, maintenant, ce sont des mains de mécano»
TEMOIGNAGE•Souffrant de cette maladie liée à un dérèglement hormonal, elle décrit son quotidien à l’occasion de la journée des maladies rares, lundi 29 février…Romain Scotto
Dans les livres de médecines, ce sont souvent les mêmes images : des hommes ou femmes, démesurément grands, les mains disproportionnées et le menton proéminent. Une forme extrême de l’acromégalie qui illustre paradoxalement très mal le quotidien d’une majorité de malades. A 35 ans, Maïté connaît une forme moins visible de la maladie*, liée dans son cas au développement d’une tumeur au cerveau. Mais son quotidien reste bouleversé. A l’occasion de la journée des maladies rares, elle insiste, très émue, sur l’importance d’un dépistage précoce pour limiter les effets à long terme d’un mal qui touche 4 à 5 personnes sur 1 million.
« Il y a un peu plus de 10 ans, j’ai eu des maux de tête. J’étais migraineuse et les médecins ont mis ça sur le coup du stress. Sauf que c’est devenu plus fréquent. La fatigue est devenue intense. Pour travailler c’était difficile. Je suis infirmière. Je m’obligeais à y aller avec des médicaments. Les douleurs ont progressé dans la mâchoire. J’avais mal, l’impression d’avoir été boxée par Mohammed Ali, ou d’avoir une rage de dents. En une nuit, on peut avoir l’impression de vieillir de 10 ans. Même la morphine ne me soulageait pas. Toutes les explorations ne donnaient rien tant et si bien que les médecins m’ont donné un traitement antidépresseur pensant que j’étais hypocondriaque.
Ja pourtant insisté pour passer une IRM au bout d’environ 5 ans de douleurs. A part un rebouteux, j’avais vu toutes les spécialités médicales qui existent en France. Rhumato, dentiste, acupuncteur, stomatologue, neurologue… Et personne n’a décelé la maladie.
Perturbations hormonales
C’est en faisant l’IRM qu'on a découvert que j’avais une tumeur au cerveau. C’est un sentiment ambivalent. D’un côté on se dit : "Merde une tumeur." Et de l’autre : "waouh je ne suis donc pas folle." On a presque envie de prendre cette putain d’IRM et de la jeter à la figure de tous les médecins. Le mot acromégalie a donc été prononcé à l’issue de l’IRM. On m’a dit que la position de la tumeur pouvait engendrer des perturbations hormonales. On m’a hospitalisée et découvert un taux d’hormones de croissance qui était 4 fois supérieur à la norme.
Je connaissais l’acromégalie parce que je l’avais étudiée pendant mes études d’infirmière. Mais le gros tort de l’enseignement, c'est qu'on montre des cas extrêmes pour faire comprendre les conséquences d’une maladie. Moi, je ne suis pas une géante, je fais 1,60m. Ce n’est pas ce qui est présenté dans les études. Je comprends que mon médecin soit passé à côté.
Garder une vie normale, c’est un combat
Aujourd’hui, ma tumeur est traitée par injections quotidiennes. J’ai un traitement pour réduire sa taille et un autre pour empêcher le corps d’utiliser l’hormone de croissance produite. Même si on me retire cette tumeur, elle va se redévelopper. Ce ne sera pour moi qu’un répit. Je continue à travailler, je n’ai jamais arrêté, même il ne se passe pas une quinzaine de jours sans que je vois un médecin. Garder une vie normale, c’est un combat. J’ai une fille de 10 ans. Elle sait très bien ce qu’est la maladie. Le soir, parfois, je n’ai pas la force de lui lire une histoire…
En 10 ans, j’ai donc connu quelques transformations physiques. Mes mains se sont élargies. J’avais des mains de pianiste et maintenant ce sont des mains de mécano. J’ai pris 3 pointures, je suis passé d’un 37 à un 40. Au niveau du visage, j’avais un visage allongé, ma mâchoire est un peu plus proéminente.
Je regarde les photos avec nostalgie
Tout le monde me dit : "T’es super mignonne, en plus t’es bien gaulée." Mais moi j’ai vu les modifications. Je regarde les photos avec nostalgie. Je me fiche d’une ride, c‘est l’action du temps. Mais l’action de la maladie, je ne l’accepte pas. Ce qui est important, c’est le dépistage. Plus on traite tôt, mieux c’est. On pourrait gagner en qualité de vie. Aujourd’hui, les conséquences de ma maladie sont nombreuses : je fais du diabète, de l’hypertension, j’ai des problèmes articulaires, un cœur plus gros que la normale.
Les années à venir, c’est le gros point d’interrogation. Peut-être que dans 6 mois je serai dans un lit d’hôpital. Cette maladie est une épée de Damoclès. On ne sait pas si la tumeur va repartir, si le cœur va suivre.
Concernant la recherche, j’ai peu d’espoir, vu le système de santé. On est rattaché au CHU de Lille qui est celui qui connaît à peu près la maladie. Quand on arrive là-bas, on a le sentiment d’être un vulgaire numéro. Je dis ça en étant infirmière. C’est de l’abattage. On n’est pas considéré. Même un professionnel empathique n’a ni les moyens, ni le temps. Quand on a une maladie rare, on a besoin de l’expliquer. Ça ne se fait pas en 10 minutes. Mais aujourd’hui, quelle que soit votre pathologie, vous avez 10 minutes avec le spécialiste. Donc oui, je souhaite qu’il y ait une avancée médicale qui permette de supprimer les tumeurs. Mais en attendant, ce qu’on veut c’est un peu plus d’humanité. »
* Association " Acromégales pas seulement", www.acromegalie-asso.org ou sur Facebook Acromégales, pas seulement.